Rubrique > santé
Titre > Psychiatrie publique : va-t-on enfin renforcer la politique de secteur?
Mme Anne Stambach-Terrenoir attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'état d'extrême tension que connaît la psychiatrie publique en Haute-Garonne. Les moyens de la politique sectorielle n'ont pas suivi l'explosion démographique de ce département, qui compte actuellement 8 secteurs en psychiatrie adulte. Au début des années 1970, un secteur couvrait environ 70 000 habitants. Aujourd'hui, en moyenne, un secteur couvre plus de 170 000 habitants, jusqu'à 200 000 en Haute-Garonne. Les besoins n'ont cessé d'augmenter et la situation est aujourd'hui dramatique pour les patients, leurs familles et les personnels de santé. Il faut aujourd'hui, selon les centres médico-psychologiques (CMP), de 6 mois à plus d'1 an pour obtenir un premier rendez-vous. Les patients qui n'ont pas pu être pris en charge à temps voient leur situation se dégrader et arrivent aux urgences, qui sont déjà saturées. Certains sont ainsi contraints de dormir sur des brancards, dans des pièces sans fenêtre et doivent parfois être sédatés dans le hall, devant d'autres patients. On parle bien d'êtres humains en situation de détresse psychique, à qui l'on impose ces conditions d'accueil dans les hôpitaux publics. Certes, le manque de moyens dont souffre la psychiatrie, qu'il est devenu usuel de qualifier de parent pauvre de l'hôpital public, concerne l'ensemble du territoire national. Mais la situation haute-garonnaise présente des spécificités qui en aggravent les maux. D'une part, une répartition particulièrement déséquilibrée des moyens entre le secteur public et le secteur privé, qui a pourtant obtenu l'essentiel des ouvertures de lits ces dernières années : on compte aujourd'hui 1 lit dans le secteur public pour 4 lits dans le secteur privé. Or celui-ci ne prend pas sa part dans la prise en charge des situations les plus complexes : hospitalisation à la demande d'un tiers, personnes en situation de grande précarité, ou cumulant souffrance psychique et addictions. D'autre part, une partie importante de la population est particulièrement vulnérable : selon l'Insee, l'Occitanie est une des régions les plus pauvres de France, avec une forte concentration géographique de la précarité, notamment autour de la métropole toulousaine. Or, on sait que la précarité tend à fragiliser les personnes sur le plan psychique et rend plus difficile l'accès aux droits et aux soins. En 2019, un collectif d'une centaine de médecins psychiatres avait interpellé le ministère pour demander un renforcement de la politique de secteur. La création d'un 9e secteur avait même été envisagée par l'agence régionale de santé (ARS), qui avait mis en place un groupe de travail, dont l'activité s'est interrompue au moment de la crise sanitaire de la covid-19. Tous les personnels de santé rencontrés ont fait part de cette demande de renforcer en premier lieu la politique de secteur, qui permettrait de répondre à la grande majorité des besoins et qui en est empêchée par le seul manque de moyens, plutôt que de conditionner ces moyens à la mise en place de dispositifs innovants, faisant perdre un temps de travail précieux pour répondre à des appels à projets. L'obtention de moyens budgétaires supplémentaires fléchés vers le secteur public, permettant par exemple la création d'un neuvième secteur, serait perçue comme un signal fort. En 2022, le centre hospitalier Marchant a fait les gros titres de la presse nationale suite à plusieurs sorties sans autorisation de patients atteints de troubles graves. Depuis, le centre hospitalier a dépensé 40 000 euros par mois qui sont revenus à une société de sécurité privée, puis a internalisé les coûts d'un service de sûreté, ponctionnant son budget de moyens attendus depuis des années par les soignantes et les soignants. En 2023, pendant l'été, ce centre hospitalier décide de fermer temporairement le seul pavillon d'admission pour les jeunes adultes de la région Occitanie, faute de personnels. C'est la seule structure équivalente dans toute la région, alors qu'un jeune adulte sur 5 présente des troubles dépressifs, alors que les situations de détresse psychique ont explosé depuis la crise sanitaire. En septembre 2023, la direction annonce la fermeture de 15 lits, sur deux unités d'hospitalisation. Il manque en effet 16 médecins et 30 infirmiers pour pouvoir prendre correctement en charge les patients. C'est ce manque de personnels qui entraîne de la violence entre usagers et parfois envers les agents. On ne répondra pas à un problème de santé publique par une approche sécuritaire. Les personnels de santé n'ont pas besoin de plus de vigiles, ils ont besoin de moyens humains et matériels pour assurer leur mission de service public. Actuellement, les moyens attribués à la psychiatrie publique étant insuffisants, les conditions de travail y sont nettement dégradées, ce qui alimente la fuite des personnels vers le secteur privé, accentuant encore la pression sur ceux qui restent. On ne peut pas se contenter de déplorer le manque de personnels pour justifier l'orientation des moyens vers le secteur privé. Il faut mener une politique volontariste de renforcement de la politique de secteur et prendre des mesures fortes pour améliorer l'attractivité du secteur public pour les personnels de santé. C'est un cri d'alarme que Mme la députée voudrait, aujourd'hui, adresser à M. le ministre. La psychiatrie publique, on le sait, manque cruellement de moyens et la Haute-Garonne fait partie des départements les moins bien dotés de France. Mme la députée demande à M. le ministre s'il va enfin doter l'ARS Occitanie de moyens suffisants pour renforcer la politique sectorielle, notamment par la création d'un neuvième secteur de psychiatrie adulte en Haute-Garonne, sans avoir à prélever sur les dotations accordées à d'autres départements. Va-t-il entendre les demandes que les personnels de santé adressent au ministère depuis des années ? Enfin, elle souhaite savoir s'il va poursuivre la privatisation de la prise en charge de la santé mentale déjà si avancée dans le département car, en effet, plutôt que des applaudissements et des déclarations émouvantes sur leur héroïsme pendant la crise sanitaire, les personnels de santé ont avant tout besoin de marques concrètes de considération.