Phénomène de retrait-gonflement des argiles
Question de :
M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Renaissance
M. Vincent Ledoux interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le phénomène de retrait-gonflement des argiles. Tout d'abord, M. le député tient à remercier Mme la Première ministre de lui avoir confié un rapport sur ce phénomène, qui lui a permis d'explorer six mois durant une problématique complexe et dont les inconnus sont encore hélas nombreux. Il veut aussi saluer l'accompagnement de tous les instants que fut celui de M. le ministre et de ses services tout au long de cette mission et l'écoute attentive du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires avec lequel M. le député assure un suivi actif post-rapport. Cet aléa est un impensé des politiques publiques relatives aux catastrophes naturelles ! Et pourtant, les RGA provoquent de véritables désastres dans la France des petits propriétaires qui subissent de plein fouet ce que M. le député qualifie de « krach climatique» ! Quand cela arrive après l'acquisition de sa maison, qui est l'achat de toute une vie, fruit de son travail, après les travaux d'embellissement nécessaires pour la mettre aux normes et à son goût, c'est une véritable catastrophe humaine qui s'abat sur toute la famille ! Intégré il y a 34 ans au régime « Cat Nat », un modèle dont il faut ici rappeler le caractère unique en Europe, qui allie mutualisation des risques et solidarité entre assurés, les RGA n'ont jamais bénéficié à ce jour d'un plan massif de prévention à l'égal des plans « inondation » ou « tempête » qui ont fait la preuve, encore ces récentes semaines et malgré l'ampleur des sinistres, de toute leur utilité. C'est la raison pour laquelle le rapport de M. le député formule une trentaine de propositions autour de trois axes : réduire la survenue pour éviter l'apparition des fissures et des dommages ; adapter le logement vulnérable au changement climatique et reconnaître aux sinistrés un véritable statut de victime ! Cette feuille de route proposée au Gouvernement détaille des mesures à plus ou moins long terme. Mais c'est à M. le ministre que M. le député s'adresse aujourd'hui. Dans le cadre de sa mission, M. le député a pu mesurer l'ampleur du problème posé. En effet, c'est plus de dix millions de maisons, soit la moitié du parc de maisons individuelles à l'échelle nationale, qui se trouvent potentiellement vulnérables au RGA. Il faut donc agir vite et fort ! Ainsi, la question de M. le député se déploie sur deux volets principaux : tout d'abord la nécessité de prendre en charge les victimes confrontées aux problématiques les plus lourdes et douloureuses, souvent abandonnées sur le bord du chemin, qu'il conviendrait de recenser et d'évaluer sur tout le réseau national et sous la coordination des préfets. Les associations d'aide et de soutien aux victimes pourront être d'une aide précieuse. Il s'agira, avec l'aide des maires, de les accompagner sur divers plans, relogement quand la maison s'avère inhabitable et accompagnement psychologique car les fissures cassent autant les maisons que leurs propriétaires ! Ensuite, il convient de mettre les maires au cœur du combat contre le RGA. M. le député a discuté et échangé longuement avec eux au cours de la mission mais aussi lors de leur dernier congrès, au cours duquel il leur a présenté son rapport. Certains d'entre eux dressent déjà des cartes empiriques de la sinistralité RGA de leur commune. Il faut permettre le retour d'information depuis les assureurs et la Caisse de réassurance de manière à compléter les cartes BRGM mises à disposition du grand public à travers le site Géo risques. Pour mieux connaître la sinistralité des territoires et mieux informer les potentiels acquéreurs de maisons. Certains élus, à l'image du maire d'Estaires, assurent de la vidéosurveillance météorologique à travers des mini-stations météo qui mesurent la variation en eau des couches superficielles du sol communal. C'est une expérience utile qu'il conviendrait de généraliser, d'accompagner et de soutenir dans le cadre d'un protocole avec Météo France. Enfin, les maires doivent être mieux informés sur ce phénomène naturel pour être en capacité de mieux le gérer, mieux le prévenir et mieux le combattre ! Par exemple sur la prévention horizontale qui devrait être rapidement mise en place sur la végétation dans le jardin et sur l'espace communal, sur l'écoulement des eaux autour de la maison. Ils doivent être aussi accompagnés dans l'instruction des permis de construire, quand il y a extension de la maison sous forme de pièces supplémentaires, de vérandas ou de garages attenants. Bref, on doit les aider à avoir une véritable culture RGA tant en planification, prévention qu'en gestion courante de leur urbanisme. Il souhaite connaître sa position sur ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 13 décembre 2023
RETRAIT GONFLEMENT DES ARGILES
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, n° 457, relative au retrait gonflement des argiles.
M. Vincent Ledoux. Ma question fait suite au rapport que j'ai remis récemment au Gouvernement sur le phénomène de retrait gonflement des argiles (RGA), qui est un impensé des politiques publiques relatives aux catastrophes naturelles. Pourtant, les RGA provoquent un véritable désastre affectant la France des petits propriétaires, qui subissent de plein fouet ce que j'ai qualifié de krach climatique : toutes les catastrophes climatiques sont aussi des catastrophes humaines.
Intégrés il y a trente-quatre ans au régime « Cat nat », modèle alliant mutualisation des risques et solidarité entre assurés dont il faut rappeler le caractère unique en Europe, les RGA n’ont pourtant jamais bénéficié d’un plan massif de prévention à l’égal des plans Inondation ou Tempête.
