16ème législature

Question N° 435
de M. Joël Giraud (Renaissance - Hautes-Alpes )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > collectivités territoriales

Titre > Financement participatif des collectivités territoriales

Question publiée au JO le : 02/08/2022 page : 3609
Réponse publiée au JO le : 06/12/2022 page : 6036
Date de changement d'attribution: 30/08/2022

Texte de la question

M. Joël Giraud interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le sujet du financement participatif des collectivités territoriales. Ce mode de financement relativement nouveau, intermédié par des acteurs régulés par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF), présente l'intérêt d'offrir des compléments financiers aux collectivités, via le mécénat et une diversification de leurs sources de financement via l'emprunt (en prêt ou en obligataire). Il présente également des avantages extra-financiers comme l'implication concrète des citoyens dans les projets de territoire ou de transition, en particulier environnementale. Le développement de ce mode de financement a été encouragé à travers l'adoption de l'article 48 de la loi DDAUE n° 2021-1308 du 8 octobre 2021, issu d'un compromis en commission mixte paritaire. Longtemps limitées au recours au financement participatif pour leurs projets sociaux, sportifs et solidaires, les collectivités peuvent, depuis ce vote, y avoir recours pour toutes leurs thématiques de projets (hors fonctions de police et de maintien de l'ordre public).Cette extension du champ d'intervention est remis en cause par l'entrée en vigueur du règlement européen 2020/1503 du 7 octobre 2020 dont le champ d'application est circonscrit aux « activités commerciales » et le Gouvernement n'a pas pris de dispositions garantissant la couverture des autres activités des collectivités, ce qui remet en cause l'article 48 voté par le Parlement. Le financement participatif obligataire des collectivités est ainsi la seule activité dont la continuité n'est pas pleinement assurée dans le secteur du financement alors que l'ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021, prise sur le fondement du III de l'article 48 de la loi DDADUE, a mis en place des solutions pour toutes les autres activités non couvertes par le règlement européen, soit via le maintien d'un statut national annexe, soit via l'extension du statut européen ; et aucune explication précise ni d'opportunité ni juridique n'a été communiquée par les services de M. le ministre malgré de multiples sollicitations. Par ailleurs, sans la publication de l'arrêté ministériel stipulé dans la loi, le nouveau dispositif à titre expérimental, qui seul permettra de développer durablement une alternative financière pertinente via le financement participatif, n'a pas pu entrer en vigueur au 1er janvier 2022. M. le député attire l'attention de M. le ministre sur la nécessité de prévoir dans cet arrêté des critères et des process simples, rapides, clairs et souples ; faute de quoi cette expérimentation n'aurait aucune chance d'être adoptée par les collectivités dès lors qu'elles accèdent en toute simplicité au financement bancaire. Selon certains acteurs du financement participatif en France, ce moyen de financement est aujourd'hui toujours entravé dans le pays, en ce qui concerne les collectivités territoriales. Ces dernières, qui représentent 70 % de l'investissement public, demeurent empêchées de diversifier leurs sources de financement et de développer de nouveaux leviers financiers, tout autant que d'accéder à un nouvel outil participatif pour impliquer les citoyens. Ceci garantit le maintien du monopole bancaire dans ce secteur et privent au contraire les opérateurs de financement participatif, souvent des start-up françaises, de toute perspective de développement. C'est pourquoi il aimerait connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et, le cas échéant, les mesures que M. le ministre entend prendre afin de garantir l'application de loi pour développer et faciliter les possibilités de recours au financement participatif des collectivités territoriales.

