Question orale n° 413 :
Place de l'aumônerie au sein du centre hospitalier d'Argentan

16e Législature

Question de : M. Jérôme Nury
Orne (3e circonscription) - Les Républicains

M. Jérôme Nury appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention concernant la place de l'aumônerie au sein du centre hospitalier d'Argentan. Le conseil de surveillance du centre hospitalier d'Argentan a pris, en mars 2023, la décision de ne plus financer le temps de l'aumônier sur les fonds de l'établissement. Une décision motivée selon l'établissement par l'interprétation du 1er alinéa de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, qui prévoit que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Une interprétation qui interroge et qui suscite de vives inquiétudes quant à la position jugée anticléricale de l'établissement. En effet, ladite loi indique pourtant à l'alinéa suivant que « pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ». Les établissements publics de santé doivent donc assurer le fonctionnement d'un service d'aumônerie destiné à répondre aux besoins spirituels des patients ou résidents qu'ils accueillent. L'établissement hospitalier d'Argentan est le seul dans un large rayon d'attractivité et les données démographiques du bassin desservi attestent d'ailleurs qu'une majorité des personnes qui y résident sont catholiques. Le libre exercice du culte par de seuls intervenants bénévoles apparaît intenable et la suppression du demi-poste d'aumônier quant à elle, injustifiée. Il lui demande donc de clarifier rapidement les obligations des établissements de santé en matière de provision de services d'aumônerie et appelle à une nouvelle directive de son administration rappelant l'importance de ces services et précisant leur financement afin d'éviter d'autres situations litigieuses.

Réponse en séance, et publiée le 29 novembre 2023

CENTRE HOSPITALIER D'ARGENTAN
M. le président. La parole est à M. Jérôme Nury, pour exposer sa question, n°  413, relative au centre hospitalier d'Argentan.

M. Jérôme Nury. Madame la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, j'aimerais appeler votre attention sur la place que tient l'aumônerie dans les centres hospitaliers, plus particulièrement à Argentan, dans ma circonscription de l'Orne, où vous vous êtes rendue hier.

En mars dernier, la direction du centre hospitalier a pris la décision de ne plus financer le temps de l'aumônier sur les fonds de l'établissement, au motif que ce financement ne respectait pas la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Cette suppression de poste suscite de vives inquiétudes parmi les habitants et les patients de notre territoire, très majoritairement catholiques, qui ont le sentiment d'être victimes de positions anticléricales militantes. Contrairement à ce que prétend la direction de l'hôpital d'Argentan, la loi de 1905 prévoit que « pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. »

Tous les hôpitaux de l'Orne assurent le fonctionnement d'un service d'aumônerie destiné à répondre aux besoins spirituels des patients qu'ils accueillent. Tous, sauf désormais celui d'Argentan ! Faire reposer le libre exercice du culte sur la seule intervention de bénévoles, comme le suggère par provocation la direction, est illusoire. Comment l'activité des fidèles pourrait-elle compenser un mi-temps salarié, alors qu'ils ont bien d'autres tâches à assumer dans les paroisses ?

L'hôpital d'Argentan est un établissement de qualité, dont les personnels et les professionnels de santé sont compétents, attentifs et investis. Le service d'aumônerie est un atout du point de vue spirituel et psychologique pour les patients, croyants ou pas, qui choisissent d'y recourir. La suppression du demi-poste d'aumônier est donc très mal vécue : non seulement elle pénalise les patients de l'établissement, mais elle a eu lieu subrepticement, alors que le poste était vacant. Or toutes les candidatures de personnes qualifiées et formées proposées par le diocèse et l'évêque de Sées ont depuis été écartées.

Madame la ministre déléguée, dans cet hémicycle où la laïcité est chère à notre République, pouvez-vous à tout le moins prendre l'engagement de soutenir le maintien d'un poste d'aumônier à l'hôpital d'Argentan ? Afin que cette situation ne se reproduise pas ailleurs dans notre pays, interviendrez-vous, par le biais d'une nouvelle directive plus claire, pour rappeler l'importance de ces services et préciser les modalités de leur financement par les établissements publics de santé ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. J'ai effectivement eu le plaisir de passer la journée d'hier dans votre département, l'Orne, pour découvrir les dispositifs déployés par les acteurs locaux pour satisfaire les besoins de santé de nos concitoyens. Votre interpellation concerne la situation de l'aumônerie de l'hôpital d'Argentan. Vous l'avez dit, conformément à l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905, le principe de laïcité de l'État doit être concilié avec celui de la liberté d'exercice des cultes. C'est pourquoi ce même article dispose qu'en dérogation au principe de non-financement des cultes par l'État, « pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ».

En application de la liberté d'exercice des cultes, rappelée par le code de la santé publique et la charte de la personne hospitalisée, les établissements hospitaliers publics doivent organiser un service d'aumônerie lorsque les ministres d'un culte en font la demande, pour répondre aux éventuels besoins spirituels des patients qu'ils accueillent. Un établissement ayant recruté un aumônier par contrat ne peut donc y mettre fin au motif du principe de séparation des Églises et de l'État. Pour que le libre exercice des cultes soit effectif, les établissements doivent assurer une information suffisante et adaptée à destination des usagers, en précisant les modalités de l'exercice des cultes par voie d'affichage dans un lieu accessible aux patients, ainsi que dans le livret d'accueil.

S'agissant du cas que vous évoquez, les discussions sont toujours en cours entre le centre hospitalier d'Argentan et l'association du diocèse pour aboutir à une offre en adéquation avec les besoins du centre hospitalier.

Je rappelle que les principes d'organisation des aumôneries et d'exercice des missions des aumôniers ont été définis par plusieurs circulaires du ministère chargé de la santé, en particulier celles du 20 décembre 2006 relative aux aumôniers des établissements de la fonction publique hospitalière et celle du 5 septembre 2011 relative à la charte des aumôneries dans les établissements de la fonction publique hospitalière. La circulaire du 5 septembre 2011 est en cours de réactualisation et sera diffusée aux établissements début 2024 pour leur rappeler les règles applicables au sein des établissements publics de santé. Je ne manquerai pas de vous en tenir informé.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. Vous nous avez rappelé la législation comme je l'avais fait moi-même. Vous dites que des discussions sont en cours avec le diocèse, mais ce n'est pas le cas, puisque la direction du centre hospitalier nous a invités à trouver des bénévoles ! De manière générale, on manque pourtant cruellement de bénévoles dans les paroisses et les diocèses.

Il faut que vous preniez les choses en main, madame la ministre déléguée. Nous ne pouvons pas tolérer une telle inégalité territoriale : les patients hospitalisés à Flers, à Alençon ou à L'Aigle peuvent avoir recours à un aumônier, mais pas ceux d'Argentan ! Au-delà de l'aspect juridique, vous savez combien une aumônerie est importante pour le bien-être des patients. Nous avons besoin que vous nous prêtiez main-forte dans ce dossier. Je vous remercie par avance !

Données clés

Auteur : M. Jérôme Nury

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2023

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