16ème législature

Question N° 430
de Mme Mélanie Thomin (Socialistes et apparentés - Finistère )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > catastrophes naturelles

Titre > Gestion de la tempête Ciaran

Question publiée au JO le : 21/11/2023
Réponse publiée au JO le : 29/11/2023 page : 10587

Texte de la question

Mme Mélanie Thomin interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le retour d'expérience post-tempête Ciaran. Avant toute chose, il convient de saluer la réussite des mesures de prévention qui ont évité les pertes humaines le soir de celle-ci. Pour ce qui est de la prévention, on a su apprendre des catastrophes précédentes. En revanche, pour la gestion post-tempête, de nombreux points d'amélioration se sont révélés depuis le 2 novembre 2023. Les réseaux de communication ont été sévèrement endommagés, empêchant tout lien entre les communes, leurs administrés mais aussi les services de l'État et Enedis, entravant ainsi la gestion opérationnelle de la crise et l'information des sinistrés. Les habitations totalement dépendantes de l'électricité ont privé nombre de concitoyens, en particulier des femmes âgées seules et isolées dans les hameaux, de lumière, de chauffage et de nourriture chaude, tout en entraînant aussi la perte des denrées stockées dans les congélateurs. La vulnérabilité des points de captage d'eau et la défaillance électrique de certaines usines de traitement ont entraîné une coupure d'alimentation d'eau potable. Les régimes assurantiels agricoles, notamment du fait du critère de vétusté, s'avèrent inadaptés face à une telle calamité, en particulier pour les serristes. Se pose enfin la problématique des critères et de la procédure des tempêtes comme catastrophe naturelle hors zone cyclonique. Quelles premières leçons le Gouvernement tire-t-il de cette catastrophe climatique d'ampleur exceptionnelle ? Comment être plus réactif dans la gestion opérationnelle de crise ? Ne doit-on pas équiper chaque commune à risque de moyens de communication autonomes et d'un groupe électrogène pour gérer l'urgence ? Il s'agit d'un enjeu stratégique pour ce premier échelon institutionnel de prise en charge et de solidarité de proximité. Quelles évolutions législatives sont prévues pour inscrire les tempêtes dans le registre des catastrophes naturelles ? Enfin, elle lui demande comment profiter de ce retour d'expérience pour être plus résilients à l'avenir dans une société qui fera face à des aléas climatiques plus nombreux et plus intenses.

Texte de la réponse

TEMPÊTE CIARAN


M. le président. La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour exposer sa question, n°  430, relative à la tempête Ciaran.

Mme Mélanie Thomin. Permettez-moi, madame la ministre déléguée, de vous interroger sur le retour d'expérience à la suite du passage de la tempête Ciaran dans le Finistère. Si je salue la réussite des mesures de prévention, qui ont évité des pertes humaines lors de cet événement – preuve que nous avons su apprendre des catastrophes précédentes –, de nombreuses possibilités d'amélioration de la gestion post-tempête sont apparues depuis le 2 novembre.

Les réseaux de communication ont été sévèrement endommagés, privant les communes de tout lien, non seulement avec leurs administrés, mais aussi avec les services de l'État et Enedis, entravant ainsi la gestion opérationnelle de la crise et l'information des sinistrés. Nombre de nos concitoyens dont les habitations sont totalement dépendantes de l'électricité – en particulier des femmes âgées, seules et isolées dans les hameaux – ont été privés de lumière, de chauffage et de nourriture chaude, et les denrées stockées dans les congélateurs ont été perdues. La vulnérabilité des points de captage d'eau et la défaillance électrique de certaines usines de traitement ont entraîné une coupure d'alimentation d'eau potable, et les régimes assurantiels agricoles se révèlent inadaptés face à une telle calamité, en particulier pour les serristes, en raison du critère de vétusté des installations. Enfin, la procédure et les critères de reconnaissance des tempêtes hors des zones cycloniques comme des catastrophes naturelles reste problématique.