Texte de la réponse

Il peut être rappelé qu'avant l'entrée en vigueur du règlement européen, le financement participatif était encadré juridiquement en France depuis 2014, par l'ordonnance du 30 mai 2014. Depuis cette date, les plateformes numériques de financement participatif étaient soumises à un statut différent selon le type de financement proposé par souscription de titres ou par octroi de prêts ou de dons : (i) conseillers en investissements participatifs (CIP) pour les financements participatifs sous forme de titres (ou prestataire de services d'investissement (PSI), si la plateforme fournit en outre un service de conseil en investissement) ; (ii) intermédiaires en financement participatif (IFP) pour les financements participatifs sous forme de prêts (à titre onéreux ou à titre gratuit) et de dons. Les collectivités territoriales pouvaient souscrire un prêt ou une obligation participative, sans restriction de champ. Elles pouvaient faire cette démarche auprès d'établissements de crédit, ou auprès d'organismes bénéficiant de dérogations au monopole bancaire, par exemple un IFP ou un CIP. Par exception à l'obligation de constituer une régie de recettes en cas de financement participatif, l'article D. 1611-32-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1670 du 14 décembre 2015 prévoyait qu'un recours au financement participatif par une collectivité territoriale pouvait être conduit sans régie de recette, mais avec une convention de mandat. Cette exception était limitée au seul financement de projet au profit d'un service public culturel, éducatif, social ou solidaire et à deux catégories d'instruments de financement participatif, les prêts et les dons. Le règlement européen (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 a créé un cadre européen harmonisé en matière de financement participatif. Il renforce les possibilités de recours au financement participatif : les plateformes de financement peuvent désormais proposer leurs services dans l'ensemble de l'Union européenne et aider à des levées de fonds plus élevées (5 M€ contre 1 M€ auparavant pour les prêts), et auprès d'un public plus large (les personnes morales peuvent être prêteurs). Il encadre les pratiques du marché avec des exigences de protection du consommateur : pour exercer, les plateformes de financement mettant en relation les porteurs de projet et les contributeurs sont dotées d'un nouveau statut de « prestataire de services de financement participatif » (PSFP), agrément délivré par l'Autorité des marchés financiers, avec le concours de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L'ordonnance n° 2021-1735 modernisant le cadre relatif au financement participatif du 22 décembre 2021 (et son décret d'application n° 2022-110 du 1er février 2022) a ainsi été prise pour mettre en conformité le droit français avec ce cadre européen. Pour les activités de financement participatif couvertes par le champ d'application du règlement européen, le nouveau statut unique de « prestataire de services de financement participatif » (PSFP) se substitue au statut de CIP (conseiller en investissement participatif). Le financement participatif des collectivités est pleinement assuré pour les activités de financement participatif non couvertes par le règlement européen, c'est-à-dire les prêts à titre gratuit, les dons ou les financements de projets non commerciaux. L'ordonnance permet en effet aux PSFP d'offrir également ce type de services, et maintient l'existence des actuels intermédiaires en financement participatif (IFP), qui pourront continuer d'exercer sur ces champs. Selon le projet considéré, le financement proposé à un même porteur de projet personne morale, par exemple une collectivité territoriale, pourra donc relever du régime des PSFP ou de celui des IFP. Pour rappel, l'article 48 de la loi DDADUE d'octobre 2021 étend tout d'abord le champ des projets pouvant faire l'objet d'un financement participatif à l'ensemble des services publics, à l'exception des missions de police et du maintien de l'ordre. Il rend également possible pour les personnes morales d'accorder des prêts à des collectivités territoriales et à leurs groupements, dans la limite d'un prêt par projet. Par ailleurs, et à titre expérimental pour une durée de trois ans à partir du 1er janvier 2022, il dispose que les collectivités territoriales (i) peuvent recourir à des émissions obligataires à travers les plateformes de financement obligataire, les conditions de ce recours devant faire l'objet d'un projet d'arrêté interministériel ; (ii) peuvent confier l'encaissement du revenu tiré d'un projet de financement participatif à un organisme public ou privé sous forme de titre de créance par convention écrite, sans avoir l'obligation d'instaurer une régie de recette. Un arrêté doit fixer les critères d'éligibilité pour les collectivités territoriales et les établissements publics concernant le recours à des émissions obligataires. Concernant cet arrêté nécessaire à la mise en œuvre de l'expérimentation, l'existence de risques inhérents au financement participatif obligataire pour les collectivités doit être rappelée. L'encadrement réglementaire de l'expérimentation doit donc permettre de limiter ces risques en précisant les conditions de recours à ce nouvel outil, notamment en matière de transparence sur ses coûts. Il doit également permettre une objectivation des coûts respectifs des différentes sources de financement pour les collectivités. De même, il importe que les décisions de recours à ce type de financement qui alourdissent par définition l'encours de la dette des collectivités, puissent être prises au regard de son impact sur leur capacité de désendettement, comme c'est le cas pour les autres sources de financement. L'enjeu est dès lors de prévoir des modalités d'expérimentation qui sécurisent la participation des collectivités, notamment l'impact sur leur situation financière, à travers un contrôle opéré par les services de l'Etat et basé sur des critères objectifs. Une dématérialisation sécurisée de la procédure de candidature à l'expérimentation sera également proposée, afin d'alléger le processus pour les collectivités et services territoriaux. En tout état de cause, le Ministère chargé de l'Economie, des Finances et de la souveraineté Industrielle et Numérique en lien étroit avec celui en charge des collectivités territoriales, entend mener à bien la mise en place de cette expérimentation, de manière fluide et sécurisée pour les collectivités locales, d'ici le début de l'année 2023.