16ème législature

Question N° 441
de Mme Nathalie Oziol (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Hérault )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > travail

Titre > Grève des salariées d'Onet au CHU de Montpellier

Question publiée au JO le : 05/12/2023
Réponse publiée au JO le : 13/12/2023 page : 11238

Texte de la question

Mme Nathalie Oziol appelle l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la mobilisation des agents d'entretien Onet qui travaille au centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier. À Montpellier, les salariées de la société Onet, sous-traitant du CHU, sont en grève depuis plus de 60 jours. Ce sont elles qui nettoient les parties communes de l'hôpital. Elles jouent un rôle fondamental car elles permettent l'application des protocoles d'hygiène dans les hôpitaux. Elles sont un rouage essentiel de la lutte contre les infections nosocomiales. Cette mission si nécessaire, elles l'exercent au prix de leur santé, de leur vie personnelle et familiale. Elles engagent leur corps tous les jours dans des tâches répétitives et nécessitant un effort physique conséquent. « Je ne peux plus soulever de gros paquets de riz car mon poignet me fait mal. Les lombaires sont fatigués » décrivent-elles. Elles arrivent aux aurores à l'hôpital, repartent en fin de matinée, puis doivent revenir en fin d'après-midi. Ces horaires de travail fragmentés ont un impact direct sur l'organisation de leurs journées et leurs disponibilités pour leurs proches : « Quand on rentre à la maison, on est fatiguées, on n'arrive pas à écouter les enfants quand ils nous parlent », dit une autre. Cet engagement, elles le font pour un salaire de misère : moins de 1 000 euros par mois pour un temps partiel, alors même qu'elles travaillent chez Onet depuis des années, 7 ans, 14 ans même pour certaines. « J'ai envie d'avoir mes sous à la sueur de mon front. Mais cette occasion, on ne me la donne pas dans mon travail. ». Alors début septembre 2023, quand le sous-traitant a voulu leur imposer de badger à chaque réalisation de tâches, ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de tant d'années passées sans reconnaissance. Une humiliation qui a poussé ces femmes et ces hommes à dire stop et à se mettre en grève sur des revendications claires : un 13e mois, une augmentation de salaires, l'arrêt des méthodes de flicage du travail, une meilleure organisation du temps de travail. La question de Mme la députée s'adresse donc au ministère du travail : le Gouvernement finance les hôpitaux, qui financent les sous-traitants, il a donc son mot à dire sur les conditions de travail que les sous-traitants imposent à leurs salariés, qui sont des concitoyens et des administrés. C'est à la fois un enjeu de décence et de respect pour ces femmes et ces hommes qui nettoient les hôpitaux, mais c'est aussi un enjeu de santé publique ! Ces « travailleurs essentiels » comme on les qualifiait pendant la pandémie doivent être payés et traités convenablement. Elle demande au ministre de sommer Onet de répondre aux revendications de ses salariés et de garantir à ces concitoyens que les hôpitaux sont entretenus par des femmes et des hommes dont le travail est payé à la juste valeur. Il s'agit d'une question de dignité.

Texte de la réponse

CHU DE MONTPELLIER


Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Oziol, pour exposer sa question, n°  441, relative au CHU de Montpellier.

Mme Nathalie Oziol. Soixante-dix-huit : c’est le nombre de jours de grève des salariés de l’entreprise Onet, sous-traitant pour le nettoyage du CHU – centre hospitalier universitaire – de Montpellier. Ces femmes et ces hommes nettoient les parties communes et les bureaux de l’hôpital, permettent l’application des protocoles d’hygiène, participent à la lutte contre les infections nosocomiales. Pourtant, elles et ils le font dans des conditions difficiles, physiquement et psychologiquement épuisantes. Elles affrontent, d’abord, des tâches répétitives et des efforts physiques : « Je ne peux plus soulever de paquets de riz car mon poignet me fait mal. Les lombaires sont fatiguées », décrivent-elles. Elles doivent ensuite s'accommoder d'horaires fragmentés : elles arrivent à l’hôpital aux aurores, repartent en fin de matinée, puis doivent revenir en fin d’après-midi. « Quand on rentre à la maison, on est fatiguées, on n’arrive pas à écouter les enfants quand ils nous parlent », dit une autre. Tout ça pour un salaire de misère : moins de 1 000 euros par mois pour un temps partiel, à peine plus que le Smic pour un temps complet.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase de tant d’années sans reconnaissance est tombée le 13 septembre dernier. Onet a voulu leur imposer de badger à chaque réalisation de tâche, une infantilisation qui a poussé ces femmes et ces hommes à se mettre en grève avec des revendications claires : un treizième mois, une augmentation de salaires, l’arrêt des méthodes de flicage, une meilleure organisation du temps de travail.

