Question de : M. Aymeric Caron
Paris (18e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Aymeric Caron attire l'attention de Mme la Première ministre sur la petite enfance. En effet, malgré sa déclaration « vouloir bâtir un véritable service public de la petite enfance », la crise de ce secteur a éclaté au grand jour. Le 6 octobre 2022, une mobilisation inédite du monde de la petite enfance se tenait dans 73 villes réunissant parents et près de 20 000 professionnelles et professionnels. Leur mot d'ordre était clair : pas de bébé à la consigne ! Ces manifestations sont le résultat de décisions politiques qui ont fortement dégradé les conditions d'accueil des jeunes enfants. En 2021, Mme la Première ministre a acté la possibilité que six bébés soient confiés à un seul adulte dans les crèches. C'est deux fois plus qu'au Danemark. Elle a également augmenté la capacité d'accueil des crèches en heures et en effectif, sans aucune surface complémentaire pour absorber cette augmentation. Plus récemment, en août 2022, elle a ouvert la possibilité de recruter des personnes sans aucun diplôme ni expérience professionnelle. Cette décision qui se veut une réponse à la pénurie croissante de personnel n'est pourtant pas la solution. Cette pénurie est avant tout le résultat de conditions de travail qui se dégradent et non à cause du parcours de formation. De nombreux professionnelles et professionnels font le constat d'une qualité d'accueil qui se détériore. Les taux d'encadrement ne sont souvent pas respectés, les qualifications professionnelles sont insuffisantes pour assurer le bien-être des tout-petits. C'est une maltraitance systémique qui s'installe progressivement, à la fois pour le personnel mais aussi pour les jeunes enfants. Malgré les préconisations de la commission des 1 000 premiers jours, aucune mesure n'est reprise. Pire, les décisions gouvernementales vont à l'encontre pour l'essentiel des connaissances scientifiques validées par la recherche sur le lien entre la qualification professionnelle, le taux d'encadrement et la qualité relationnelle auprès des bébés. Les revendications sont pourtant connues : l'abrogation de l'arrêté du 29 juillet 2022 pour cesser de recruter en crèche des personnes sans qualification ni expérience ; l'attribution sur décision gouvernementale du Ségur de la santé sous forme de traitement indiciaire à tous les professionnelles des crèches publiques (189 euros) qui incitera aussi le privé à s'aligner ; l'augmentation immédiate et massive de places en centres de formation pour les métiers de la petite enfance sous l'impulsion conjointe de l'État et des régions ; l'adoption d'un taux d'encadrement unique en crèche d'un adulte pour 5 enfants qui ne marchent pas et d'un pour 7 qui marchent ; l'égalisation du reste à charge financier vers le bas pour les parents quel que soit le mode d'accueil. Il lui demande pourquoi maintenir des décisions qui sont contraires à sa déclaration de vouloir faire de la petite enfance une priorité.

