16ème législature

Question N° 434
de Mme Delphine Lingemann (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Puy-de-Dôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > établissements de santé

Titre > Politique de santé périnatale en France - Cas de la maternité d'Issoire

Question publiée au JO le : 05/12/2023
Réponse publiée au JO le : 13/12/2023 page : 11244

Texte de la question

Mme Delphine Lingemann interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'adaptation de l'offre de soins en périnatalité aux problématiques territoriales et sur l'égal accès aux soins obstétriques, exigence constitutionnelle du droit à la santé. Des problèmes structurels impactent les maternités, à commencer par des difficultés de recrutement importantes en particulier dans les maternités de niveau 1, c'est-à-dire les maternités qui accueillent des femmes dont la grossesse se présente sans complication. Le nombre de gynécologues en formation est en augmentation mais seule la moitié d'entre eux envisagent de pratiquer l'obstétrique. Les jeunes médecins préfèrent exercer dans des maternités de type 2 ou 3 où les contraintes de garde sont moins nombreuses. Le secteur connaît également une pénurie de certains professionnels de santé, avec une préférence pour les activités libérales. C'est le cas des sages-femmes mais également des pédiatres, notamment des pédiatres en réanimation néonatale. Mais aussi des anesthésistes-réanimateurs qui exercent une activité en obstétrique compliquée, avec des gardes importantes, car souvent exercée en parallèle avec les autres activités de l'établissement. Cette pénurie de professionnels entraîne un recours à l'intérim dans environ 70 % des maternités de type 1 et 80 % des maternités de moins de 1 000 naissances. Ce qui impacte le travail en équipe, essentiel dans ce secteur et in fine la sécurité dans ces établissements. À cela s'ajoutent deux autres facteurs : des nouvelles demandes des femmes en matière d'accouchement (souhait d'être suivies en maternité de niveau 2 ou 3, prise en charge de la douleur, accueil et suivi) et une baisse de la natalité en France (19 000 naissances en moins en 2022 par rapport à l'année 2021). Le rapport de l'Académie nationale de médecine, publié en janvier 2023, sur la planification d'une politique en matière de périnatalité en France, recommande de fermer toutes les maternités de moins de 1 000 naissances et de niveau 1. Une préconisation qui est inacceptable en l'état. Ce rapport inquiète les territoires, notamment ruraux, et va à l'encontre du principe d'égalité de l'accès aux soins obstétriques. La Fédération française des réseaux de santé en périnatalité, dans un courrier adressé au Président de la République le 17 novembre 2023, a émis plusieurs propositions : le regroupement des plateaux techniques d'accouchement (salles de naissance, bloc opératoire, ...) qui permettrait d'améliorer la sécurité des soins et ainsi de diminuer les inégalités sociales d'accès aux soins et de partager un dossier médical partagé ville / hôpital en périnatalité ; la création de centres périnataux de proximité articulés autour de maternités de référence, indispensables par leur situation géographique ou par leur niveau d'expertise, quelles que soient leurs tailles ; l'intégration des acteurs issus des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité dans la définition de la nouvelle organisation de l'offre de soins en périnatalité adaptée à chaque territoire. Dans le Puy-de-Dôme, la maternité d'Issoire, à ce jour en niveau 1, est à la croisée des chemins : environ 600 naissances par an avec une position géographique idéale, à 30 minutes du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand et portée d'entrée pour les zones sud du département isolées, ainsi que pour les bassins nord du Cantal et la Haute-Loire. Une maternité qui ne souffre pas de problèmes majeurs de recrutement du fait de sa proximité avec le CHU et de bonnes conditions de travail. Une maternité et plus globalement un hôpital qui va bénéficier de très gros travaux inscrits dans le Ségur de la santé d'un montant total de 40 millions d'euros. Les professionnels travaillent depuis plusieurs mois sur un projet médical en vue d'un passage à un niveau 2a en concertation avec le CHU de Clermont-Ferrand qui voit l'opportunité d'un potentiel désengorgement de la maternité de niveau 3 de la maternité de Clermont-Ferrand. Pour la maternité d'Issoire, ce serait l'opportunité de consolider sa position de pôle périnatal de proximité au sud du Puy-de-Dôme (plus les versants ouest du Livradois et est du Sancy) et au nord des départements du Cantal et de la Haute-Loire. Mme la députée aimerait connaître la position de M. le ministre de la santé sur ce projet de passage en niveau 2a de la maternité d'Issoire en cours de discussion avec les acteurs du territoire. Au-delà, elle l'interroge sur la stratégie du Gouvernement de mise en œuvre d'une véritable politique d'innovation en santé périnatale en France en tenant compte des spécificités territoriales et appelle son attention sur la pertinence d'organiser des assises de la périnatalité réunissant les acteurs du secteur.

Texte de la réponse

MATERNITÉ D'ISSOIRE


Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Lingemann, pour exposer sa question, n°  434, relative à la maternité d'Issoire.

Mme Delphine Lingemann. Madame la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, il est essentiel de proposer aux femmes un accès égal aux soins obstétriques, quel que soit le lieu où elles demeurent – grande métropole ou territoire rural. Vous le savez mieux que quiconque, les maternités sont affectées par des problèmes structurels, en premier lieu par d'importantes difficultés de recrutement. Celles-ci concernent en particulier les maternités de niveau 1, qui accueillent des femmes dont la grossesse se présente a priori sans complication.

