POLITIQUE PÉNALE
Question de :
Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho
Essonne (2e circonscription) - Rassemblement National
Question posée en séance, et publiée le 25 janvier 2023
POLITIQUE PÉNALE
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho.
Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho. Monsieur le garde des sceaux, vendredi dernier, le meurtrier de la jeune Axelle Dorier a été condamné à douze ans de prison ; si, en vertu de la séparation des pouvoirs, il ne nous appartient, ni à vous ni à nous, de commenter ce verdict, il n'en reste pas moins que bon nombre de nos compatriotes sont choqués, notamment après avoir entendu l'avocat du coupable expliquer qu'il pourra, dès l'année prochaine, « bénéficier d'un bracelet probatoire ».
Voilà une triste illustration de votre politique pénale. Rappels à la loi, stages de citoyenneté, composition pénale, travaux d'intérêt général – effectués ou non –, peines de prison avec sursis, peines de prison ferme immédiatement transformées en aménagements de peine ou jamais mises à exécution, voilà ce que risquent ceux qui volent, rackettent, insultent, menacent, agressent, blessent, trafiquent. En outre, depuis le 1er janvier 2023, tout condamné à moins de deux ans de détention sort trois mois avant la fin de sa peine. Bien sûr, il y a des exceptions à la règle, mais vous acceptez de laisser sortir des coupables de trafic de stupéfiants, de vol, de violences, avec ou sans armes.
Si l'actualité politico-judiciaire n'évoquait pas si régulièrement des récidivistes, on pourrait se dire que c'est seulement la notion même de justice qui est mise à mal ; mais, dans les faits, ce sont nos compatriotes qui font les frais de cette politique.
Je vous le dis clairement, monsieur le garde des sceaux, et je relaie ici les paroles de bon nombre de magistrats : il y aura un jour un raté. Depuis des décennies, la politique des peines repose sur un dogme : éviter de sanctionner et, lorsque des peines sont prononcées, éviter la prison. Ces libérations anticipées inquiètent, à juste titre, les Français. Ma question est donc simple : quand allez-vous changer de politique pénale ? Quand mettrez-vous en place une politique pénale qui protège les Français et leur rend enfin confiance dans la justice ?
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. D'un extrême à l'autre, ce sont toujours les mêmes vieilles recettes, les mêmes casseroles et les mêmes produits. Forcément, cela donne de mauvais plats. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Benjamin Lucas. Lamentable !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pourquoi changer de politique pénale pour celle que vous proposez ? Vous commencez par critiquer une décision de justice rendue par le peuple souverain – bel hommage de votre part !
La Constitution n'est pas une vétille, une anecdote, une broutille, un texte superfétatoire… Sachez, madame la députée, qu'elle garantit la totale indépendance de la justice de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Sébastien Chenu. Ce n'est pas du tout ce dont a parlé Mme Da Conceicao Carvalho !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Le jour où nous toucherons, comme vous le souhaitez, à cette indépendance sera celui de notre basculement dans le totalitarisme. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Vous avez parlé de libération sous contrainte, ne retenant que le mot « libération » alors que vous devriez aussi entendre le mot « contrainte ». Ce dispositif, qui vise à empêcher les sorties sèches de prison, est réservé aux détenus en fin de peine. Désormais, ceux qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement inférieure à deux ans peuvent en bénéficier lorsqu'il leur reste trois mois à purger.
M. Sébastien Chenu. Qu'il est mauvais !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Dans ce cas, la libération sous contrainte peut être envisagée, sous le contrôle d'un juge de l'ordre judiciaire, sous réserve que la personne dispose d'un hébergement.
M. Sébastien Chenu. Vous n'osez même pas regarder la députée qui vous a interrogé ! Grossier personnage.
M. Jean-Philippe Tanguy. Aucune éducation.
Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Chenu ! Laissez le garde des sceaux répondre !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. D'après les premiers chiffres, 41 % des détenus concernés ont pu bénéficier de la libération sous contrainte, ce qui signifie que près de 60 % n'en ont pas bénéficié.
Ce dispositif consacre nos efforts en faveur de la réinsertion et notre lutte contre la récidive.
M. Sébastien Chenu. Trouillard !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous ne comprenez décidément rien à la procédure pénale si ce n'est la trique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Jean-Philippe Tanguy. Il n'a jamais été aussi mauvais.
Auteur : Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2023