Question orale n° 43 :
Alstom - Rémunération et délocalisation

16e Législature

Question de : M. Florian Chauche
Territoire de Belfort (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Florian Chauche attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la hausse mirobolante des salaires de l'équipe de direction d'Alstom. Alors que l'inflation est galopante et que nombre des concitoyens éprouvent des difficultés croissantes pour se chauffer et se nourrir, les Françaises et les Français sont particulièrement sensibles, à raison, aux inégalités de salaires et à la nécessité d'aller vers un partage des richesses plus juste. Or on le sait, ce n'est pas la fin de l'abondance pour tout le monde ! On a vu le débat que suscitait l'augmentation de salaire mirobolante de M. Pouyanné, PDG de Total et les conséquences qu'elle a eues. Cependant cela ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. En effet, à la direction d'Alstom France, c'est toute l'équipe de direction qui a vu bondir de façon extraordinaire ses revenus. Les documents d'enregistrement universels du groupe mentionnent en effet une augmentation, pour l'équipe de 18 personnes, de 9,953 millions d'euros en 2021-2022, ce qui, ramené individuellement, correspond à une augmentation moyenne de 78 % ! Qui plus est, la seule partie fixe de cette rémunération est passée de 4,528 millions d'euros à 7,544 millions d'euros, soit ramenée individuellement une augmentation de 94 % ! Et M. le député ne parle même pas du cas du PDG M. Poupart-Lafarge, dont on peut estimer que la rémunération a augmenté de 31 % en 2022. Comment accepter une telle situation à l'heure actuelle, au moment où la majorité des concitoyennes et concitoyens vit des fins de mois difficiles ? D'autant que le groupe Alstom semble pousser le cynisme encore plus loin et on peut le voir à la lecture de son plan stratégique « Alstom in motion 2025 ». À l'heure où la relocalisation industrielle est un enjeu majeur pour la France et où la prise en compte du bilan carbone des activités est un souci de premier plan, M. le député demande à M. le ministre s'il trouve normal que cette grande entreprise affiche sans complexe comme objectif de délocaliser, d'ici 2025, 40 % de ses études et 60 % de sa fabrication dans les pays à bas coût. En particulier quand le pays visé est l'Inde, qui n'est pas un pays particulièrement exemplaire en matière de conditions de travail et de respect des droits de l'Homme. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 7 décembre 2022

RELOCALISATIONS ET RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS D'ALSTOM
Mme la présidente. La parole est à M. Florian Chauche, pour exposer sa question, n°  43, relative aux relocalisations et aux rémunérations des dirigeants d'Alstom.

M. Florian Chauche. Monsieur le ministre délégué, j'appelle votre attention sur la hausse mirobolante des salaires de l'équipe de direction d'Alstom. Alors que l'inflation est galopante et que nombre de nos concitoyens ont des difficultés croissantes pour se chauffer et se nourrir, les Françaises et les Français sont particulièrement sensibles aux inégalités de salaires et jugent nécessaire un partage plus juste des richesses. Or ce n'est pas la fin de l'abondance pour tout le monde. Nous avons vu le débat qu'ont suscité l'augmentation de salaire mirobolante de M. Pouyanné, PDG de TotalEnergies, et ses conséquences.

Cependant, cela ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. Ainsi, toute l'équipe de direction d'Alstom France a vu bondir ses revenus de façon extraordinaire : les documents d'enregistrement universel du groupe mentionnent une augmentation, pour l'équipe de dix-huit personnes, de 9,9 millions d'euros en 2021-2022. Cela correspond à une augmentation individuelle moyenne de 78 %. Qui plus est, la seule partie fixe de cette rémunération est passée de 4,5 millions à 7,5 millions, soit une augmentation individuelle de 94 %. Je ne parle même pas du PDG, M. Poupart-Lafarge : on estime que sa rémunération a augmenté de 31 % cette année. Comment accepter une telle situation au moment où la majorité de nos concitoyennes et concitoyens vit des fins de mois difficiles ?

Le groupe Alstom semble pousser le cynisme encore plus loin, comme on peut le voir à la lecture de son plan stratégique « Alstom in motion 2025 ». À l'heure où la relocalisation industrielle est un enjeu majeur pour notre pays et où la prise en compte du bilan carbone des activités est un souci de premier plan, trouvez-vous normal que cette entreprise affiche, sans complexe, l'objectif de délocaliser 40 % de ses études et 60 % de sa fabrication dans des pays à bas coût de main-d'œuvre d'ici à 2025 ? En particulier quand le pays visé est l'Inde, qui n'est pas spécialement exemplaire en matière de conditions de travail et de respect des droits de l'homme.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Monsieur le député, je voudrais commencer par corriger le chiffre de 78 % que vous avez mentionné : il compare des pommes et des oranges, car vous comparez des équipes de direction différentes. Les chiffres de base concernent la seule équipe de direction d'Alstom. Vous le savez sans doute, Alstom a fusionné avec Bombardier Transport, constructeur de matériel ferroviaire canadien. L'équipe de direction en 2021-2022 est donc plus large que celle de 2019-2020 ; vous comprendrez bien que la rémunération de l'une soit supérieure à celle de l'autre, puisqu'il y a plus de gens à rémunérer.

Au-delà des chiffres, qui importent peu, je suis heureux que nous ayons ce débat. Alstom Bombardier est l'un des trois plus grands constructeurs de matériel ferroviaire au monde. Je suis personnellement assez fier que nous ayons pu construire une entreprise de classe mondiale, qui concurrence les grands acteurs du secteur, notamment chinois. Malgré cette fusion franco-canadienne, ces derniers sont encore deux à trois fois plus grands que les acteurs européens du secteur. En raison de l'urbanisation et du développement des transports en commun, Alstom Bombardier se trouve dans un marché en pleine expansion ; on ne gagnera pas la Coupe du monde avec des joueurs rémunérés comme des joueurs de deuxième ou troisième divisions. Je comprends que les dirigeants d'une entreprise de classe mondiale, en concurrence avec le marché international, puissent être rémunérés de cette manière.

Néanmoins, je serai toujours sensible à deux éléments extrêmement importants. Le premier élément est l'alignement de la rémunération des dirigeants, souvent très élevée, avec des engagements et des objectifs de performance de long terme ; c'est pour moi essentiel. Le court-termisme du capitalisme moderne tue l'économie.

Le deuxième élément est tout aussi important : cette augmentation ne doit pas se faire au détriment des salariés de l'entreprise. Des négociations ont eu lieu chez Alstom au sujet des rémunérations futures. Un accord a été obtenu autour d'une prime importante, qui a été annoncée par la direction. Les entreprises françaises, y compris celles qui s'inscrivent dans un cadre concurrentiel international, doivent se saisir de tous les outils votés par le Parlement pour rémunérer correctement leurs salariés, en particulier dans une période d'inflation importante. J'y suis très sensible.

Enfin, concernant les délocalisations, vous savez sans doute que le secteur du matériel ferroviaire est très intensif en capital. Par conséquent, quand une entreprise remporte un marché où que ce soit dans le monde, une bonne partie de la fabrication doit souvent se faire sur place. Néanmoins, Alstom est très présent en France et continue à y recruter ; j'y suis attentif.

Mme la présidente. La parole est à M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre délégué. En tant que député du Territoire de Belfort, berceau d'Alstom, je suis moi aussi très fier de cette entreprise. Je resterai très attentif aux intérêts de ses salariés et à ceux du territoire.

Données clés

Auteur : M. Florian Chauche

Type de question : Question orale

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2022

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