Question au Gouvernement n°448 : RÉFORME DES RETRAITES

16ème Législature

Question de : Mme Cyrielle Chatelain (Auvergne-Rhône-Alpes - Écologiste - NUPES), posée en séance, et publiée le 18 janvier 2023


RÉFORME DES RETRAITES

Mme la présidente. La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain. Les retraites sont le cœur de notre modèle social.

M. Benjamin Lucas. Eh oui !

Mme Cyrielle Chatelain. Alors ne réduisons pas nos débats à quelques cas types qui ne représentent rien, sauf les statistiques agrégées à prix d'or par vos cabinets de conseil et transformées par vos communicants en visuels destinés à être postés sur les réseaux sociaux.

M. Benjamin Lucas. Elle a raison !

Mme Cyrielle Chatelain. Je me trouvais vendredi dernier à Vizille, dans ma circonscription. J'y ai rencontré une ancienne aide-soignante, âgée de 58 ans, dont je préfère taire le nom. À la suite d'un dépistage, on lui a diagnostiqué un cancer du sein. Elle a pourtant continué de travailler, jusqu'à ce qu'elle ne le puisse plus et soit placée en congé de longue maladie en 2018. Souhaitant désormais retrouver un travail, mais ne se sentant pas capable de reprendre son métier d'aide-soignante, tant il est physiquement éprouvant, elle a suivi une formation en secrétariat. Depuis onze mois, elle désespère de trouver un poste : à chaque entretien, on lui demande de justifier les trous dans son CV et d'expliquer les raisons de sa réorientation, et elle est en concurrence avec des personnes deux fois plus jeunes qu'elle. Viendrez-vous à Vizille ou à Grenoble pour vous assurer que les entreprises jouent bien le jeu de l'index seniors que vous entendez créer ?

D'après les chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), seules 56 % des personnes âgées de 55 à 64 ans étaient en emploi au quatrième trimestre 2021. C'est votre échec : celui de l'emploi des personnes de plus de 55 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Vous prétendez allonger la durée de cotisation et reculer l'âge de départ, mais vous ne proposez rien aux femmes de plus de 55 ans, qui sont éloignées de l'emploi et qui, à cause de vous, subiront le chômage et la décote. Et vous osez parler de progrès social ! Mais pour qui ?

Je peux vous souffler une réponse : vous voulez faire 18 milliards d'euros d'économie sur le dos des Français âgés de 55 à 65 ans pour obéir au dogme des 3 % de déficit inscrit dans le pacte de stabilité et de croissance (PSC) (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) – ce pacte qui met à genoux nos économies, qui met à mal nos industries et qui menace nos démocraties comme nos modèles sociaux. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Comme vous, je suis témoin chaque jour de situations difficiles, comme celle de l'aide-soignante que vous avez évoquée. Nous devons évidemment être particulièrement attentifs aux personnes confrontées à de telles situations et nous montrer beaucoup plus ambitieux en matière d'accompagnement des seniors dans le retour à l'emploi. Je peux d'ailleurs vous assurer que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, dans le cadre des concertations qu'il a engagées sur la création de France Travail, s'efforce de trouver le meilleur chemin pour ramener vers l'emploi toutes les personnes en difficulté.

M. Sébastien Jumel. Avec un index ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre . Mais nous devons par ailleurs tenir compte d'un enjeu majeur pour notre modèle social : le rétablissement du système de retraite. Les personnes fragiles et modestes dont vous mentionnez les exemples – que le ministre Dussopt, mon gouvernement et moi-même avons bien à l'esprit – peuvent actuellement compter sur un système de retraite par répartition. Dans un tel système, lorsque la proportion d'actifs qui financent les pensions baisse – pardon d'insister sur ce point, mais c'est une statistique –,…

Mme Raquel Garrido. Il faut créer de l'emploi et augmenter les salaires !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre . …passant de 2 actifs par retraité en 2005 à 1,7 aujourd'hui, puis à 1,5 demain, quel est le chemin alternatif à la réforme que nous présentons, laquelle consiste, en effet, à demander à l'ensemble des Français de travailler progressivement plus longtemps ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme Raquel Garrido. Augmentez les salaires des femmes !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre . Nous agissons, je tiens à le souligner, dans une volonté de justice et de progrès. Nous faisons preuve de justice en tenant compte de la situation des personnes qui ont commencé à travailler tôt et en améliorant le dispositif des carrières longues.

Mme Raquel Garrido. Avec un départ à 62 ans pour quelqu'un ayant commencé à travailler à 18 ans ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Comme je le disais, à l'heure actuelle, une personne ayant commencé à travailler tôt pourra partir à l'âge de départ légal, voire deux ans avant. Demain, elle pourra partir deux à six ans avant l'âge légal. Nous prenons aussi en considération les salariés en situation d'inaptitude, d'incapacité ou d'invalidité ainsi que ceux qui exercent des métiers difficiles, au-delà des critères prévus dans le compte professionnel de prévention. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Nous voulons par ailleurs améliorer la situation des retraités de demain et d'aujourd'hui. C'est pourquoi nous avons défendu, conformément aux engagements pris par le Président de la République, une revalorisation des pensions minimales, afin de garantir aux personnes ayant effectué une carrière complète qu'elles percevront au moins 85 % du Smic net.

Mme Sandrine Rousseau. Vous l'avez déjà dit cinq fois, on a compris ! C'est une fake news !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Vous avez raison, madame Chatelain : derrière les chiffres, il y a des cas personnels. Ce sont ces personnes auxquelles nous prêtons attention et dont nous voulons améliorer la vie professionnelle et la retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain. Personne n'est dupe de vos éléments de langage : chacun connaît l'impact que cette réforme aura sur nos vies. Les Français seront dans la rue le 19 janvier pour vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent.)

Données clés

Auteur : Mme Cyrielle Chatelain (Auvergne-Rhône-Alpes - Écologiste - NUPES)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Première ministre

Ministère répondant : Première ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 janvier 2023

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