Quelles premières leçons le Gouvernement tire-t-il de cette catastrophe climatique d'ampleur exceptionnelle ? Comment pouvons-nous améliorer notre réactivité dans la gestion opérationnelle de la crise ? Les communes étant le premier échelon institutionnel de prise en charge et de solidarité de proximité, ne devrait-on pas équiper chaque commune à risque de moyens de communication autonomes et d'un groupe électrogène pour gérer l'urgence ? Il s'agit d'un enjeu stratégique. Des évolutions législatives sont-elles prévues pour reconnaître les tempêtes comme des catastrophes naturelles ? Enfin, comment cette expérience pourrait-elle permettre à notre société, vouée à faire face à des aléas climatiques de plus en plus nombreux et intenses, à être plus résiliente encore à l'avenir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je vous remercie d'avoir salué le travail de prévention mené avant le passage de la tempête Ciaran, l'une des plus violentes de ces dernières décennies. Le Gouvernement a tiré de cette tempête deux leçons. La première, c'est l'importance de l'anticipation : les bulletins de vigilance émis par Météo-France ont permis de concentrer les moyens et de positionner les acteurs de la sécurité civile au plus près des zones exposées, en amont du passage de la tempête. L'activation du dispositif FR-Alert a, quant à elle, permis d'informer rapidement la population, évitant ainsi des pertes humaines et réduisant la sollicitation des acteurs engagés sur le terrain.

En ce qui concerne la prise en charge, par les assurances, des dégâts liés aux événements climatiques, le Gouvernement poursuit l'important travail engagé depuis la loi du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, dite loi Baudu, pour renforcer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Notons que les dégâts provoqués par les vents violents, qui n'entrent pas dans le champ de la garantie catastrophe naturelle, sont couverts par tous les contrats d'assurance au titre de la garantie tempête, obligatoire. Ainsi, tous les particuliers et toutes les entreprises et collectivités territoriales dont les biens assurés ont été endommagés par les effets du vent seront indemnisés par les assureurs, sans qu'une reconnaissance préalable de l'état de catastrophe naturelle soit nécessaire.

Par ailleurs, comme l'a annoncé Christophe Béchu le 17 novembre, l'État pourra prendre en charge une partie des travaux de reconstruction, à l'identique, décidés par les collectivités locales : la première mission du sous-préfet chargé de la coordination, nommé le vendredi 23 novembre, sera d'accompagner les collectivités concernées, qui disposent de deux mois pour transmettre aux services de l'État une première évaluation des dommages.

Seconde leçon : la prévention, qui passe par la maîtrise de l'urbanisation et l'établissement de règles constructives adaptées aux territoires, reste le meilleur moyen d'assurer leur résilience. Le Gouvernement soutient ces actions de réduction de la vulnérabilité des biens grâce aux aides du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Thomin.

Mme Mélanie Thomin. Un mois après le passage de la tempête, des inquiétudes fortes persistent concernant le processus d'indemnisation, car il reste encore des trous dans la raquette, comme on dit sur le terrain. Après vos annonces, les filières et les petits exploitants exclus du régime assurantiel classique se retrouvent bien seuls : en l'absence de directives claires, ils ne savent toujours pas, pour le moment, à qui s'adresser. Alors que les plantations pour les saisons prochaines se jouent dès maintenant, les agriculteurs non assurés, comme les serristes, dont les dommages ne sont de fait pas pris en charge par les assurances, n'ont toujours pas compris à quoi ils avaient droit. Le déclenchement du régime des calamités agricoles, qui permet d'indemniser les pertes de fonds, ne leur apporte rien, car les serres et les systèmes d'irrigation, qui sont leur outil de travail, en sont exclus. Quelle sera la prise en charge, à long terme, des pertes de récoltes à venir ? À Telgruc-sur-Mer, la cidrerie Rozavern a perdu la moitié des arbres de ses vergers : les conséquences de cette perte sur la production se ressentiront au moins pour les quinze prochaines années.

Dans certains élevages privés d'électricité pendant quinze jours, 1 500 euros de carburant ont été nécessaires pour alimenter les groupes électrogènes qui ont permis d'assurer la traite. Quelle sera la prise en charge de ces dépenses ? Les agriculteurs bio sont parmi les plus désavantagés par le processus d'indemnisation, car les aides versées dans le cadre du fonds d'urgence seront comptabilisées au titre des aides publiques, limitées, selon la règle de minimis, à 20 000 euros par exploitation, déduction faite des autres aides déjà perçues. C'est un point d'alerte important.

Madame la ministre déléguée, le monde agricole attend une prise en charge efficace et, surtout, lisible : il y va de l'avenir des filières locales.