Question au Gouvernement n° 473 :
INTERDICTION DES NÉONICOTINOÏDES

16e Législature

Question de : Mme Lise Magnier
Marne (4e circonscription) - Horizons et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 25 janvier 2023


INTERDICTION DES NÉONICOTINOÏDES

Mme la présidente. La parole est à Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Un vent glacial d'inquiétude et de désarroi souffle sur nos plaines agricoles depuis la semaine dernière. À quelques semaines seulement des semis de betteraves, les 24 000 planteurs et l'ensemble des salariés de la filière betteravière, dont tous les emplois sont situés dans notre ruralité, ont appris avec stupeur la décision de la Cour de justice de l'Union européenne d'interdire totalement l'utilisation des néonicotinoïdes.

Lors de la campagne de 2020, la première sans néonicotinoïdes, la production dans mon département, la Marne, avait baissé de plus de 25 %. D'autres départements avaient connu une baisse de plus de 60 %. En tout, 40 % des planteurs avaient connu une baisse de plus de 30 % de leur production.

M. Maxime Minot. Elle est belle, la France !

Mme Lise Magnier. Aujourd'hui, les planteurs refusent catégoriquement de revivre un tel traumatisme. Les industriels s'inquiètent clairement pour leur outil en cas de baisse massive des surfaces et des rendements. Les filières connexes, le bioéthanol, mais aussi la luzerne, pourraient subir à court terme des répercussions tout aussi importantes.

La France est aujourd'hui le premier pays producteur de sucre d'Europe…

M. Pierre Cordier. Grâce à qui ?

Mme Lise Magnier. …mais, à ce stade, aucune solution scientifique ou agronomique n'a fait ses preuves pour protéger les cultures de betteraves du puceron de la jaunisse, malgré l'engagement collectif des planteurs, industriels, semenciers, chercheurs et responsables politiques et environnementaux dans un plan national de recherche et d'innovation lancé il y a trois ans. Ce coup d'arrêt brutal met donc en question notre souveraineté alimentaire et notre souveraineté industrielle.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à très court terme, afin de rassurer l'ensemble de la filière, pouvez-vous nous assurer que ses acteurs seront entièrement indemnisés des pertes potentielles liées à la jaunisse ?

M. Pierre Cordier. Ce n'est pas ce qu'ils veulent !

Mme Lise Magnier. Pouvez-vous aussi nous confirmer, qu'à l'échelle européenne - je pense notamment à l'Allemagne - aucune distorsion de concurrence ne sera possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Je vous remercie pour votre question, car elle me permet d'éclairer notre discussion sur la décision de la Cour de justice de l'Union européenne prononçant l'interdiction pure et simple de l'utilisation des néonicotinoïdes en enrobage, avec application immédiate.

M. Pierre Cordier. Allo !

M. Marc Fesneau, ministre. Avec la loi que vous avez votée, nous étions déjà engagés sur une voie progressive menant, au plus tard, à la fin de l'année 2023 à la sortie des néonicotinoïdes. Cette loi prévoyait des dérogations et essayait de trouver des solutions alternatives. Nous avions demandé une troisième dérogation pour pouvoir expérimenter de façon plus poussée, au cours de la campagne actuelle, des solutions qui sont déjà sur la table, mais qui ne sont pas encore abouties.

L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne nous impose de prendre des décisions concernant les planteurs et l'ensemble de la filière.

M. Pierre Cordier. On va importer du sucre du Brésil !

M. Marc Fesneau, ministre. À court terme, la première de ces décisions garantit aux planteurs la couverture intégrale pour la campagne 2023 des pertes éventuelles liées aux pucerons de la jaunisse.

M. Pierre Cordier. Ce n'est pas ce qu'ils veulent !

M. Marc Fesneau, ministre. Deuxième élément : vous avez raison, nous devons aussi rassurer les industriels qui ont réalisé d'importants investissements car ils ont besoin de betteraves. Nous allons y travailler.

Troisième élément : nous devons accélérer la recherche et l'innovation, par l'intermédiaire à la fois du plan national de recherche et d'innovation que vous avez mentionné et de dispositions existantes, notamment phytosanitaires. Celles-ci sont utilisables dès aujourd'hui, avec des itinéraires techniques leur permettant de répondre à ces besoins.

Ce n'est pas votre propos, madame la députée, mais la démagogie, ce serait d'appeler à ne pas respecter le droit européen. Il s'impose à nous et il nous a bien protégés dans certains domaines. (« Pas là ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) La démagogie, ce serait de faire croire qu'il existe d'autres voies. La responsabilité, c'est d'agir pour sauver cette filière dont nous avons besoin, notamment pour le sucre et l'éthanol. Le Gouvernement va donc déployer des moyens massifs pour lui donner, à court, à moyen et à long terme, de la visibilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)

Données clés

Auteur : Mme Lise Magnier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2023

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