16ème législature

Question N° 423
de Mme Béatrice Piron (Renaissance - Yvelines )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Comptes publics
Ministère attributaire > Comptes publics

Rubrique > impôt sur le revenu

Titre > Défiscalisation des dons en nature des agriculteurs et producteurs

Question publiée au JO le : 21/11/2023
Réponse publiée au JO le : 29/11/2023 page : 10578

Texte de la question

Mme Béatrice Piron appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur la défiscalisation des dons des agriculteurs et producteurs aux associations d'utilité publique. Ces personnes, qui pensaient pouvoir bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % du montant versé, font face à une situation absurde lorsqu'ils décident de donner (et donc de déclarer) une partie de leur production à ces associations. Cette problématique a été remontée à Mme la députée par un agriculteur maraîcher de sa circonscription, qui avait décidé de livrer de façon régulière une partie de sa production (non commercialisée). En effet, en 2022, il a donné l'équivalent de 10 000 euros de fruits et légumes au Secours populaire. Or la valeur de ce don a été réintégrée à son résultat au titre de la production (chiffre d'affaires), générant ainsi un taux de 27 % de charges complémentaires pour l'URSSAF et un taux marginal de 30 % d'impôt sur le revenu supplémentaire. Ce don lui ouvre donc droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % mais également 6 000 euros de taxes ou impôts supplémentaires. Heureusement que son taux d'imposition marginal n'était en 2022 que de 30 %. S'il avait été de 41 %, il aurait payé plus de taxes et d'impôts qu'il n'aurait eu de réduction d'impôt. Ce type d'exemple montre donc qu'ils ont le sentiment de travailler dur pour n'obtenir qu'une réduction d'impôt très faible, voire potentiellement négative s'ils font une bonne année. Cette situation semble ainsi totalement ubuesque. Par conséquent, elle lui demande s'il serait possible de revenir sur l'obligation de réintégrer le montant des dons en nature au chiffre d'affaires, afin que ces dons bénéficient d'une réelle incitation fiscale et puissent être encouragés ; les associations sont de plus en plus en difficulté alimentaires et financières et ont besoin de davantage de dons.

Texte de la réponse

DÉFISCALISATION DES DONS EN NATURE


M. le président. La parole est à Mme Béatrice Piron, pour exposer sa question, n°  423, relative à la défiscalisation des dons en nature.

Mme Béatrice Piron. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, et concerne la défiscalisation des dons des agriculteurs et producteurs aux associations d'utilité publique.

Ces personnes, qui pensaient pouvoir bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % du montant versé, font face à une situation absurde lorsqu'ils décident de donner, donc de déclarer, une partie de leur production à ces associations. Ce problème m'a été signalé par un agriculteur maraîcher de ma circonscription, qui avait décidé de livrer de façon régulière à l'une d'elles une partie de sa production non commercialisée.

En effet, l'an dernier, il a donné l'équivalent de 10 000 euros de fruits et légumes au Secours populaire. Or, étant soumis à l'impôt sur le revenu et non à l'impôt sur les sociétés, la valeur de ce don a été réintégrée à son résultat au titre de la production, donc à son chiffre d'affaires, de sorte que cette somme a été soumise à un taux de cotisation de 27 % au titre des charges versées à l'Urssaf et au taux marginal de 30 % au titre de l'impôt sur le revenu.

Si ce don lui permet de bénéficier d'une réduction de son impôt sur le revenu de 66 %, il doit régler 57 % de taxes et d'impôts supplémentaires, si bien que son crédit d'impôt réel n'est que de 9 %. Encore doit-il s'estimer heureux que le taux marginal de son imposition n'ait été, l'an dernier, que de 30 %, car s'il avait été de 41 %, il aurait payé des taxes et des impôts supérieurs à sa réduction d'impôt ! Ces personnes ont le sentiment de travailler dur pour n'obtenir qu'une réduction d'impôt très faible, voire négative, selon les résultats de l'année. La situation semble totalement ubuesque.

Aussi, serait-il possible de revenir sur l'obligation de réintégrer le montant des dons en nature dans le chiffre d'affaires afin que ces dons bénéficient d'une réelle incitation fiscale et soient ainsi encouragés ? Les associations rencontrent de plus en plus de difficultés financières et peinent à assurer l'aide alimentaire ; elles ont besoin de davantage de dons.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire. Je vous prie d'excuser l'absence du ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, retenu au Sénat pour l'examen du projet de loi de finances pour 2024.

Votre question porte sur la réduction d'impôt accordée au titre des dons en nature effectués par les agriculteurs et producteurs aux associations d'aide aux personnes en difficulté. Vous le savez, les versements réalisés par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, au profit d'œuvres ou d'organismes d'intérêt général, ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de ces versements. À cet égard, le taux de 66 % que vous avez mentionné concerne la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons faits par les particuliers.

Le taux de la réduction d'impôt est abaissé à 40 % pour les versements supérieurs à 2 millions d'euros. Par exception, le taux de 60 % est retenu pour les versements – quel que soit leur montant – effectués par les entreprises au profit d'organismes sans but lucratif qui fournissent une aide de première nécessité à des personnes en difficulté.

Dès lors que son entreprise est soumise à un régime réel d'imposition, un producteur agricole peut bénéficier de cet avantage fiscal au titre des dons de biens issus de sa production à des organisations d'aide alimentaire, à condition que ces dons en nature ne diminuent pas le résultat imposable.

Dans le cas inverse, le don en nature effectué par l'exploitant lui permettrait de profiter d'un double avantage : non seulement il bénéficierait d'une réduction d'impôt égale à 60 % de la valeur du don, mais il bénéficierait en plus d'une diminution de sa base imposable à concurrence de la valeur de ce même don. C'est pourquoi la valeur du don doit être réintégrée de manière extracomptable dans le résultat imposable.

Comme l'a relevé la Cour des comptes, la réduction d'impôt au titre du mécénat des entrepreneurs est l'un des régimes de soutien au mécénat les plus généreux du monde – son coût s'est élevé à plus de 1,13 milliard d'euros en 2022. L'année dernière, plus de 100 000 entreprises ont bénéficié de ce dispositif.

Pour ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas instituer une mesure qui permettrait, sans justification fiscale ou économique, à la fois la réduction des dons et le bénéfice d'une réduction d'impôt.

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron. Je vous remercie pour cette réponse complexe et riche en informations. Je vais me renseigner, mais j'ai tout de même l'impression qu'il y a une différence entre les agriculteurs constitués en société, qui paient par conséquent l'impôt sur les sociétés et peuvent déduire une part de leurs dons de ce dernier, et les particuliers ou agriculteurs soumis à l'impôt sur le revenu et qui, eux, bénéficient non seulement d'une réduction d'impôt mais encore d'une réduction de charges.