Négociations sur les règles spécifiques d'assurance chômage des intermittents
Question de :
Mme Sophie Taillé-Polian
Val-de-Marne (11e circonscription) - Écologiste - NUPES
Mme Sophie Taillé-Polian interroge Mme la ministre de la culture sur la négociation des règles spécifiques d'assurance chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle. Le 27 octobre 2023, les organisations syndicales et patronales du secteur du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel ont conclu un accord. Malgré le caractère unanime et responsable de cet accord, celui-ci a été écarté à l'occasion de la négociation interprofessionnelle sur l'assurance chômage sous prétexte qu'il ne respectait pas la trajectoire financière imposée avant la négociation. En amont de cette négociation, il a en effet été demandé aux organisations du spectacle de trouver un accord pour réaliser une baisse de 15 % du ratio dépenses/recettes du régime des intermittents à l'horizon 2026. 15 %, c'est 230 millions d'euros de droits en moins pour les intermittents ou plus de 70 millions de cotisations supplémentaires pour les employeurs de ces secteurs. Les économies demandées vont à l'encontre même du principe de solidarité interprofessionnelle inhérent au régime d'assurance chômage. Au-delà de ce principe, Mme la députée s'interroge. Comment tenir un tel objectif lorsque les professionnels connaissent déjà tant de difficultés après la période de la covid-19, l'inflation, la crise énergétique et la stagnation des salaires ? Comme l'a rappelé le comité d'expert qui a accompagné cette négociation, les intermittents du spectacle représentent 5 % des dépenses d'indemnisation totale de l'assurance chômage début 2023, pour seulement un peu moins de 5 % des allocataires indemnisés sur le même périmètre. Le secteur continue de se structurer avec une progression plus rapide de la masse salariale en contrats à durée indéterminée qu'en contrats à durée déterminée puisque leur part dans la masse salariale est passée de 46 % en 2010 à 58,3 % en 2021. Malgré le cadrage financier difficile imposé au niveau interprofessionnel, les partenaires sociaux du spectacle ont conclu un accord unanime prévoyant de maintenir les grands équilibres trouvés en 2016 et qui corrige certaines discriminations et injustices sociales. Si l'accord conclu au niveau interprofessionnel pérennise les règles d'ouverture de droits de 2016 pour les artistes et techniciens intermittents du spectacle (507 heures sur 12 mois), la profession continue de se mobiliser pour que l'intégralité des mesures de l'accord du 27 octobre 2023 soit pris en compte dans la nouvelle réglementation d'assurance chômage. Parmi les mesures demandées, la profession demande : la prise en compte par l'assurance chômage des congés maladie de moins de 3 mois et du congé paternité ; la revalorisation automatique des allocations des intermittents en même temps que celles du régime général ; la revalorisation de l'allocation plancher des techniciens de 38 à 40 euros par jour ; un aménagement du droit d'option afin de permettre aux intermittents justifiant des 507 heures de ne pas rester bloqués au régime général avec des allocations très faibles en raison de droits acquis dans ce régime ; une clarification du système d'écoulement des franchises pour garantir des droits à l'indemnisation chômage à tous les intermittents lorsqu'ils se trouvent privés d'emploi. Ces avancées, importantes et attendues des professionnels, n'ont pas de conséquences financières sensibles puisque ces mesures ont été chiffrées à 15-20 millions d'euros. Si l'accord interprofessionnel du 10 novembre 2023 maintient le principe d'ouverture de droits de 507 heures sur 12 mois pour les intermittents, après avoir proposé de sortir près d'un tiers des intermittents du régime, il a écarté toutes les autres mesures convenues entre les partenaires sociaux du spectacle. Mme la ministre s'est pas beaucoup exprimée dans cette séquence. Le Gouvernement examine actuellement l'agrément du protocole d'accord interprofessionnel. Mme la députée demande à Mme la ministre, quelle que soit l'appréciation du Gouvernement sur le texte interprofessionnel, si elle défend l'intégralité de l'accord du 27 octobre 2023, pour qu'il soit pris en compte intégralement dans la réglementation d'assurance chômage. La profession attend son positionnement.
Réponse en séance, et publiée le 13 décembre 2023
ASSURANCE CHÔMAGE DES INTERMITTENTS
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour exposer sa question, n° 436, relative à l'assurance chômage des intermittents.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre de la culture, le 27 octobre 2023, les organisations syndicales et patronales du secteur du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel ont conclu un accord sur les règles spécifiques d’assurance chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle. À la fois unanime et responsable, cet accord a pourtant été écarté à l’occasion de la négociation interprofessionnelle sur l’assurance chômage, sous prétexte qu’il ne respectait pas la trajectoire financière imposée avant la négociation. En amont de cette dernière, il avait en effet été demandé aux organisations du spectacle de trouver un accord – comment auraient-elles pu le faire ? – pour réaliser une baisse de 15 % du ratio dépenses sur recettes du régime des intermittents, soit 230 millions d'euros de droits en moins pour les intermittents ou plus de 70 millions d'euros de cotisations supplémentaires pour les employeurs.
