Difficultés de la filière viticole d'Occitanie
Question de :
M. Frédéric Falcon
Aude (2e circonscription) - Rassemblement National
M. Frédéric Falcon appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation des viticulteurs audois. En effet, le 6 novembre 2023, une réunion historique s'est tenue à Montpellier avec les représentants des vignerons du Languedoc. La filière viticole d'Occitanie a annoncé une mobilisation historique le 25 novembre 2023 à Narbonne, pour interpeller le Gouvernement qui reste sourd à ses difficultés. Depuis plusieurs mois, les viticulteurs audois affrontent de nombreux obstacles : stress hydrique, blocage des projets de retenues d'eau par l'administration, révision de la cartographie à partir de laquelle est fondé le contrôle des zones de non-traitement (ZNT), normes environnementales intenables, instabilité réglementaire, inflation de l'énergie et des charges courantes, augmentation de la fiscalité, harcèlement et pression des écologistes ainsi qu'un grand déséquilibre dans les négociations avec la grande distribution. Si rien n'est fait, la viticulture audoise pourrait disparaître. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures concrètes proposées par le Gouvernement pour accompagner les viticulteurs audois et les sortir de la crise dramatique à laquelle ils font face.
Réponse en séance, et publiée le 29 novembre 2023
FILIÈRE VITICOLE D'OCCITANIE
M. le président. La parole est à M. Frédéric Falcon, pour exposer sa question, n° 429, relative à la filière viticole d'Occitanie.
M. Frédéric Falcon. Samedi dernier, à Narbonne, dans ma circonscription, les viticulteurs d’Occitanie se sont mobilisés, lors d’une journée historique, pour crier leur désespoir. Depuis des mois, je ne cesse de vous alerter, monsieur le ministre, au sujet de la viticulture audoise : alors que le climat change, que l’eau manque, tout projet destiné à retenir les pluies, au lieu qu'elles se perdent dans la Méditerranée, est bloqué par une administration toute-puissante qu'a infiltrée l'idéologie écologiste. Comme tout le Sud de la France, le Languedoc mérite pourtant un plan d'irrigation planifié par l'État, à l'instar du projet d’aqueduc allant du Rhône à Perpignan, défendu en son temps par Georges Frêche, mais aucun aménagement du territoire n'est envisagé : nous préférons vendre l'eau du Rhône à Barcelone !
Encore une fois, la France est paralysée par sa technocratie, sans compter le harcèlement des écologistes ou les descentes musclées dans les exploitations de l'Office français de la biodiversité, dont les contrôles au sein des zones de non-traitement impliquent des agents armés – alors même que la cartographie sur laquelle se fondent ces opérations est obsolète, répertoriant des cours d'eau qui n'existent plus et des canaux d'irrigation d'antan et hors d'usage. Cette situation kafkaïenne ne peut que susciter l'incompréhension.
En matière de négociations commerciales, le rapport de force face à la grande distribution est manifestement défavorable aux viticulteurs audois : malgré la hausse constante des charges, encore aggravée par l'inflation, et leurs efforts considérables en vue d'améliorer la qualité de leur production, leurs prix de vente restent inchangés, cependant que la grande distribution continue d'engranger des marges indécentes. Les cahiers des charges toujours plus contraignants des labels, alors que des produits affranchis de nos normes sociales et environnementales sont importés en toute légalité, alimentent la colère – et vous choisissez ce moment pour vous attaquer au gazole non routier ! Enfin, bien que la consommation intérieure diminue, vous n'apportez aucune aide à l'exportation de nos produits viticoles.
Mes interpellations n'ont encore fait l'objet d'aucune réponse de votre part : avez-vous encore les moyens d’agir, ou êtes-vous sous la tutelle de l’Union européenne et de la technocratie ? Est-ce vous qui achèverez la viticulture audoise et plus largement languedocienne, car si rien n'est fait, d'ici à la fin du second mandat d’Emmanuel Macron, la plupart des vignerons de l'Aude auront disparu ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. On ne gagne jamais à donner dans la caricature : je vous invite à regarder ce qui a été accompli, depuis le début de l'année, en faveur de la filière viticole. Je ne peux non plus vous laisser dire que cela fait des années que nous ne faisons rien : les gels de 2021 et 2022 nous auront coûté plus de 1 milliard d'euros, nous avons réagi à la guerre en Ukraine, instauré des prêts garantis par l'État (PGE). Certes, il reste toujours possible d'ânonner que nous n'agissons pas, mais nous agissons, et les viticulteurs le savent.
