SERVICE PUBLIC DE PSYCHIATRIE EN HAUTE-SAVOIE
M. le président. La parole est à Mme Christelle Petex-Levet, pour exposer sa question, n° 415, relative au service public de psychiatrie en Haute-Savoie.
Mme Christelle Petex-Levet. Madame la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, je me dois de vous interpeller une nouvelle fois à propos de la dégradation alarmante du service public de psychiatrie en Haute-Savoie. À ce jour, la situation est dangereuse. Le ministère de la santé peut-il la prendre à bras-le-corps afin d'apporter davantage que des pansements ?
Au cœur de ma circonscription de Haute-Savoie se trouve un établissement public de santé mentale (EPSM), un hôpital spécialisé en psychiatrie. La direction, le personnel et les représentants des usagers ne cessent de m'alerter sur leur situation, marquée par une multitude de difficultés.
La capacité d'accueil de l'EPSM, réduite de moitié depuis plusieurs mois, faute de personnel soignant, est dérisoire. Souffrant des mêmes difficultés, les centres médico-psychologiques (CMP), chargés des soins ambulatoires, sont incapables de compenser, même partiellement, la disparition des lits d'hospitalisation complète. Sous-dimensionnés par rapport aux besoins et manquant également de personnel, certains espaces d'accueil de jour du département ferment d'ores et déjà leurs portes, alors qu'ils avaient récemment ouvert.
La gérontopsychiatrie n'est pas épargnée : les vingt-cinq lits de l'unité de l'EPSM ont été fermés en 2021 et les patients qui y étaient hospitalisés ont été dispersés dans d'autres services, inadaptés. L'agence régionale de santé (ARS) a également décidé de supprimer ou de réduire les équipes mobiles d'accompagnement des patients souffrants de maladies psychiatriques. Vous mettez ainsi fin à une action concrète, appréciée et indispensable, qui soulageait les établissements de santé !
La Haute-Savoie est par ailleurs confrontée à une cohabitation forcée entre les services de pédopsychiatrie et de pédiatrie. En effet, dans les cas les plus graves nécessitant une hospitalisation en psychiatrie, les mineurs les plus jeunes sont aujourd'hui redirigés vers les services de pédiatrie, les plus âgés vers les services de psychiatrie pour adultes. Ces services ne sont pas adaptés à leurs maux et leur présence pose de graves problèmes d'organisation, mais surtout de sécurité.
Venons-en au cœur du problème : les malades psychiques. J'ai honte ! Comment peuvent-ils adhérer à un traitement, nouer une alliance thérapeutique et envisager de se reconstruire quand ils ne sont plus hospitalisés qu'en état de crise et sous la contrainte, puis rapidement redirigés vers un suivi extra-hospitalier, malheureusement hypothétique ? Dans ce contexte, la qualité des soins, la sécurité et le respect des droits des patients sont en péril.
Madame la ministre déléguée, je ne cesse de vous interpeller : quelles solutions durables mettrez-vous en place pour sauver la psychiatrie en Haute-Savoie et pour aider les malades psychiatriques, qui ont le droit d'être soignés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Comme je l'ai souligné il y a quelques minutes en répondant à une autre question, nous partageons pleinement le constat des difficultés du secteur de la psychiatrie. Le Gouvernement entend actionner tous les leviers pour y faire face. Dès 2018, nous avons adopté une stratégie d'ensemble pour la santé mentale, que nous avons amplifiée en 2021. Au cours de la période 2018-2026, nous avons engagé plus de 3,3 milliards pour mettre en œuvre des réformes et des mesures importantes en matière de prévention, de parcours de soins et d'inclusion sociale. La psychiatrie a toute sa place dans cette stratégie.
Nous actionnons tous les leviers pour faire face à une crise dont les causes sont multifactorielles. Pour renforcer l'attractivité des métiers et la fidélisation des personnels, nous avons facilité l'exercice mixte entre ville et hôpital prévu par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (OTSS). Par ailleurs, les revalorisations du Ségur de la santé bénéficient aux professionnels exerçant dans les services de psychiatrie. Pour valoriser la discipline et accroître la visibilité de ces carrières, nous avons accentué l'universitarisation de la filière psychiatrique et pédopsychiatrique.
L'une des spécificités du département de Haute-Savoie est son positionnement géographique, qui engendre une tension forte dans les ressources médicales et paramédicales. S'agissant des difficultés de l'établissement public de santé mentale de La Roche-sur-Foron, dans votre circonscription, nous avons engagé depuis plusieurs mois un suivi rapproché pour soutenir son activité. Les établissements de psychiatrie des départements voisins de l'Ain, de la Savoie et du Rhône ont été mis à contribution. L'ARS a reçu l'autorisation d'augmenter le plafond de la prime de solidarité territoriale afin de mobiliser les praticiens des autres établissements. Une cellule de régulation est déployée plusieurs fois par semaine pour trouver des lits aux patients nécessitant une hospitalisation à temps plein. Enfin, un nouveau directeur prendra prochainement ses fonctions.
En lien avec l'ensemble des services de l'État, nous souhaitons poursuivre notre action de soutien aux personnels et apporter des solutions pérennes permettant de renforcer les équipes soignantes.
M. le président. La parole est à Mme Christelle Petex-Levet.
Mme Christelle Petex-Levet. Je vous remercie d'avoir rappelé l'historique des actions de l'État : nous le connaissons. En effet, un nouveau directeur prendra bientôt ses fonctions à l'EPSM de La Roche-sur-Foron et les établissements voisins ont fait tout leur possible pour soutenir l'établissement – mais il ne s'agit que de pansements. Le personnel est à bout : venez visiter cet établissement de Haute-Savoie, vous le constaterez !
Nous n'avons plus de psychiatres libéraux et pas de places dans les hôpitaux psychiatriques. Nous en sommes témoin quand nous passons des journées en immersion dans les services : en pédiatrie, des enfants hospitalisés pour une appendicite ou une jambe cassée côtoient des jeunes souffrant de troubles psychiatriques dangereux. Nous avons eu de la chance jusqu'à présent, il n'y a pas eu de problème grave, mais nous sommes tous préoccupés et nous avons peur – nous avons bien sûr été frappés par ce qui s'est passé à Annecy au printemps dernier.
Madame la ministre déléguée, je vous remercie d'entendre notre cri d'alarme et de prendre en compte la situation de la Haute-Savoie.