C’est la raison pour laquelle mon rapport formule une trentaine de propositions déclinées autour de trois axes : réduire la survenance des RGA ; adapter le logement vulnérable au changement climatique ; reconnaître au sinistré un véritable statut de victime. En France, plus de 10 millions de maisons sont potentiellement vulnérables, soit la moitié du parc de maisons individuelles. Il nous faut donc agir vite et fort.
Ma question aborde deux points principaux. D'abord, s’agissant de la prise en charge des victimes les plus gravement atteintes, il conviendrait de les recenser et d'évaluer cette prise en charge sur tout le territoire national, sous la coordination de nos préfets. Avec l'aide des maires, il s’agirait de les accompagner à plusieurs niveaux en proposant un relogement lorsque la maison se révèle inhabitable, et en assurant un accompagnement psychologique car les fissures cassent autant les propriétaires que les maisons.
Ensuite, il convient de mettre les maires au cœur du combat contre le RGA. Certains d'entre eux dressent déjà de façon empirique les cartes de la sinistralité de leur commune. Il faut favoriser la transmission d'informations par les assureurs et la caisse de réassurance, de manière à compléter les cartes du BRGM – Bureau de recherches géologiques et minières – mises à disposition du grand public sur le site georisques.gouv.fr, afin de mieux connaître la sinistralité et de mieux informer les potentiels acquéreurs.
D’autres élus assurent une vidéosurveillance météo, grâce à des ministations qui mesurent la variation en eau des couches superficielles du sol. C’est une expérience utile qu’il conviendrait de soutenir et de généraliser dans le cadre d’un protocole avec Météo-France.
Afin de prévenir le phénomène de manière horizontale, il faut accompagner les maires pour la surveillance de la végétation du jardin ou de l'écoulement des eaux, et les assister dans le cadre de l'instruction des demandes de permis de construire pour l'extension des maisons.
Bref, je vous invite à déployer une véritable culture des RGA, en prévoyant une planification, des mesures de prévention et de gestion courante en matière d'urbanisme. Je sais que le Gouvernement travaille, notamment dans le cadre de réunions interministérielles, pour améliorer la prise en compte des RGA au niveau national. Pouvez-vous nous faire un point d'étape et nous indiquer les propositions du rapport que vous souhaitez retenir et appliquer, le cas échéant ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Vous m’interrogez sur les suites que le Gouvernement envisage de donner à plusieurs recommandations du rapport consacré à l’amélioration de la prise en charge des conséquences du phénomène de retrait gonflement des argiles que vous avez remis à la Première ministre, le 16 octobre.
Vous proposez d'instaurer un accompagnement spécifique en faveur des personnes victimes d’un sinistre provoqué par le phénomène de retrait gonflement des argiles. Cet accompagnement consisterait en l'intervention des services de l’État, des collectivités locales et du secteur associatif, sous la coordination des préfets. L’objectif visé est non seulement d’accompagner les sinistrés du point de vue financier et administratif, mais aussi de leur proposer un soutien psychologique.
Votre proposition apparaît pertinente dans les territoires fortement exposés au risque de retrait gonflement des argiles. La mobilisation coordonnée des collectivités et des services déconcentrés de l’État est de nature à faciliter la prise en charge concrète des sinistrés – heureusement peu nombreux – se trouvant en très grande difficulté.
Une telle organisation doit s’appuyer sur des acteurs déjà compétents pour traiter ce type de situation. Je pense aux référents à l’indemnisation des conséquences des catastrophes naturelles créés dans chaque département par la loi du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, ainsi qu’aux associations d’aide aux victimes aptes à fournir un soutien psychologique aux sinistrés.
Plusieurs propositions de votre rapport visent à améliorer le régime Cat nat, appliqué au phénomène de retrait gonflement des argiles, en modifiant les critères de reconnaissance, en accélérant les délais ou en améliorant la qualité de l'expertise. Elles sont en grande partie cohérente avec les travaux engagés dans le cadre de la révision du régime Cat nat par l’ordonnance du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
Les décrets d'application, qui devraient être publiés d’ici à la fin de l'année, reprennent une partie des recommandations du rapport, en particulier celles visant à garantir la formation et l'expérience professionnelle des experts RGA, à renforcer leur indépendance, à mieux prendre en charge les sinistrés et à encadrer les délais selon le type d'expertise réalisé.
Par ailleurs, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en lien avec le ministère de l’intérieur et des outre-mer, assure une meilleure coordination nationale et interministérielle de la question, en fixant plusieurs priorités : mieux intégrer les expertises et les retours d'expériences de solutions de remédiation et de prévention du risque argileux ; enrichir la carte d'exposition avec les données issues de sondages géotechniques et mettre à jour, à échéance régulière, cette carte avec les données de sinistralité ; mieux informer les maires sur le risque de retrait gonflement des argiles, sur ses effets et sur leur responsabilité dans le cadre de la procédure Cat nat.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Ledoux.
M. Vincent Ledoux. Je vous remercie pour ces propos qui vont effectivement dans le sens du rapport, lequel vise à proposer des solutions au plus proche des sinistrés. Ces derniers, qui auront le statut de victimes, apprécieront le travail accompli et les avancées qui seront réalisées par le Gouvernement en la matière.
Auteur : M. Vincent Ledoux
Type de question : Question orale
Rubrique : Catastrophes naturelles
Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer
Ministère répondant : Intérieur et outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2023