Rubrique > travail
Titre > À Téléperformance, l'État soutient la maltraitance
M. Hadrien Clouet alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le soutien qu'apporte l'État à l'entreprise Téléperformance, en dépit de sa maltraitance connue et reconnue des salariés. Cette multinationale française crée en 1978, leader mondial des centres d'appels, modératrice de réseaux sociaux dont Tiktok, emploie plus de 400 000 employés dans le monde. À la tête de l'entreprise, le PDG se goinfre. Il est le patron le mieux payé de France, 1 484 fois mieux rémunéré que les salariés. Avec 18 millions d'euros de salaire annuel, il gagne en 1 an ce qu'un smicard mettrait 1 200 ans à atteindre. En 2021, en pleine pandémie et suite aux confinements successifs, l'entreprise a augmenté son chiffre d'affaires de 24 %, lui permettant de s'augmenter de 29 %. C'est l'entreprise la plus inégalitaire du CAC40. Ce profiteur de crise a malgré tout obtenu des aides publiques de l'État pour surmonter la crise. Elle a également bénéficié d'un contrat public pour gérer le numéro vert covid - alors que les salariés de Téléperformance, eux, n'avaient aucune protection face à la pandémie. Si les PME du pays sont étranglées par le remboursement des PGE, cette multinationale et son grand patron ont profité de la pandémie aux frais de l'État et des salariés mis en danger. Téléperformance travaille notamment avec les géants Apple, Amazon ou encore Google. Et visiblement, les multinationales s'échangent les mauvaises pratiques : en avril 2020, après le refus de tout dialogue social, plusieurs syndicats de salariés portent plainte devant l'OCDE pour « violation des droits des salariés à travailler en sécurité pendant la pandémie », constatant que des salariés doivent dormir sur le lieu de travail contaminé ; d'autres témoignages publiés dans la presse épinglent l'interdiction de faire pause avec d'autres collègues pour éviter tout debrief et échange collectif ; l'interdiction de se rendre aux toilettes ; la nécessité de formuler les demandes de congé sur l'application en ligne pendant les heures de travail sans réduction de productivité ; l'obligation pour les employés chargés de la modération du réseau social TikTok de regarder des contenus violents et morbides ; une diminution incessante de l'espace accordé à chaque opérateur pour travailler ; des rémunérations bien en-deçà des qualifications. Ces conditions sont tellement intenables que des étudiants salariés ont commis des tentatives de suicide. Une telle politique de maltraitance n'est pas un épiphénomène de l'établissement français : en novembre 2022, le gouvernement colombien a ouvert une enquête à l'encontre de cette multinationale pour violations du droit syndical et des conditions de travail. En effet, la multinationale avait installé des caméras au domicile de salariés télétravailleurs, ce qui s'ajoute au harcèlement moral, aux heures non payées et à l'entrave à action syndicale. Grâce à la détermination du gouvernement de Gustavo Petro, les 40 000 salariés de l'antenne colombienne de Téléperformance ont finalisé un accord renforçant le dialogue social et protégeant leurs droits. Ainsi, un gouvernement déterminé peut faire plier cette firme. Rien de tout cela en France, puisque face à ces alertes... l'Institut national de la relation client, qui a l'appui d'une mission ministérielle - en tout cas avant de cesser toute activité au bout de quelques mois - a délivré à l'entreprise le label RSE Human For Client dont elle se targue. Il est donc inacceptable que l'État subventionne et soutienne une entreprise voyou, sans lui imposer aucune condition d'aucune sorte. À l'instar du gouvernement colombien, le Gouvernement doit réviser ses engagements vis-à-vis de Téléperformance. Une enquête de l'inspection du travail doit y être diligentée au plus vite, afin d'appliquer un principe simple : ni subvention, ni prêt, ni marché public, ni label, tant que les droits des salariés n'y seront pas respectés. Il lui demande sa position sur ce sujet.