Le nombre de gynécologues en formation est en augmentation, mais seule la moitié d'entre eux envisagent de pratiquer l'obstétrique. Le secteur connaît en outre une pénurie de certains professionnels de santé, qui se tournent vers des activités libérales où les conditions de travail sont meilleures. C'est le cas des sages-femmes, des pédiatres ou encore des anesthésistes-réanimateurs

La Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP) a récemment émis plusieurs propositions, parmi lesquelles figure la création de centres périnataux de proximité (CPP) articulés autour de maternités de référence, indispensables en raison de leur situation géographique et de leur niveau d'expertise.

À cet égard, j'aimerais mettre la lumière sur la maternité d'Issoire, à ce stade de niveau 1. Environ 600 naissances y ont lieu chaque année. Cependant, la zone de soins pourrait être étendue à un bassin de près de 130 000 habitants, où le potentiel de naissances s'élève à plus de 1 000 par an. En outre, le centre hospitalier d'Issoire est situé à trente minutes du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, ce qui facilite les coopérations et les temps partagés entre les professionnels de santé.

Les professionnels de santé des deux établissements travaillent depuis plusieurs mois sur un projet médical visant le passage de la maternité d'Issoire au niveau 2A. Cela impliquerait la création en son sein d'une unité de néonatalogie, ce qui consoliderait sa position de pôle périnatal de proximité. Les femmes de mon territoire pourraient ainsi accoucher en toute sécurité à proximité de leur domicile. Ce projet présente un avantage pour le CHU de Clermont-Ferrand : il désengorgerait son service de maternité, de niveau 3.

Quelle est la stratégie du Gouvernement en matière d'organisation des maternités et de maillage du territoire par celles-ci ? Le projet de passage de la maternité d'Issoire au niveau 2A est en cours de coconstruction par tous les acteurs de santé du territoire. Je le soutiens pleinement, car il est structurant pour la ville où je suis née et pour le territoire où j'ai grandi. Pouvez-vous me donner un premier avis sur ce dossier ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Le centre hospitalier Paul-Ardier d'Issoire est l'établissement pivot du sud du groupement hospitalier de territoire (GHT) Allier-Puy-de-Dôme, également dénommé GHT Territoires d'Auvergne. Son offre de soins complète celle du CHU de Clermont-Ferrand. Jouissant d'une position géographique attractive, sa maternité est très bien implantée sur le territoire et y développe des projets en périnatalité, ce qui favorise le recrutement des professionnels de santé. Malgré une baisse globale de la natalité, l'activité de cette maternité est restée relativement stable durant quatre ans, avec 614 à 627 accouchements de 2018 à 2021, mais a connu une baisse importante en 2022, avec 525 accouchements.

À ce jour, ni la Fédération hospitalière de France (FHF) ni le GHT Allier-Puy-de-Dôme, dont l'établissement support est le CHU de Clermont-Ferrand, n'ont sollicité un changement de niveau de la maternité d'Issoire. L'activité actuelle et la dynamique démographique ne justifient pas une telle évolution, qui risquerait de déstabiliser les maternités environnantes.

Mme Delphine Lingemann. Elles sont déjà déstabilisées !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée . De plus, le projet de reconstruction du centre hospitalier d'Issoire ne prévoit pas les locaux nécessaires au passage de la maternité au niveau 2.

Nous accompagnons les évolutions nécessaires tout en veillant à ne pas mettre en difficulté le réseau des établissements dans les territoires qui connaissent de fortes tensions sur les effectifs médicaux et paramédicaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Lingemann.

Mme Delphine Lingemann. En avril dernier, j'ai pris l'initiative de réunir les professionnels du CHU de Clermont-Ferrand et, pour l'ARS, le directeur départemental du Puy-de-Dôme. Tous les professionnels de santé présents autour de la table sont convenus de la pertinence de ce projet, structurant pour notre territoire, ainsi que de la cohérence de l'offre de soins. Allons-nous enfin écouter la voix des territoires sur de tels projets ?

J'avance plusieurs arguments supplémentaires. Compte tenu de sa position stratégique dans le sud de l'Auvergne, le centre hospitalier d'Issoire a été reconnu par l'ARS comme un pivot essentiel de l'offre de santé dans les bassins d'Issoire, de Brioude et de Saint-Flour. Qui plus est, du fait de sa proximité avec le CHU et des bonnes conditions de travail en son sein, la maternité d'Issoire ne souffre pas de problème majeur de recrutement. Enfin, le centre hospitalier et la maternité vont bénéficier de travaux très importants, d'un montant total de 40 millions d'euros, inscrits dans le plan d'investissement du Ségur de la santé. Profitons-en pour y intégrer la création d'un service de néonatalogie !

Je vous demande de bien vouloir soutenir le passage de la maternité d'Issoire au niveau 2A, lorsque le dossier arrivera sur votre bureau. De futures mamans dont la grossesse est plus compliquée pourront ainsi y être accueillies, à proximité de leur famille et en toute sécurité.