16ème législature

Question N° 433
de Mme Aude Luquet (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Seine-et-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > urbanisme

Titre > Renforcer la lutte contre la cabanisation

Question publiée au JO le : 05/12/2023
Réponse publiée au JO le : 13/12/2023 page : 11251

Texte de la question

Mme Aude Luquet appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'explosion du phénomène de cabanisation. Celui-ci consiste en l'implantation sans autorisation de constructions ou d'installations diverses occupées épisodiquement ou de façon permanente, dans des zones inconstructibles, agricoles ou naturelles. Les élus, qui font face à ces installations illicites, se retrouvent bien souvent dans la plus grande difficulté à faire cesser ces constructions ou à les détruire alors qu'elles ne respectent pas le droit existant et qu'elles créent régulièrement une atteinte non négligeable à la biodiversité. Avec le soutien des préfectures, les collectivités tentent d'agir mais les procédures sont souvent longues et coûteuses. Il faut en moyenne entre 18 mois et 2 ans pour obtenir ce que l'on appelle une « exécution d'office » qui permet la destruction de la construction illicite directement par l'État ou la collectivité avec un coût moyen compris entre 100 000 euros et 150 000 euros. Somme qui doit être normalement recouvrée auprès de la personne responsable de la « cabanisation » qui s'avère insolvable dans une majorité des cas. Une des pistes d'amélioration serait notamment de renforcer les moyens à disposition de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) en élargissant, par exemple, leur droit de préemption. Ainsi elle lui demande quelles mesures le ministère met en œuvre pour accompagner les collectivités face à ce phénomène et quelles mesures entend il mettre en œuvre pour améliorer les procédures et intensifier la lutte contre la cabanisation.

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LA CABANISATION


Mme la présidente. La parole est à Mme Aude Luquet, pour exposer sa question, n°  433, relative à la lutte contre la cabanisation.

Mme Aude Luquet. Nous assistons à une explosion du phénomène de cabanisation dans les territoires. La cabanisation consiste en l'implantation sur un terrain non constructible – zone agricole ou naturelle – d'une petite cabane, qui deviendra une grande maison, au mépris des règles d'urbanisme.

Les élus qui font face à ces installations illicites se retrouvent bien souvent démunis et rencontrent la plus grande difficulté à faire cesser ces constructions.

Avec le soutien des préfectures, les collectivités tentent d'agir mais les procédures sont souvent longues et coûteuses. Il faut en moyenne entre dix-huit et vingt-quatre mois pour obtenir une exécution d'office qui autorise directement l'État ou la collectivité à détruire la construction illicite. Son coût moyen est compris entre 100 000 euros et 150 000 euros. Cette somme importante doit être normalement recouvrée par la collectivité auprès de la personne responsable de la cabanisation, mais celle-ci est, bien souvent, insolvable. Nous ne pouvons laisser nos élus faire face seuls à cette situation.

Avec quatre de mes collègues, nous travaillons sur une proposition de loi relative aux gens du voyage et visant à lutter contre la cabanisation. Une des pistes d’amélioration serait notamment de renforcer les moyens à disposition de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural – Safer –, en élargissant, par exemple, son droit de préemption.

Pourriez-vous me préciser les mesures que vous appliquerez pour accompagner les collectivités confrontées au phénomène de cabanisation et quelles sont, selon vous, les pistes à envisager pour améliorer les procédures et intensifier la lutte en la matière ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer m'a chargée de répondre à votre question. Les constructions illégales sont, en effet, un sujet préoccupant. Elles remettent en cause la compétence des élus en matière d'urbanisme et peuvent être sources de risques importants pour les biens comme pour les personnes.

C'est pourquoi par une instruction ministérielle du 3 septembre 2014, les services déconcentrés de l'État ont été invités à élaborer des protocoles de travail avec les parquets et à accompagner les maires dans l'exercice de leurs missions de contrôle en matière d'urbanisme. Ces protocoles permettent, en particulier, d'identifier les infractions les plus importantes et de prioriser la répression des infractions les plus graves.

En complément, la loi 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a instauré un nouveau mécanisme administratif de traitement des infractions aux règles d'urbanisme. Le maire a désormais la faculté de mettre en demeure le responsable de cette infraction soit de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de la construction, soit de déposer une demande d'autorisation visant à les régulariser, soit de la démolir. Cette décision peut être assortie d'une astreinte de 500 euros maximum par jour de retard dont le produit revient à la collectivité. Le maire bénéficie ainsi d'un pouvoir d'action plus rapide afin de traiter les infractions en matière d'urbanisme. Il semble préférable d'avoir quelques années de recul sur ce nouveau dispositif avant d'envisager de nouvelles modifications législatives.

Vous proposez, par ailleurs, de renforcer le droit de préemption des Safer. Or il ne peut réellement être exercé qu'en cas de mise en vente du terrain par son propriétaire, ce qui atténue sensiblement les effets de cette disposition au regard de l’objectif que vous poursuivez.

Au demeurant, les collectivités couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale peuvent déjà exercer un droit de préemption urbain dans un périmètre prédéfini, qui peut être délégué à des opérateurs, en particulier aux établissements publics fonciers. Par ailleurs, en zone naturelle, le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites. Il peut définir, au titre des espaces naturels sensibles, des périmètres de préemption lui permettant d'acquérir du foncier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. Votre réponse m’amène à m’interroger puisque vous dressez la liste des dispositions en vigueur qui ne répondent pas aux attentes des maires. En votre qualité d’élue locale, vous le savez très bien. Il y a quelques jours, j'ai encore échangé avec des maires confrontés aux problèmes de cabanisation.

Les élus ne souhaitent plus d'évaluation. Les dispositions législatives ne permettent pas de lutter efficacement contre les atteintes aux biens, aux personnes et à l'environnement. Ne pas prendre en considération ce que vivent les élus est une faute grave. La cabanisation est une réalité ; le droit en vigueur, c'est autre chose. Les élus attendent des actions concrètes, du soutien, afin que l’on vive bien dans nos territoires.

Il y a aujourd'hui une rupture d'égalité entre ceux qui ne respectent pas le droit, qui s'installent illicitement et restent sur les terrains qu’ils occupent et nous, citoyens, qui respectons les plans locaux d'urbanisme lorsque nous souhaitons entreprendre des travaux. J'entends la réponse du ministre de l'intérieur et des outre-mer, mais elle ne me satisfait pas. Ce n’est pas ainsi que les élus se sentiront écoutés et soutenus.