En revanche, la vérité m'oblige à dire que les difficultés se sont accumulées depuis des années : les « taxes Trump » – vertu de la fermeture des frontières que vous prônez par ailleurs ; la crise du covid ; la guerre en Ukraine, avec ses effets inflationnistes et la baisse de la consommation.
Pour y remédier, nous avons essayé d'agir dans différents domaines. Nous avons fait évoluer les PGE en les prolongeant sous forme de prêts bonifiés, pour permettre aux viticulteurs qui le souhaitent d'alléger leurs charges de trésorerie. Deuxième élément que vous avez oublié de signaler – ce n'est peut-être rien pour vous, mais pour les viticulteurs, c'est important : 200 millions d'euros pour la distillation de la viticulture. Cette mesure, qui concerne l'Aude, mais pas seulement, vise à réduire les volumes sur le marché afin de faire remonter les prix.
Nous avons agi également sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) et sur le report ou l'exonération des cotisations sociales. Dans le seul département de l'Aude, cette mesure s'élève à 1,4 million d'euros : si vous considérez que ce n'est rien, c'est dommage car il me semble que c'est un élément important.
Quatrième élément : en 2023, nous avons réformé l'assurance récolte – pour un budget de 680 millions d'euros – afin que les agriculteurs soient mieux couverts contre les risques, liés en particulier au dérèglement climatique.
Nous devons gérer les crises, et c'est ce que nous faisons. Je serai demain dans l'Hérault pour le Salon international des filières viticole, vinicole, arboricole et oléicole (SITEVI), où j'échangerai avec les producteurs pour étudier ce que nous pouvons faire de plus. Nous n'avons même pas terminé la campagne de distillation. Nous devons donc étudier, avec les éléments de la récolte, les actions complémentaires à mener. Nous y travaillons d'arrache-pied avec les producteurs, sans démagogie et avec le sens de la responsabilité.
Il faut travailler aussi – vous avez raison sur ce point – sur les grands horizons, celui du dérèglement climatique notamment. Il faut aller plus loin sur la question des retenues d'eau et des simplifications. Des annonces devront être faites dans les semaines et les mois qui viennent, dans la mesure où des projets de bon sens sont aujourd'hui bloqués. C'est valable pour l'Aude qui a souffert et souffre encore d'une pluviométrie trop faible ; il faut adapter les projets en question au dérèglement climatique.
Il faut travailler enfin sur l'exportation, voie de l'avenir pour ce secteur d'excellence qu'est la viticulture de votre région. Pour ce faire, il convient de réfléchir à la demande des consommateurs, à la segmentation du marché, à la valorisation de la production et, éventuellement, à son évolution face à celle de la demande. C'est ce qu'a fait la région Languedoc-Roussillon avec succès il y a vingt-cinq ans – c'est dire que la crise n'est pas récente. Il faut s'emparer de nouveau de cette question, car la consommation et la demande ont évolué.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon. Vous avez en partie répondu à mes questions. Nous ne serons pas toujours d'accord, mais nous le serons peut-être sur un point, celui de l'aménagement du territoire. Nous ne comprenons pas pourquoi il n'existe pas de grand plan d'aménagement du territoire dans le Languedoc, notamment pour l'irrigation. D'autres pays l'ont fait, comme l'Espagne, avec des excès sans doute. Il faut absolument exhumer des dossiers tels que le projet Aqua Domitia en Languedoc-Roussillon et Catalogne, qui permettrait d'irriguer toute la plaine du Languedoc et de sauver ainsi notre agriculture.
Auteur : M. Frédéric Falcon
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2023