Question écrite n° 4979 :
Libre établissement et liberté de prestation de services des moniteurs de ski

16e Législature

Question de : M. Antoine Armand
Haute-Savoie (2e circonscription) - Renaissance

M. Antoine Armand appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, sur le respect par les ressortissants européens des règles déclaratives et fiscales relatives à l'exercice de la profession de moniteur de ski. En effet, les moniteurs de ski français, représentés par leur syndicat national (SNMSF), constatent un exercice croissant de cette profession par des ressortissants européens sur le territoire français, sans que les règles assurant une juste concurrence ne soient respectées par une partie d'entre eux. Pour effectuer ces prestations sur le sol français, les ressortissants de l'Union européenne doivent déposer une déclaration préalable auprès de l'administration, pour obtenir une autorisation de 5 ans selon le principe du libre établissement (LE) dans le cas d'une activité permanente, ou pour obtenir une autorisation ponctuelle, qui peut être tacite en l'absence de réponse de l'administration, selon le principe de la liberté de prestation de services (LPS) dans le cas d'une activité occasionnelle. Sous le régime LE, l'affiliation aux régimes sociaux français est obligatoire pour les ressortissants européens exerçant l'activité professionnelle en question ; ce qui n'est pas le cas dans le régime LPS. Les moniteurs de ski français constatent une situation dans laquelle des ressortissants européens exercent cette profession sur le sol français en déposant une déclaration préalable selon le régime LPS, alors que la durée de l'exercice de cette activité et le fait qu'elle soit majoritairement exercée en France devrait les conduire à demander une autorisation sous le régime LE. En effet, selon la jurisprudence de la CJCE, l'exercice d'une profession sous le régime de la LPS peut être requalifiée en LE s'il apparaît que l'activité est « entièrement ou principalement » tournée vers l'État membre d'accueil et ces faits sont constitutifs d'un abus de droit de la part de l'opérateur (CJCE, 4 décembre 1986 ; aff. 205/84 Comm/Allemagne). Ainsi, il interroge Mme la ministre sur les mesures que le Gouvernement compte mettre en place pour assurer le respect des règles européennes par l'ensemble des moniteurs de ski exerçant de façon permanente ou majoritaire en France, afin d'assurer une juste concurrence avec les professionnels français.

Réponse publiée le 4 avril 2023

Le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques prend toute la mesure de l'inquiétude exprimée par le Syndicat national des moniteurs de ski français (SNMSF), dont l'engagement au service des territoires de montagne et la qualité de l'accompagnement n'est pas à démontrer. Les moniteurs de ski français s'inquiètent de l'exercice croissant de moniteurs de ski européens, moins bien formés et regroupés pour la majeure partie d'entre eux au sein de structures indépendantes, s'exemptant ainsi du régime fiscal et social français. Ces moniteurs viennent prester des services pendant toute la durée de la saison de ski. Les moniteurs français dénoncent à ce titre, une situation de concurrence déloyale puisque les moniteurs communautaires, seraient soumis aux règles plus clémentes de la libre prestation de service plutôt qu'à celles du libre établissement, pour lesquels ils semblent, pour un certain nombre d'entre eux, devoir répondre. Cette situation, qui résulterait notamment des dispositions liées à la libre circulation des travailleurs au sein de la communauté européenne, tend à pénaliser les professionnels français qui doivent faire face à une concurrence de plus en plus vive notamment dans les grandes stations de ski où la clientèle étrangère est fortement représentée, et est susceptible de porter atteinte à la sécurité des skieurs faisant appel à des moniteurs de ski moins qualifiés. Conformément aux dispositions des articles R. 212-88 et suivants du code du sport, tout ressortissant européen, légalement établi dans un État membre ou autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen pour y exercer l'une des activités de la profession réglementée d'éducateur sportif et souhaitant exercer en France cette profession à titre temporaire et occasionnel, doit en faire la déclaration auprès du préfet de département dans lequel il compte exercer sa profession à titre principal ou auprès du pôle national des métiers de l'encadrement du ski et de l'alpinisme (PNMESA) futur Service national des métiers de l'encadrement du ski et de l'alpinisme pour les activités du ski de l'alpinisme et activités assimilées et l'activité d'accompagnateur en moyenne montagne. La prestation doit avoir un caractère temporaire et occasionnel. Afin de répondre aux inquiétudes exprimées par les moniteurs de ski français via le SNMSF, le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques entend renforcer le nombre de contrôles effectués par les services départementaux à la jeunesse à l'engagement et aux sports (SDJES) dans les massifs concernés par un nombre croissant de moniteurs européens, et notamment italiens, afin de s'assurer que ces derniers disposent d'un récépissé de libre prestation de service ou d'une carte professionnelle valide. Ce renforcement des contrôles sera accompagné par des inspections plus fréquentes des structures indépendantes étrangères, nouvellement créées qui s'exemptent du régime fiscal et social français des organismes de recouvrement français. Par ailleurs afin de s'assurer de la bonne application de la règlementation en vigueur sur la législation du travail française relative au libre établissement et la libre prestation de services des migrants communautaires,  le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques entend coordonner plus efficacement ces contrôles par une meilleure collaboration entre les SDJES et l'URSAAF. Sur le plan réglementaire, la jurisprudence administrative permet à présent de rebasculer systématiquement les demandes de libre prestation de service (LPS) en demandes de libre établissement (LE) conformément à la décision « ALLEN » rendue par la Cour administrative d'appel de Lyon du 17 mars 2022 si les conditions de LPS ne sont pas réunies et si le demandeur souhaite exercer l'activité de moniteur de ski pendant toute la durée de la saison à titre principal. Cette doctrine nationale s'est construite sur le fondement de la jurisprudence communautaire suite à la décision CJCE, 4 décembre 1986 ; aff. 205/84 comm/Allemagne selon laquelle l'exercice d'une profession sous le régime de la LPS peut être requalifié en LE s'il apparaît que l'activité est « entièrement ou principalement » tournée vers l'État membre d'accueil et ces faits sont constitutifs d'un abus de droit de la part de l'opérateur L'approche réglementaire, qu'elle soit nationale et communautaire, permet de légitimer les exigences de l'URSAAF qui indique soumettre les moniteurs étrangers au régime fiscal français dès lors que la résidence principale de ces derniers est en France et qu'ils réalisent au moins 25 % de leurs activités comme moniteur de ski en France, ce qui doit nécessairement être le cas pour remplir les conditions d'une demande de libre établissement. Enfin, le ministère des Sports des Jeux Olympiques et Paralympiques entend veiller à ce que l'encadrement des skieurs non confirmés est bien assuré par des personnes ayant reçu une formation adéquate de haut niveau et ayant une bonne connaissance du domaine skiable où ce sport est pratiqué. Ces exigences de sécurité ont été bien comprises par la Commission européenne lors des contacts que les autorités françaises ont eus avec celle-ci en ce qui concerne l'adaptation de notre législation aux dispositions communautaires sur la reconnaissance des diplômes professionnels. La procédure que la France a engagée vise à concilier le respect du droit des ressortissants communautaires en matière de libre circulation des travailleurs et la garantie que doit avoir impérativement l'État quant aux compétences des professionnels qui encadrent les pratiquants.

Données clés

Auteur : M. Antoine Armand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Services

Ministère interrogé : Petites et moyennes entreprises, commerce, artisanat et tourisme

Ministère répondant : Sports, jeux Olympiques et Paralympiques

Dates :
Question publiée le 24 janvier 2023
Réponse publiée le 4 avril 2023

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