16ème législature

Question N° 4500
de Mme Christine Engrand (Rassemblement National - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Mer
Ministère attributaire > Mer

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Quelles solutions contre l'hypoxie de la filière pêche boulonnaise ?

Question publiée au JO le : 03/01/2023 page : 31
Réponse publiée au JO le : 09/05/2023 page : 4214

Texte de la question

Mme Christine Engrand appelle l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur la filière pêche boulonnaise. Mme la députée s'interroge sur l'avenir de la filière pêche française, notamment au port de Boulogne-sur-Mer. Autrefois florissante l'activité portuaire de Boulogne-sur-Mer connaît depuis quelques années une baisse de régime inquiétante. La filière pêche y est structurée de telle sorte que les prises débarquées sur la criée sont rachetées par des mareyeurs qui peuvent approvisionner en poisson frais les entreprises de transformation situées sur le pôle multimodale Capécure. Cette organisation raisonnée a notamment permis de hisser le port de Boulogne-sur-Mer à la première place du podium concernant les ports de transformation. Comme pour de nombreuses cités portuaires, la filière pêche est un acteur structurant de l'économie boulonnaise. Pourtant, en aval comme en amont, les acteurs de la filière, qu'ils soient pêcheurs ou agro-industriels, constatent que leur avenir est menacé. Pour les premiers, c'est bien simple, les volumes pêchés se réduisent à peau de chagrin. En cause : la politique des quotas défavorable aux pêcheurs boulonnais combinée à la concurrence des gros senneurs hollandais. Ensuite viennent les mareyeurs qui souffrent des perturbations engendrées par les différentes crises. Les conséquences engendrées par la covid-19 sur la chaîne d'approvisionnement se font encore ressentir ; les volumes débarqués s'amoindrissent tandis que les charges fixes relatives à l'énergie utilisées pour conserver la fraîcheur des produits augmentent inexorablement. En bout de chaîne, la situation est plus contrastée, les grosses entreprises s'en sortent bien, mais essentiellement parce qu'elles absorbent progressivement les parts de marchés de leurs concurrents plus petits n'étant pas capable de s'aligner sur la hausse des prix des marchandises ces dernières années et sur les coûts élevés des autorisations d'occupation temporaire du pôle Capécure. Dans une note de synthèse, la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités relevait que la filière boulonnaise tenait le coup grâce à l'approvisionnement en produits halieutiques des voisins européens. La filière pêche boulonnaise perd en autonomie de jour en jour et rien d'utile n'est fait pour l'empêcher. Les aides versées par l'État à l'occasion du Brexit n'ont pas permis d'arrêter l'hémorragie, il y a quelques semaines encore l'Union du mareyage français (UMF) demandait que soit débloqué le fonds européen pour les affaires maritimes. Elle lui demande donc ce qu'entend faire le Gouvernement pour ragaillardir et autonomiser la filière pêche boulonnaise avant sa décrépitude annoncée.

Texte de la réponse

Le secteur de la première vente joue un rôle essentiel pour assurer la compétitivité des produits de la pêche française et le respect des exigences européennes et nationales en matière de transparence du marché et de transmission de données, de respect des normes et d'information du consommateur. Dès la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le Gouvernement a soutenu la filière pêche, en particulier l'aval avec les aides pour l'ensemble du secteur et des aides dédiées telles que l'indemnisation des pertes de chiffre d'affaires (IPCA) visant à compenser une partie de la perte de chiffre d'affaires subie par les entreprises de mareyage concernées par les conséquences du Brexit ou encore des appels à projets du Plan de relance ouverts aux ports et halles à marées et aux grandes entreprises de la transformation et de la commercialisation. Par ailleurs, dans l'ensemble des dispositifs mis en place pour accompagner l'amont, l'impact potentiel sur l'aval de la filière a toujours été un élément majeur dans la prise de décision. Ainsi, le plan d'accompagnement individuel Brexit en cours a été ciblé sur les navires les plus dépendants des eaux britanniques. Il permettra d'aider la sortie de flotte d'environ 90 navires français et de rééquilibrer la flottille française par rapport aux possibilités de pêche actuelles tout en maintenant les antériorités. Les conséquences de la guerre en Ukraine sont également une source de préoccupation pour le Gouvernement qui, dès le début de l'année 2022, a mis en place des mesures pour appuyer les entreprises de mareyage fragilisées par la hausse de leurs charges liées à l'augmentation du coût de l'énergie. Le Gouvernement a mis en œuvre depuis plus d'un an des dispositifs pour contenir au maximum cette hausse des prix de l'énergie : des dispositifs transversaux visant à soutenir les entreprises devant faire face à la hausse des coûts de l'énergie (accès régulé à l'électricité nucléaire historique, baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité et des dispositifs spécifiques tels que le bouclier tarifaire, le guichet d'aide au paiement des factures pour les énergo-intensifs, et le nouveau dispositif d'« amortisseur électricité » destiné à toutes les petites et moyennes entreprises (PME) non éligibles au bouclier tarifaire, et à toutes les collectivités et établissements publics n'ayant pas d'activités concurrentielles, quel que soit leur statut. En complément de ces dispositifs, l'Union du mareyage français a sollicité de l'État la mise en œuvre de l'article 26 du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture qui dispose que « en cas d'événements exceptionnels entraînant une perturbation importante des marchés, le soutien (…) peut porter sur des compensations destinées aux opérateurs du secteur de la pêche et de l'aquaculture pour leurs pertes de revenus ou leurs surcoûts ». Or, ce soutien ne peut être déclenché que sur décision de la Commission européenne, et celle-ci n'a pas adopté d'acte en ce sens pour l'année 2023. La Commission a cependant défini des règles pour l'encadrement temporaire des aides, notamment des critères de compatibilité avec le marché intérieur des mesures d'aides que les États peuvent mettre en place, à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine et qui tiennent lieu de support juridique unique pour toutes les aides aux entreprises impactées par le conflit en Ukraine. Le Gouvernement a pris ses responsabilités en prolongeant par quatre fois, et en déplafonnant par deux fois, les aides carburant pour les pêcheurs afin de limiter l'impact inflationniste sur l'ensemble de la filière. Sur la proposition du Secrétaire d'État chargé de la mer, le Président de la République a annoncé le 25 février 2023 le prolongement de l'aide jusqu'en octobre à hauteur de 20 centimes. La pêche est le seul secteur qui bénéficie encore d'une telle aide. Par ailleurs, le Gouvernement considère que le recours aux aides d'État permet de préserver les crédits du FEAMPA qui ont pour principal objectif de financer des mesures structurelles permettant la transformation des filières. Ainsi, l'accompagnement structurel des filières à la suite du Brexit a été défini comme une priorité du programme FEAMPA. Les mesures d'investissement à la main des régions pourront ainsi accompagner les évolutions structurelles nécessaires. Force est de constater que cette politique de soutien ciblée a donné des résultats, puisque si les volumes débarqués au port de Boulogne-sur-Mer sont en très légère baisse en 2022, la hausse de 19% du prix moyen permet à la criée d'atteindre son chiffre d'affaires le plus élevé depuis 20 ans, à plus de 87 millions d'euros.