Les économies demandées allaient à l’encontre même du principe de solidarité interprofessionnelle. Comment tenir un tel objectif lorsque les professionnels du spectacle et de l'audiovisuel connaissent déjà tant de difficultés après la période covid et du fait de l’inflation, de la crise énergétique et de la stagnation des salaires ?
Comme l’a rappelé le comité d’expert qui a accompagné cette négociation, les intermittents du spectacle représentent 5 % des dépenses d’indemnisation totales de l’assurance chômage, 5 % des allocataires indemnisés sur le même périmètre. Le secteur continue par ailleurs de se structurer.
Malgré le cadrage financier difficile imposé au niveau interprofessionnel, les partenaires sociaux du spectacle avaient conclu un accord unanime prévoyant de maintenir les grands équilibres trouvés en 2016 et corrigeant certaines discriminations et injustices sociales. Si cet accord pérennise les règles d’ouverture de droits de 2016 pour les artistes et techniciens intermittents du spectacle – cinq cent sept heures sur douze mois –, la profession continue de se mobiliser pour que l’intégralité des mesures de l’accord puisse être prise en compte.
Parmi les mesures demandées par la profession, citons la prise en compte par l’assurance chômage des congés maladie de moins de trois mois et du congé paternité ; la revalorisation automatique des allocations des intermittents en même temps que celle du régime général ; la revalorisation de l’allocation plancher des techniciens de 38 à 40 euros par jour ; un aménagement du droit d’option afin de permettre aux intermittents justifiant des cinq cent sept heures de ne pas rester enfermés dans le régime général avec les allocations très faibles qui s'y attachent en raison des droits acquis dans ce régime ; une clarification du système d’écoulement des franchises. Ces avancées sont importantes et attendues par les professionnels, mais elles n'ont pas de conséquences financières majeures, leur coût étant estimé entre 15 et 20 millions d’euros.
Madame la ministre, je vous demande de vous exprimer. Dorénavant, le Gouvernement a la main sur cet accord. Nous attendons donc de connaître sa position sur cette question spécifique des intermittentes et intermittents du spectacle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Je suis très attachée au régime de l'intermittence. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, il constitue un pilier de l'exception culturelle française. Je l'ai toujours défendu, y compris dans mes précédentes fonctions, lorsque j'étais conseillère chargée de la culture à l'Élysée pendant la période si difficile de la crise sanitaire.
Je souhaite tout d'abord rappeler que la lettre de cadrage du Gouvernement sur l'assurance chômage n'imposait aucun objectif quantitatif sur le régime de l'intermittence. Le Gouvernement n'est en rien intervenu dans la définition du sous-cadrage qui évoque une économie de 15 %, ni dans sa signature par plusieurs organisations interprofessionnelles.
La négociation spécifique sur les annexes VIII et X au règlement général de l'assurance chômage a abouti, le 27 octobre 2023, à un accord unanime des organisations patronales et salariales du spectacle. Nous pouvons nous en réjouir car cet accord intègre, comme vous l'avez évoqué, des améliorations du régime attendues des professionnels et dont le coût reste très mesuré.
Compte tenu de l'avis du comité d'expertise, la convention générale d'assurance chômage, conclue le 10 novembre, n'a pas repris cet accord spécifique. Elle a choisi de proroger le régime existant. C'est le choix des partenaires sociaux interprofessionnels et d'eux seuls, mais je souligne qu'il préserve le régime actuel et que ce statu quo est essentiel.
L'agrément de la convention a été différé pour permettre aux partenaires sociaux de finaliser leurs négociations ultérieures sur le sujet de l'emploi des seniors. Un décret « de jointure » prolongera donc les règles en vigueur jusqu'à la conclusion de ces négociations.
Je précise que les dispositions de l'accord du 27 octobre qui relèveraient de la compétence de l'État seront étudiées pour déterminer, avec les partenaires sociaux et le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, dans quelle mesure elles pourraient être mises en œuvre à l'avenir. Je pense à la lutte contre le travail illégal et aux éventuels abus qui peuvent exister dans le recours à l'autoentrepreneuriat.
Quoi qu'il en soit, soyez assurée de ma détermination à défendre ce régime qui est au cœur du modèle culturel français.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous serons très attentifs à l'évolution de la situation. Le chantage permanent exercé sur le maintien du régime de l'intermittence ne justifie en rien que l'on refuse toute avancée des droits qui y sont attachés. L'intermittence est essentielle à l'exception culturelle. Les droits des bénéficiaires de ce régime doivent évoluer et s'améliorer.
Auteur : Mme Sophie Taillé-Polian
Type de question : Question orale
Rubrique : Chômage
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2023