Rubrique > établissements de santé
Titre > Ratios : créer un cercle vertueux à l'hôpital !
M. Damien Maudet appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la nécessaire mise en place de ratios entre soignants et patients. « Quand j'arrive en poste, je me demande si la journée va être gérable ou non. Qui peut travailler dans ces conditions, en se demandant s'il va bien pouvoir faire son boulot ? S'il va pouvoir soigner ou gérer. » L'hôpital public est en crise. Parfois, on se demande même s'il n'est pas en voie d'effondrement. Parfois, on se demande s'il n'est pas en train de s'effondrer. Les soignants partent, les patients restent des heures voir des jours sur des brancards. Et parfois, décèdent sur ces brancards. C'est ce qu'affirme notamment le Samu Urgence de France qui estime à 150 le nombre de décès aux urgences faute de prise en charge. Cette situation n'est pas un phénomène naturel. L'hôpital fait souffrir ceux qui y travaillent, alors ils démissionnent. Près de dix pour cent des emplois infirmiers sont non pourvus. Trente pour cent des infirmières envisagent de partir dans les douze prochains mois. Il faut inverser la tendance. L'hôpital est pris dans un cercle vicieux : les soignants partent, alors pour ceux qui restent la charge de travail augmente, donc ils finissent par partir et pour ceux qui restent, la charge de travail continue de grandir. Et ainsi de suite. On a besoin d'un cercle vertueux. D'une part, agir sur les salaires pour faire revenir. Mais aussi, agir sur les taux d'encadrement, les conditions de travail, pour faire rester. Selon l'enquête de l'AGEM sur l'intérim infirmier, la stabilité des plannings et une charge de travail moins lourde sont les deux facteurs qui feraient revenir les infirmières. Pour cela, plusieurs organisations, syndicats et même parlementaires proposent la mise en place de ratios qui permettront une prise en charge des patients conforme aux exigences de qualité et de sécurité des soins. Garantir des ratios permettrait une diminution du nombre d'erreurs. L'augmentation de 10 % du nombre de patients par infirmières augmente le risque d'évènement indésirables de 28 %. Garantir des ratios, c'est diminuer le taux de ré-hospitalisation. L'ajout d'un enfant par infirmière augmente le risque de ré-hospitalisation à 30 jours, de 11 % en médecine et de 48 % en chirurgie. Garantir des ratios c'est sauver des vies en cas d'arrêt cardiaque. Les personnes victimes d'arrêt cardiaque à l'hôpital ont une probabilité d'être réanimés qui diminue de 5 % par patient supplémentaire pris en charge par leur infirmière. Une expérience australienne sur 400 000 patients a démontré que dans les cas où le nombre de patients par soignants était de 1 pour 4, plutôt que 1 pour 7, le risque de décès jusqu'à 30 jours après la sortie et de réadmission dans les sept jours a chuté de 7 %. La durée du séjour a diminué de 3 %. Les chercheurs estiment qu'en deux ans, cette politique a permis d'éviter 145 décès, 255 réadmissions et un total de 29 222 jours d'hospitalisation. Enfin et sans doute que cela parle davantage à M. le ministre, y compris sur l'aspect financier, on y gagne ! Sur deux années, le coût pour baisser les taux d'encadrement a été de 33 millions de dollars. Mais la réduction du nombre de réadmissions a permis l'économie de 69 millions ! M. le ministre ne doit pas passer à côté de l'essentiel. Les soignants ont besoin de signaux clairs qui permettent de se projeter. Que M. le ministre les leur donne. Qu'il leur donne les moyens de soigner. En ce sens, il lui demande s'il va permettre la mise en place de ratios à l'hôpital.