TERRITOIRES RURAUX DE L'AUDE
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Rancoule, pour exposer sa question, n° 460, relative aux territoires ruraux de l'Aude.
M. Julien Rancoule. Je souhaite faire une ode à l’Aude : des côtes méditerranéennes aux plaines du Lauragais, du plateau de Sault à la Montagne noire, des vallons du Razès au massif des Corbières, ce département regorge d’atouts. Pourtant, un Audois sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, plus d’un jeune sur quatre est au chômage, les usines qui faisaient battre autrefois le cœur industriel de l’Aude – comme celle de Myrys à Limoux –, se sont tues.
Une lueur d’espoir persiste cependant : des initiatives sont lancées courageusement, comme la chapellerie MontCapel à Montazels. J'appelle à nouveau votre gouvernement, monsieur le ministre délégué, à les épauler pour que perdure un savoir-faire ancestral et insuffler une nouvelle vie économique sur ces terres oubliées.
Nous sommes en 2023 et une partie du département subit encore les instabilités du réseau de télécommunications. Elles ont conduit à une issue dramatique : Guy, 68 ans, est décédé le 27 août d’un malaise cardiaque à Vignevieille ; à cause d’une énième coupure, les secours n’ont pu être alertés à temps.
La désertification médicale ronge les campagnes. Les médecins se retirent dans l’ombre de la retraite sans successeur. L'association Médecins du monde comptait la haute vallée de l’Aude parmi les « déserts médicaux les plus arides de France ». Certes, vous annoncez 100 médicobus d'ici à la fin 2024 et 45 millions d'euros sur trois ans pour doubler le nombre de maisons de santé. Mais ne faudrait-il pas, pour commencer, employer suffisamment de professionnels de santé dans les établissements existants ?
L’agriculture, notre fierté, notre identité, se trouve également en péril. La détresse financière de l’abattoir de Quillan comme la crise viticole qui a récemment donné lieu à une grande manifestation à Narbonne sont autant de signaux que nous ne pouvons ignorer. Nous devons soutenir les agriculteurs, piliers de l'économie locale.
Les communes rurales sont quant à elles confrontées à une érosion de leurs moyens et de leurs compétences. La gestion de l’eau, ressource essentielle de la vie quotidienne, ne doit pas leur être arrachée sans discernement.
J'en viens enfin à la question des transports : dans votre plan France ruralités, vous n’apportez aucune réponse aux automobilistes. Alors que 86 % des ruraux doivent utiliser leur véhicule pour aller travailler, chaque plein d’essence est un sacrifice financier. Si vous voulez rendre du pouvoir d’achat à la France des campagnes, prenez une mesure concrète : baissez les taxes sur les carburants !
Ce bilan est la conséquence des choix politiques néfastes de ces quarante dernières années. Les élus socialistes, à la tête du département depuis des décennies, portent eux aussi une lourde responsabilité. Désormais, vous devez agir. Que comptez-vous faire concrètement, à l’aune de mes propos, pour que l’Aude soit à l’aube d’un nouveau jour ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. Vous évoquez, à travers l'Aude, la question des ruralités, objet de politiques publiques qui ont en effet besoin d'être renforcées.
Vous abordez plusieurs sujets très sensibles, notamment celui des télécommunications et des zones blanches. Dans tous les territoires, en particulier dans les zones rurales, y compris dans votre département, nous résorbons les dernières zones blanches : elles ne concernent plus que 0,3 % de la population de l’Aude, même si elles conduisent encore, dans certaines communes, à de réels problèmes d'isolement. Avec les trente-deux nouveaux sites couverts l’an dernier, le travail de résorption se poursuit, à tel point que, je l'ai dit, 99,7 % de la population du département est désormais couverte en 4G par au moins trois opérateurs. Nous poursuivrons cet effort, dans l'Aude comme ailleurs ; c’est une nécessité ainsi qu’une question de justice pour l’ensemble de nos concitoyens.
S’agissant de l’accès à la santé et aux soins, vous évoquiez les dispositifs déployés dans l'Aude. Je m'en réjouis et ils seront renforcés sous l'égide du ministère de la santé et de la prévention, afin de lutter contre la désertification médicale.
En matière de transports – une question qui me tient à cœur et qui relève de ma responsabilité –, vous avez raison de dire que 85 % des déplacements quotidiens en France – 86 % dans votre département, disiez-vous – se font en voiture. Nous devons donc partir de cette réalité. Vous ne pouvez pas, en revanche, affirmer qu’aucune solution n’est proposée aux personnes dépendant de leur voiture dans le plan France ruralités de ma collègue Dominique Faure : 90 millions d'euros seront alloués, au cours des trois prochaines années, aux départements ruraux, dont l'Aude, pour soutenir diverses solutions, comme le covoiturage et l'autopartage – c'est-à-dire l'usage de la voiture, certes, mais de manière plus durable, moins consommatrice et moins polluante. Les zones rurales n'ont aucune raison de rester prisonnières de la voiture individuelle polluante.
Quant à la question des carburants, je serai très clair : si nous avons assumé et revendiqué le versement d'aides d'urgence car beaucoup de Français ne peuvent faire autrement que d'utiliser leur voiture, il faudra sortir du piège, à court ou moyen terme. Nos concitoyens ruraux sont comme les autres : ils veulent polluer moins, à condition qu’on leur propose des solutions. Nous aurons encore besoin des énergies fossiles dans les années à venir, mais nous pouvons d'ores et déjà prendre des mesures sociales et ciblées pour accompagner la transition vers l'électrique – qui n’est pas réservée aux bobos des centres-villes –, grâce au
leasing social ou au bonus écologique, par exemple. De nombreuses communes et conseils départementaux ont déjà commencé, pour peu que l'État les accompagne, ce qu'il fera encore davantage prochainement avec le lancement, dans quelques jours, du leasing social des voitures électriques.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Rancoule.
M. Julien Rancoule. Il y a urgence. Ce n'est pas parce qu'on ne brûle pas de voitures dans les zones rurales que leurs habitants ne souffrent pas. J'insiste, encore une fois, pour que vous preniez la mesure cette détresse.
Nous n'ignorons pas l'évolution des mobilités mais, dans l'immédiat, les familles et les travailleurs n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur véhicule essence ou diesel. Or quand le prix du carburant dépasse 1,80 euro par litre, ce n'est ni gérable ni tenable.