16ème législature

Question N° 412
de M. Francis Dubois (Les Républicains - Corrèze )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > élevage

Titre > Filière veau sous la mère, répartition des aides du « fonds veau »

Question publiée au JO le : 21/11/2023
Réponse publiée au JO le : 29/11/2023 page : 10592

Texte de la question

M. Francis Dubois alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les inégalités causées par la répartition du « fonds veau ». Après un an d'échanges entre la FNB et ELVEA France, qui regroupe 29 associations d'éleveurs, les professionnels ont appris que le programme opérationnel ne reconnaîtrait pas les modalités de commercialisation des animaux des organisations de producteurs sans transfert de propriété. Cette inégalité pourrait sceller le sort de la filière d'élevage du veau sous la mère ou veau label. Une filière d'excellence et mode d'élevage traditionnel qui est déjà durement touchée. Pourtant, un millier d'éleveurs sont adhérents à une organisation de producteurs ELVEA et ils ont la volonté de garder la commercialisation de leurs produits et de chercher la meilleure valorisation possible. Ce modèle satisfait pleinement les éleveurs-producteurs de veaux sous label. Les organisations sans transfert de propriété ne peuvent pas émarger selon les conditions pour lesquelles elles sont agrées. Un programme opérationnel veau label ne peut pas être ouvert à une production s'il entraîne une distorsion de la concurrence entre les types de structures. On se doit collectivement de trouver une solution pour l'ensemble des filières et notamment pour les éleveurs qui portent un modèle de production qualitatif et durable. En conséquence, il lui demande ce qu'il entend faire pour répartir équitablement le « fonds veau » et que les organisations de producteurs sans transfert de propriété puissent également en bénéficier.

Texte de la réponse

FILIÈRE VEAU SOUS LA MÈRE


M. le président. La parole est à M. Francis Dubois, pour exposer sa question, n°  412, relative à la filière veau sous la mère.

M. Francis Dubois. Je souhaite interroger le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à propos des aides du programme opérationnel veaux labels et de leur répartition. La situation est critique et menace l'avenir de la filière d'élevage du veau sous la mère ou veau label, une filière d'excellence qui constitue non seulement une tradition, mais aussi un patrimoine agricole français, notamment corrézien, structuré sous l’impulsion d’un conseiller municipal de Sainte-Féréole, en Corrèze – Jacques Chirac.

Cette filière représente 50 % des veaux labels commercialisés en France, et 60 % en Corrèze. Elle réunit plus d'un millier d'éleveurs, dont 97 % sont adhérents à une organisation de producteurs (OP). Je vous laisse imaginer leur réaction lorsqu'ils ont appris par les services de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) que les conditions d'accès au programme opérationnel les laisseraient sur le carreau.

Et pourquoi ? Parce que les modalités de commercialisation, sans transfert de propriété, pratiquées au sein des organisations de producteurs ne répondraient pas aux critères d'éligibilité de ces aides, alors même qu'elles sont agréées en France selon les critères de reconnaissance de l'Union européenne. Le tort de ces éleveurs serait de ne pas contractualiser, alors que leur méthode de vente très spécifique leur apporte une plus-value supplémentaire.

Pourtant, ils maintiennent un élevage traditionnel de qualité et veulent garder la main sur leur méthode de commercialisation en négociant individuellement le prix de leurs veaux, en foire, en foire primée ou en ferme, garantissant ainsi le niveau élevé du cours du veau. De plus, Elvea France, un réseau réunissant vingt-neuf associations d'éleveurs, s'engage à fournir l'ensemble des éléments nécessaires pour répondre aux critères d'éligibilité de l'aide.

Monsieur le ministre, cette aide représenterait en moyenne 4 000 euros par élevage et par an. Vous ne pouvez donc pas rester indifférent face à cette iniquité, qui non seulement mettra en péril une filière d’excellence déjà fragilisée, mais créera en outre une distorsion de concurrence. Ainsi est-il urgent et plus que nécessaire de rassurer nos éleveurs et de trouver une solution pour pérenniser ce modèle traditionnel de production de qualité, durable et unique en Europe.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Vous avez raison de parler de filière d'excellence. Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), la France a fait le choix – elle n'en avait pas l'obligation – de mettre en œuvre à compter de 2024 des programmes opérationnels à destination des OP dans plusieurs secteurs, notamment celui du veau Label rouge, afin de les accompagner.

À cet effet, mes services ont, en août, transmis à la Commission européenne une demande de modification du plan stratégique national de la PAC pour que nous puissions nous y conformer. La proposition de programme opérationnel dédié à la filière du veau Label rouge a été notifiée dans le cadre de cette modification. Elle prévoit une enveloppe prévisionnelle de 3 millions d’euros pour l’année 2024 et 3,5 millions d’euros pour les années 2025, 2026 et 2027. Vous avez rappelé les effets induits au sein de chaque exploitation.

Cette enveloppe consacre le soutien du Gouvernement en faveur d’une filière, certes restreinte en volume, mais dont le modèle particulièrement vertueux présente un caractère identitaire pour les éleveurs et génère de nombreuses externalités positives pour les territoires concernés – votre département ainsi que d'autres.

Depuis mai 2023, nous avons travaillé à l'application de ce programme. Vingt-quatre organisations de producteurs ont été identifiées comme étant éligibles au programme opérationnel lors des concertations conduites par mes services. Dix-sept d'entre elles ont indiqué vouloir déposer un programme opérationnel dès l’année 2024.

Une organisation de producteurs peut déposer un programme opérationnel dès lors qu’elle est reconnue comme organisation du secteur de l’élevage bovin et qu’elle réalise la commercialisation de la production ou organise la mise en marché des productions de veau Label rouge, via des contrats négociés. Ce point de la réglementation européenne avait été souligné dès 2021 à l'intention des professionnels : il n'y a donc pas de surprise.

Je vous confirme qu’une organisation de producteurs sans transfert de propriété qui structure la mise en marché de la production est éligible au programme opérationnel veau Label rouge. Des discussions sont en cours avec mes services et mon cabinet pour définir précisément le dernier point en suspens, à savoir les critères prévus permettant de justifier la structuration de la mise sur le marché de la production par une organisation de producteurs.

Nous sommes conscients des difficultés actuelles et nous ne manquerons pas d'y trouver une solution. Dans le cadre européen que nous connaissons, une partie de la contrainte a déjà été levée. Nous allons poursuivre le travail pour que, dès 2024, plusieurs organisations de producteurs puissent s'engager dans cette structuration et bénéficier de ces moyens inédits pour la filière du veau sous la mère.

M. le président. La parole est à M. Francis Dubois.

M. Francis Dubois. Vous avez répondu en partie à ma question, en nous assurant que les organisations de producteurs seraient éligibles. Après les dernières discussions, celles-ci proposent, pour que la valeur de production commercialisée corresponde aux critères européens, de vous fournir les contrats de production signés entre l'organisation et le producteur, en y incluant les volumes prévisionnels. Ces contrats permettront de justifier l'apport respectif des volumes de l'éleveur et de l'organisation de producteurs afin que celle-ci réalise la mise en marché selon le schéma conforme. J'espère que ces éléments leur permettront de bien percevoir l'aide prévue. C'est leur attente. Avec la différenciation qui prévaut sur le marché de la viande, il serait dommage de perdre cette filière qui est un patrimoine historique français et corrézien.<