Ces conditions de travail et ces revendications, vous les connaissez bien. Ma collègue Rachel Keke avait mené une lutte de vingt-deux mois à l’Ibis Batignolles pour dénoncer les mêmes souffrances et le même mépris. Mon collègue François Ruffin a écrit et montré le quotidien de ces femmes qui luttent pour la dignité au travail. En 2020, le groupe parlementaire La France insoumise avait d’ailleurs déposé une proposition de loi pour améliorer les conditions de travail des femmes de ménage dans la sous-traitance : paiement double des heures réalisées tôt le matin et tard le soir ; augmentation du Smic à hauteur de 1 600 euros ; assimilation des salariés du sous-traitant aux salariés du donneur d’ordre, pour le salaire horaire notamment. Alors que l’inflation sur les produits alimentaires, l’énergie et les carburants explose, qu’une grande partie des salariés d’Onet travaille dans l’hôpital depuis plus de dix ans – jusqu’à dix-sept ans pour certaines –, alors que le chiffre d’affaires d’Onet atteint près de 2 milliards d’euros, ces propositions sont plus que jamais d’actualité.

Madame la ministre déléguée, une fois qu’on a traversé la rue pour trouver du travail, que fait-on quand celui-ci épuise ? Quand le salaire ne nourrit pas ? Le Gouvernement finance les hôpitaux, qui financent les sous-traitants. Il a donc son mot à dire quant aux conditions de travail que ces derniers imposent à leurs salariés. C’est une question de dignité au travail, mais aussi de santé publique. Ces travailleurs essentiels, comme vous les appeliez pendant le confinement, doivent être payés et traités convenablement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Vous interpellez le Gouvernement sur les conditions de travail des sous-traitants, notamment des agents d'entretien, au sein des hôpitaux. La négociation sur les conditions de travail des salariés à temps partiel, que vous évoquez, se fait au niveau des branches professionnelles : c'est à cet échelon que sont fixées la répartition des horaires dans la journée de travail et les amplitudes horaires des salariés. Le Gouvernement incite régulièrement les branches à adapter les stipulations aux besoins des salariés et des employeurs, dans le respect de la réglementation relative au temps partiel.

Les agents d'entretien peuvent souffrir de douleurs physiques, notamment de troubles musculo-squelettiques. Vu leur fréquence – ils représentent 90 % des maladies professionnelles –, ces troubles sont particulièrement ciblés dans le quatrième plan Santé au travail. Le Gouvernement a également conscience que le temps partiel subi constitue l'une des premières causes de précarité des travailleurs. Aussi la Première ministre a-t-elle annoncé, à l'issue de la conférence sociale du 16 octobre 2023, que la lutte contre le temps partiel subi sera l'un des thèmes prioritaires des travaux du haut conseil des rémunérations qui sera prochainement créé. Les constats, études et propositions de cet organisme devront notamment permettre de lutter contre les abus et de préparer une future négociation interprofessionnelle sur le temps partiel.

J'ajoute que, le 16 mars 2022, le Gouvernement avait publié une circulaire visant à renforcer, dans le cadre de la procédure d'attribution des marchés publics, les attentes en matière de qualité sociale et environnementale des prestations, notamment dans le secteur de la propreté. La circulaire engage l'État à jouer un rôle exemplaire en matière d'achats publics. Adressée à l'ensemble des acheteurs des services de l'État et de ses établissements publics, elle a formulé des préconisations en matière d'achats publics, dont plusieurs concernent l'amélioration de la situation des travailleurs et visent à promouvoir des conditions de travail décentes en imposant de réaliser les prestations en journée et en continu.

Je peux vous assurer que ce sujet compte beaucoup pour nous : la prévention des risques professionnels et l'amélioration des conditions de travail figurent parmi les priorités du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Oziol.

Mme Nathalie Oziol. Le débat politique, social et philosophique sur les conditions de travail, la façon de travailler, la rémunération et le bien-être des travailleurs fait écho à celui qui nous avait opposés à l'occasion de la réforme des retraites : pendant que vous imposiez l'obligation de travailler plus longtemps, au détriment de la santé et du bien-être, nous défendions le droit à une vie digne et au repos – notions qui sont également au cœur du débat que j'évoque.

Même si cela vous échappe, la lutte pour la dignité tisse des liens et offre la joie de se retrouver ensemble. C'est pourquoi les salariés d'Onet, majoritairement des femmes, se retrouveront ce samedi 16 décembre pour fêter leur combat commun. Je les salue.