16ème législature

Question N° 4741
de Mme Angélique Ranc (Rassemblement National - Aube )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Abandon et destruction des églises de France

Question publiée au JO le : 17/01/2023 page : 318
Réponse publiée au JO le : 18/04/2023 page : 3604

Texte de la question

Mme Angélique Ranc attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les plus de 5 000 églises qui pourraient être abandonnées ou détruites d'ici 2030 d'après l'Observatoire du patrimoine religieux. Cette crise patrimoniale touche tout le territoire, particulièrement les zones rurales. Les raisons de cette catastrophe sont nombreuses et profondes. Une cause spirituelle tout d'abord. Plus une église est fréquentée, plus elle est entretenue et plus vite on peut détecter les signes de fragilité. Or il y a de moins en moins de prêtres, de croyants et la fréquentation des églises est trop faible. Alors que la France possède le deuxième patrimoine religieux le plus important d'Europe, elle est le deuxième pays le moins pratiquant d'Europe. Une cause identitaire ensuite, le déracinement, qui s'exprime par le biais de l'exode rural, de l'immigration de masse, de l'américanisation et de l'individualisme. D'autre part, la fusion des communes entraîne l'abandon des bâtiments qui se retrouvent éloignés du nouveau cœur urbain. Les petites villes sont particulièrement touchées, elles n'ont ni les moyens des grandes, ni l'enracinement populaire des villages. Toujours, d'après l'Observatoire du patrimoine religieux, la France aurait sur son territoire environ 100 000 édifices religieux, or seuls 15 000 sont protégés au titre des monuments historiques. Cependant il n'existe pas de données officielles car aussi absurde que cela puisse paraître, on ne connaît pas le nombre exact d'églises présentes sur le territoire, le dernier inventaire largement incomplet et qui devait être renouvelé et complété, ayant été réalisé dans les années 80. Or ces communes ne disposent pas des moyens nécessaires pour assurer leur entretien régulier, particulièrement si leurs églises ne sont pas protégées au titre des monuments historiques, auxquels cas l'État ne leur donne aucune subvention spécifique. D'autant que les communes n'ont aucune obligation d'entretien des églises non protégées, tant que cela ne pose pas un risque de sécurité vis-à-vis des fidèles. À travers Collectif Objets, le ministère de la culture a pourtant su lancer une opération de recensement participatif pour accompagner les communes propriétaires dans la protection et la valorisation de ce patrimoine, mais seulement pour les objets comme le titre l'indique. Le but, similaire à celui que Mme la députée défend, était d'identifier à temps les situations qui nécessitent une intervention et d'apporter des solutions adaptées aux singularités des communes. Mme la députée propose donc un complément de ce dispositif ou un nouveau dispositif similaire ayant pour but un inventaire complet des églises de France. Enfin, elle demande quels seraient les leviers possibles afin de mettre en place un dispositif d'urgence de sauvegarde de ce patrimoine ecclésiastique.

Texte de la réponse

Le ministère de la culture partage le constat selon lequel les petites communes concentrent sur leur territoire la majorité des monuments historiques, le plus souvent des édifices religieux, sans disposer des ressources suffisantes pour en assurer la conservation. Le patrimoine religieux protégé au titre des monuments historiques fait l'objet d'une attention soutenue des services du ministère : plus de la moitié des crédits des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) destinés aux monuments historiques est consacrée au patrimoine religieux (112,8 M€ sur les 233 M€ de crédits alloués à la conservation des monuments historiques en 2021 par les DRAC). Par ailleurs, le ministère de la culture a mis en place, en 2018, un fonds incitatif, ciblé et partenarial (le « fonds incitatif pour le patrimoine », ou FIP), permettant de financer une intervention accrue, d'une part, de l'État, au travers de taux de subventions majorés, et d'autre part, des régions, en les incitant à participer à hauteur de 15 % aux travaux de restauration sur des monuments historiques appartenant à des petites communes. Ce fonds cible en priorité les communes de moins de 2 000 habitants. Dans le cadre de ce dispositif, l'État peut accompagner des projets jusqu'à 80 % (contre un taux de référence de 40 à 50 %), voire 90 % en outre-mer, pour les immeubles classés, et jusqu'à la limite légale de 40 % (contre un taux habituel de 20 %) pour les immeubles inscrits. Depuis sa création, ce fonds a permis de financer 695 opérations sur l'ensemble du territoire national, pour un montant engagé de 65 M€ entre 2019 et 2022. Ces opérations concernent, pour la grande majorité, des édifices religieux (83 %) appartenant à des communes (87 %). En raison de son succès, ce dispositif est reconduit et accompagné dans sa montée en puissance pour 2023 par une dotation de 18 M€. Depuis 2018, la Mission patrimoine (Loto du patrimoine) a aidé 762 sites pour leurs travaux de restauration, dont 108 emblématiques du patrimoine régional et 654 sites départementaux. Aujourd'hui, 60 % d'entre eux sont sauvées ou sur le point de l'être. 230 chantiers sont terminés et 240 sont en cours de travaux. Ainsi, ce sont près de 230 millions d'euros qui ont permis d'aider les travaux de restauration de l'ensemble des sites sélectionnés : plus de 125 millions d'euros issus du Loto du patrimoine ; 73 millions d'euros de crédits dégelés attribués par le ministère de la Culture aux projets protégés qui concernent des monuments historiques ; 30 millions d'euros collectés par la Fondation du patrimoine, provenant de mécénat d'entreprises (dont AXA, FDJ et FFDJ, parrainage de la Monnaie de Paris), de dons de particuliers et de ses ressources propres. Pour ce qui concerne les édifices non protégés au titre des monuments historiques, et notamment les édifices du culte appartenant aux communes, ceux-ci sont éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux ou à la dotation de soutien à l'investissement local, dans les conditions prévues respectivement aux articles L. 2334 32 à L. 2334-39 et L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales. Ces subventions ne relèvent pas de la compétence du ministère de la culture. Il convient également de rappeler que le financement des travaux sur le patrimoine rural non protégé ne relève plus du ministère de la culture. Ces crédits ont en effet été transférés aux départements, en application de l'article 99 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Depuis bientôt soixante années, l'Inventaire général du patrimoine culturel poursuit sa mission sur l'ensemble du territoire, suivant une méthodologie éprouvée et étayée par de nombreux supports scientifiques et des principes normés. Le patrimoine religieux a toujours occupé une place importante dans ses travaux. À ce jour, dans les bases de données patrimoniales du ministère de la culture, le patrimoine religieux représente environ 23 000 dossiers « architecture » et 160 000 dossiers « objets », ces chiffres étant à ajouter à ceux des bases de données régionales, en constante évolution. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a décentralisé la compétence de l'Inventaire vers les régions et le patrimoine religieux fait toujours partie intégrante des programmes de l'ensemble des services décentralisés, que ce soit dans le cadre d'opérations topographiques qui prennent en compte l'ensemble des champs patrimoniaux d'un territoire, ou dans celui d'opérations thématiques. L'outil de gestion « Collectif Objets » constitue une expérimentation, dont les enseignements utiles n'ont pas encore été tirés sur l'ensemble du territoire national pour le champ des objets mobiliers. Il est donc prématuré d'envisager de le transposer, d'ores et déjà, au patrimoine religieux immobilier.