Indemnisation des dégâts liés au phénomène retrait-gonflement des sols argileux
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES)
M. Dominique Potier appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs aux épisodes de sécheresse et à la réhydratation des sols. Le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux consiste en une succession de mouvements des sols liés aux variations de leur teneur en eau. Les épisodes de sécheresses qui s'intensifient et seront amenés à se multiplier, provoquent des dégâts matériels importants pour un nombre d'habitations en constante augmentation. L'indemnisation des dégâts causés par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux est intégrée depuis 1989 dans le régime des catastrophes naturelles. Pour autant, sa connaissance ne s'est pas accompagnée d'une politique efficace d'évolution du système d'indemnisation des sinistrés. La DHUP, la DGPR et la DGSCGC reconnaissent toutes l'inadaptation du régime « catastrophe naturelle » au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux. L'expérience de la sécheresse de l'été 2022, exceptionnelle par son intensité et sa durée n'a par exemple pas suscité de mesures exceptionnelles visant à réduire les délais de traitement administratifs pour les sinistrés. Ainsi, dans un rapport de février 2022, la Cour des comptes souligne une durée plus longue de l'instruction des phénomènes de retrait-gonflement des sols argileux par rapport aux autres catastrophes naturelles, ce d'autant plus que le délai de traitement des demandes de reconnaissance ne comprend pas la phase relevant des compagnies d'assurance. Cela conduit à indemniser les sinistrés a minima plus d'un an après la survenance de l'évènement. Dans le cas du phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, les critères de reconnaissance de catastrophe naturelle sont difficilement applicables. Pour qu'un évènement soit reconnu catastrophe naturelle, il convient en effet d'en caractériser « l'intensité anormale ». Cette situation entraîne incompréhension et sentiment d'injustice chez les sinistrés. Elle génère trop souvent de parcours de vie socialement et psychologiquement fragilisés. C'est pourquoi il demande quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour reconsidérer le régime d'indemnisation des dégâts causés par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux et ainsi répondre aux inquiétudes des sinistrés, face à des catastrophes amenées à se multiplier.
Réponse publiée le 11 avril 2023
L'attention du Gouvernement a été appelée sur l'évolution des modalités d'indemnisation des habitants dont les biens sont sinistrés par le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols dans le cadre du régime de la garantie catastrophe naturelle. Une réforme législative de ce régime a été adoptée par le Parlement et promulguée le 28 décembre 2021. Le texte a notamment procédé à des adaptations du régime permettant une meilleure prise en compte des spécificités du risque de retrait-gonflement d'argiles. Cette loi institue d'abord des délais plus favorables aux assurés et mieux adaptés à la cinétique lente du phénomène de retrait-gonflement d'argiles. Cette adaptation des délais s'est matérialisée par un allongement de 18 à 24 mois du temps laissé au maire pour déposer une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Dans le même esprit, le délai maximum dans lequel les assurés doivent déclarer le sinistre à leur assureur a été porté de 10 à 30 jours. Enfin, le délai de prescription pour ce phénomène n'est plus biennal mais quinquennal. La loi encadre également mieux les pratiques des assureurs qui ont, avec leurs experts, un rôle central pour déterminer l'éligibilité d'un sinistre à la couverture par le régime des catastrophes naturelles et pour définir les travaux nécessaires à la réparation du préjudice subi. Elle oblige les assureurs à transmettre désormais automatiquement aux sinistrés le rapport définitif d'expertise ainsi que toutes les constatations faites par l'expert au cours de la procédure. De même, il est fait obligation aux entreprises d'assurance de rappeler le droit à contre-expertise dont dispose chaque assuré. Enfin, les assureurs sont désormais contraints de proposer une indemnisation d'un montant suffisant pour financer des travaux « permettant un arrêt des désordres existants consécutifs à l'événement lorsque l'expertise constate une atteinte à la solidité du bâtiment ou un état du bien le rendant impropre à sa destination ». Par ailleurs, le texte accélère les procédures d'indemnisation des sinistrés qui peuvent parfois paraître comme excessivement longues aux assurés. Désormais, l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doit être publié deux mois après le dépôt d'une demande communale ou, s'agissant des phénomènes complexes à analyser comme les épisodes de sécheresse réhydratation des sols, dans les deux mois qui suivent la réalisation des expertises techniques nécessaires. En parallèle, la loi renforce l'encadrement des délais de traitement des dossiers par les entreprises d'assurance. Concrètement, l'étude des dossiers de demande de reconnaissance du phénomène de sécheresse réhydratation des sols, que vous abordez, s'effectue au regard d'un rapport d'analyse fourni par Météo-France qui l'établit au titre de l'année en question. Ces rapports sont finalisés et transmis à la commission au cours des mois de mars et avril, avec une étude en commission dans les deux mois suivants. Ces délais sont nécessaires pour permettre de garantir l'objectivité des décisions prises. Enfin, la loi du 28 décembre 2021 élargit le champ des préjudices indemnisés et assure ainsi une meilleure couverture du risque de retrait-gonflement d'argiles. Désormais, les frais de relogement d'urgence seront pris en charge par le régime des catastrophes naturelles. En outre, les frais d'architecte et de maîtrise d'œuvre seront couverts par le régime dès lors que le recours à ces professionnels est obligatoire. Malgré ces apports multiples, les dispositions de la loi du 28 décembre 2021 ne modifient pas en profondeur les conditions d'indemnisation du phénomène sécheresse-réhydratation des sols qui sont identiques aux autres phénomènes naturels couverts par le régime de la garantie catastrophe naturelle. Par ailleurs, le gouvernement, par l'ordonnance du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, a pris des mesures visant à prendre en compte les phénomènes de sécheresse multiples, à mieux intégrer la gravité des dommages constatés par l'extension du périmètre d'analyse de l'éligibilité des communes à une reconnaissance en état de catastrophe naturelle, mais également à mieux encadrer l'activité des experts des assurances. Conscient des limites du dispositif actuel de prise en charge des désordres provoqués par le retrait-gonflement des argiles et des enjeux dans le contexte de réchauffement climatique, le Gouvernement continue donc à se mobiliser pour travailler à l'amélioration de l'indemnisation de ce phénomène complexe.
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Catastrophes naturelles
Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer
Ministère répondant : Intérieur et outre-mer
Dates :
Question publiée le 20 décembre 2022
Réponse publiée le 11 avril 2023