Question orale n° 4 :
Inégalités d'application de la loi SRU

16e Législature

Question de : Mme Sabrina Sebaihi
Hauts-de-Seine (4e circonscription) - Écologiste - NUPES

Mme Sabrina Sebaihi attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur les inégalités d'application de la loi SRU. Le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) devait permettre aux bailleurs de réaliser des actions relatives au cadre de vie et à la tranquillité publique. Pour autant, ce dégrèvement représente une perte pour les collectivités territoriales, qui sont les vraies garantes de la qualité de vie des habitants dans leurs quartiers. Si, à l'origine, 100 % de cette perte devait être compensée par l'État, depuis 2015, elle ne l'est qu'à hauteur de 40 %, ce qui ne permet plus aux communes de financer les efforts nécessaires, pour lutter contre les concentrations de pauvreté et les fractures de tous ordres (économique, sociale, etc.). En parallèle, sur les 2 091 communes situées en territoire SRU, 1 100 communes ne respectent pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux. Dans les Hauts-de-Seine, c'est par exemple le cas de la ville de Neuilly, qui s'affranchit de l'effort d'intégration des populations les plus défavorisées, tandis que d'autres communes, comme Nanterre dans la circonscription de Mme la députée, sont lourdement mises à contribution et font face à des tensions de financement. Cette inégalité est d'autant plus criante à Nanterre, qui souffre, en plus de la suppression de la taxe d'habitation, d'un fonds de solidarité entre communes qui porte davantage les Nanterriens à contribution (242 euros par habitant) que les Neuilléens (170 euros par habitant), dont le revenu moyen est pourtant largement plus élevé. Aussi, elle souhaite savoir quelles mesures contraignantes le Gouvernement entend mettre en place afin que l'esprit de la loi SRU pour davantage de mixité sociale soit respecté et quand une compensation effective de la TFPB sera mise en place.

Réponse en séance, et publiée le 23 novembre 2022

INÉGALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI SRU
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour exposer sa question, n°  4, relative aux inégalités d'application de la loi SRU.

Mme Sabrina Sebaihi. Le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) devrait permettre aux bailleurs de réaliser des actions relatives au cadre de vie et à la tranquillité publique. Pourtant, il constitue une perte pour les collectivités territoriales, qui sont les vraies garantes de la qualité de vie des habitants dans leurs quartiers. À l'origine, cette perte devait être intégralement compensée par l'État mais, depuis 2015, elle ne l'est qu'à hauteur de 40 %, ce qui ne permet plus aux communes de financer les efforts nécessaires pour lutter contre les concentrations de pauvreté et les fractures de tous ordres – économique, social et ainsi de suite.

Dans le même temps, 1 100 des 2 091 communes visées par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) ne respectent toujours pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux. De ce fait, l'effort ne repose que sur quelques communes, qui subissent en quelque sorte une double peine puisque le dégrèvement de TFPB n'est pas compensé.

C'est le cas, par exemple, de la ville de Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, qui, n'ayant que 6 % de logements sociaux, s'affranchit de l'effort d'intégration des populations les plus défavorisées, tandis que d'autres communes comme Nanterre, dans ma circonscription, sont lourdement mises à contribution et font face à des tensions de financement. Cette inégalité est d'autant plus criante à Nanterre – commune qui risque de souffrir de la non-compensation de la suppression de la taxe d'habitation – que le fonds de solidarité entre communes met à contribution les Nanterriens – 242 euros par habitant – davantage que les Neuilléens – 170 euros par habitant –, dont le revenu moyen est pourtant très supérieur.

Quelles mesures contraignantes le Gouvernement entend-il mettre en place pour respecter l'esprit de la loi SRU et pour favoriser la mixité sociale ? Quand une compensation effective de l'abattement de TFPB sera-t-elle mise en place ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Vous m'interrogez sur la mise en œuvre de la loi SRU – à laquelle je suis très attaché, vous le savez – et sur les mécanismes de compensation du dégrèvement de la TFPB dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En contrepartie d’actions visant à améliorer le cadre de vie des habitants, les bailleurs sociaux bénéficient en effet d’un abattement de 30 % de taxe foncière dans les QPV. Ce dispositif, prorogé jusqu’en 2023 dans le cadre de conventions entre la commune, l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et l’État, traduit la mobilisation des acteurs, y compris l’État qui compense à hauteur de 40 % le dégrèvement, pour un montant de plus de 170 millions d’euros par an.

Le Gouvernement est pleinement conscient du fait que les collectivités franciliennes interviennent dans un contexte marqué par d’importants déséquilibres territoriaux, ce qui implique d’adopter des dispositifs de péréquation et de rééquilibrage toujours plus adaptés. À cet égard, je puis vous assurer que la loi SRU demeure un pilier essentiel de la politique du logement en France. Les communes déficitaires en logements sociaux sont à l'origine de près de la moitié de la production, ce qui témoigne de l’effort de rééquilibrage engagé. En s’appuyant pleinement sur les mesures introduites par la loi « 3DS » – relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique –, le Gouvernement veillera dès 2023 à ce que chaque commune concernée par le dispositif SRU s’inscrive bien dans une dynamique de rattrapage ambitieuse et adaptée aux situations locales.

Enfin, le Gouvernement s’est fortement engagé aux côtés des communes qui soutiennent activement le développement de l’offre locative sociale sur leur territoire, en prévoyant, à l’article 177 de la loi de finances pour 2022, la compensation intégrale par l'État de l’exonération de TFPB pendant dix ans pour les logements sociaux qui seront produits d’ici au 30 juin 2026.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

Mme Sabrina Sebaihi. Je prends acte des efforts déployés, mais la réalité, ce sont des disparités très fortes. En Île-de-France, plus de 600 000 personnes attendent un logement alors que certaines communes sont très loin d'atteindre les objectifs de la loi SRU – Neuilly-sur-Seine, encore une fois, n'a que 6 % de logements sociaux ; a contrario, Nanterre en a plus de 50 %. Or la difficulté tient au fait que le dégrèvement de taxe foncière n'étant pas compensé à 100 %, certains maires envisagent de sortir des zones de QPV. Ils subissent en effet une double peine puisqu'ils perdent des recettes liées au dégrèvement de TFPB non compensé.

Pour améliorer le quotidien des habitants des QPV, où la politique de la ville s'ajoute au droit commun, la compensation du dégrèvement de TFPB doit être de 100 % afin que les collectivités garantissent un service public de qualité et que prenne corps l'égalité républicaine qui nous est chère.

Données clés

Auteur : Mme Sabrina Sebaihi

Type de question : Question orale

Rubrique : Impôts locaux

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2022

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