Réponse publiée le 24 octobre 2023

Les difficultés structurelles et conjoncturelles qui fragilisent l'offre de modes d'accueil constituent une préoccupation forte du Président de la République qui a fait de la refondation du secteur de la petite enfance une priorité afin de permettre à toutes les familles de disposer d'une solution d'accueil de qualité pour leurs jeunes enfants. Une importante réforme du cadre normatif applicable à l'offre de modes d'accueil a été menée en concertation avec les acteurs concernés depuis 2018. Cette réforme a, notamment, introduit des évolutions concernant la composition des équipes des établissements d'accueil du jeune enfant. Un rôle de référent santé et accueil inclusif a, ainsi, été créé et un minimum d'heures d'analyse de la pratique professionnelle mis en place. D'autres évolutions positives pour la qualité d'accueil ont été actées. Ces mesures ont été complétées par un arrêté pris par le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, en juillet 2022. Très attendu par le secteur, cet arrêté est venu actualiser la liste des qualifications et expériences nécessaires à l'exercice en crèche et facilitant le recrutement de personnels européens disposant de qualifications équivalentes à celles requises en France. Cet arrêté n'a en aucun cas facilité l'embauche de personnes sans qualifications. Bien au contraire, il a permis de sécuriser une dérogation qui existait depuis plus de vingt ans, en y ajoutant deux verrous supplémentaires : l'urgence de la situation et la formation des personnes. Aussi, le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées a demandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de faire la lumière sur l'ensemble des facteurs qui conduisent, de manière directe ou indirecte, à dégrader la qualité d'accueil. Rendu public le 11 avril 2023, ce rapport fait le constat d'une grande hétérogénéité au sein du secteur de la petite enfance, avec des établissements de grande qualité portés par une réflexion pédagogique approfondie, comme des établissements de qualité dégradée. Pour remédier à cette situation, le rapport propose 7 axes de préconisations qui sont repris dans le volet qualité du service public de la petite enfance.  La mise en place d'un service public de la petite enfance, annoncée par la Première ministre le 1er juin 2023, a pour ambition de répondre aux multiples défis que rencontre le secteur. Le préalable au développement quantitatif et qualitatif de l'offre d'accueil du jeune enfant est la lutte contre la pénurie de professionnels de la petite enfance. Améliorer les conditions de travail et surmonter le risque de pénurie de professionnels permettra, dans le même temps, d'offrir aux enfants de meilleures conditions d'accueil. Pour ce faire, un comité de filière petite enfance a été installé dès novembre 2021, afin de mettre en place une gestion prévisionnelle territoriale et nationale partagée des emplois et des compétences visant à faire face à court terme à la pénurie de professionnels de la petite enfance (auxiliaires de puériculture, éducateurs de jeunes enfants et infirmières puéricultrices) ; et à répondre au sentiment de manque de reconnaissance des professionnels et au besoin de réaffirmation du sens de leur activité en œuvrant à améliorer l'attractivité des métiers de la petite enfance (notamment en matière de rémunération et de mobilité professionnelle). A la suite des travaux du comité de filière de la petite enfance et des recommandations du rapport Inspection générale des affaires sociales (IGAS), des engagements ont d'ores et déjà été pris pour accroître la qualité d'accueil. S'agissant de l'attractivité des métiers, un travail de préfiguration pour la création d'un observatoire de la qualité de vie au travail dans la petite enfance a été piloté par l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT). Les conclusions devraient être remises au mois de septembre. En outre, en juin 2023, les membres du comité de filière ont signé un document d'engagement pour un socle commun en faveur des professionnels de l'accueil du jeune enfant prévoyant notamment, l'application d'une convention collective à tous les salariés de l'accueil collectif, la définition des emplois repères et la fixation des salaires minimum d'entrée sur ces emplois repères. Cet accord prévoit également des revalorisations des grilles salariales ou la mise en place de politiques d'amélioration des conditions de travail. Les branches professionnelles signataires qui mettront en œuvre leurs engagements se verront accompagner par la branche famille pour revaloriser les salaires. 238 millions d'euros sont prévus chaque année à cette fin dans la Convention d'objectifs et de gestion (COG) 2023-2027 qui lie l'Etat et la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF). L'octroi de ces financements supplémentaires sera conditionné à la révision des conventions collectives afin de garantir l'application du socle minimal, en particulier les salaires d'entrée sur les emplois repères. Un plan relatif à l'attractivité du métier d'assistant maternel devrait, par ailleurs, être présenté à l'automne. Le nouveau service public de la petite enfance permettra, par ailleurs, d'améliorer la qualité institutionnelle d'accueil et de prévenir le risque de la maltraitance en réformant les règles d'organisation et de financement des modes d'accueil. Sera mise à l'œuvre une réforme de la prestation de service unique pour alléger la pression résultant du financement à l'heure ainsi qu'une mission IGAS et de l'Inspection générale des finances (IGF) pour rendre sous six mois des préconisations d'évolution du modèle de financement et de réglementation des micro-crèches par la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Si la publication de la Charte nationale d'accueil du jeune enfant par arrêté du 23 septembre 2021 a permis de formaliser la priorité donnée à la qualité dans l'accueil du jeune enfant, le volet qualité du service public de la petite enfance permettra de concrétiser cette évolution. La Charte qui pose les bases nécessaires au développement harmonieux, respectueux des droits et des besoins et la singularité de chaque enfant dans tous les modes d'accueil, sera déclinée opérationnellement dans des référentiels de pratiques professionnelles afin d'ancrer dans la recherche l'amélioration collective, continue et durable de la qualité d'accueil. Ces outils s'accompagneront du déploiement d'un programme national de recherche « petite enfance » pour développer les connaissances sur le développement du jeune enfant et garantir leur diffusion auprès de l'ensemble des adultes qui en prennent soin. Pour finir, le service public de la petite enfance s'attachera à installer un réflexe de vigilance pour la petite enfance, en renforçant le système d'alerte, de contrôle et de suivi des suspicions de maltraitance au sein des lieux d'accueil. Pour cela, les procédures seront précisées et clarifiées, des guides nationaux d'évaluation de la qualité seront élaborés, seront encouragés les échanges d'informations entre autorités publiques et la mission de Florence Dabin est déjà lancée en vue de disposer à horizon six mois de recommandations quant à la mise en place d'un système unifié de recension, de remontée et de suivi des signalements. Une gouvernance renouvelée de la politique petite enfance et un approfondissement du pilotage de la qualité d'accueil sont nécessaires pour construire un service public de la petite enfance qui apportera aux Françaises et aux Français une offre d'accueil du jeune enfant qui soit à la fois sécurisée et de qualité, financièrement accessible et disponible en nombre suffisant pour répondre aux besoins de tous les parents de jeunes enfants.

Données clés

Auteur : M. Aymeric Caron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Première ministre

Ministère répondant : Solidarités et familles

Dates :
Question publiée le 20 décembre 2022
Réponse publiée le 24 octobre 2023

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