16ème législature

Question N° 5000
de Mme Hélène Laporte (Rassemblement National - Lot-et-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > agriculture

Titre > Interdiction absolue des néonicotinoïdes - attitude de la France

Question publiée au JO le : 31/01/2023 page : 785
Réponse publiée au JO le : 02/05/2023 page : 3991

Texte de la question

Mme Hélène Laporte interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'attitude de la France face à l'interdiction absolue des néonicotinoïdes décidée par la CJUE. Dans un arrêt du 20 janvier 2023, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé de mettre fin à toute dérogation par les États membres à l'interdiction du thiamétoxame et de la clothianidine. Ces deux insecticides appartenant à la famille des néonicotinoïdes, dont l'utilisation est proscrite par une décision de la Commission européenne du 24 mai 2013 transposée en France par une loi du 8 août 2016, en raison de leur dangerosité pour les insectes pollinisateurs, ont fait l'objet, grâce à une loi du 14 décembre 2020, d'une autorisation particulière s'appliquant uniquement aux cultures de betterave sucrière, ce légume étant menacé par le virus de la jaunisse transmis par les pucerons. Cette dérogation temporaire a été effectuée sur la base du constat de l'absence à ce jour de solutions alternatives pour protéger ces cultures et intégrait l'impact environnemental du prolongement de l'utilisation de ces insecticides, le législateur estimant qu'il n'y avait pas de disproportion entre cet impact et l'objectif poursuivi. Dorénavant, la culture betteravière se retrouve dans l'interdiction d'utiliser des semences traitées avec ces produits et sans substitut satisfaisant. Les professionnels de la filière alertent sur le risque toujours très présent de jaunisse, qui pourrait porter un coup fatal à la culture, vieille de plus de deux siècles en France, de betterave sucrière et par voie de conséquence à l'industrie du sucre. Alors que la France est le premier producteur européen de sucre de betterave, il apparaît impensable de sacrifier ainsi un secteur irremplaçable pour l'économie de nombre de territoires ruraux. Elle lui demande donc de ne pas se soumettre à cette décision irresponsable et souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Texte de la réponse

Le Gouvernement a pris acte de la décision rendue le jeudi 19 janvier 2023 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) excluant l'utilisation des néonicotinoïdes (NNI) pour les semences et le droit de déroger à l'interdiction européenne dans le cadre de l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009. Par conséquent, aucune nouvelle dérogation autorisant l'utilisation des NNI pour les semences de la campagne 2023 n'a été accordée. Dès 2020, le Gouvernement avait mis en place un plan national de recherche et d'innovation (PNRI) sans précédent de plus de 20 millions d'euros face à la menace de la jaunisse. Ce plan a permis de coordonner un important effort de recherche autour de la filière afin d'apporter des solutions alternatives techniquement et économiquement viables pour sortir des NNI en 2024. La décision de la CJUE est venue percuter ce programme de travail établi pour 3 ans et provoque des inquiétudes légitimes chez les planteurs, sucriers et semenciers sur la campagne des semis de mars 2023. Elle oblige la France à s'adapter pour la troisième et dernière année, l'État sera en soutien de la filière pour y parvenir. Dès le 23 janvier 2023, conscients des impacts qu'emporte l'arrêt de la CJUE pour la campagne betteravière, le ministre a reçu les professionnels de la filière afin d'échanger avec eux sur la situation. Le 9 février 2023, il a annoncé avec la filière le déploiement d'un plan d'actions afin de garantir une production suffisante de betteraves en 2023 et l'approvisionnement de l'ensemble de la filière sucre française. Dans ce cadre, afin que les producteurs ne pâtissent pas d'une distorsion de la concurrence, une action est menée à l'échelle européenne, afin de s'assurer que la décision de la CJUE soit uniformément appliquée par l'ensemble des pays de l'Union européenne. De plus, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a demandé, lors du Conseil européen « agriculture et pêche » du 30 janvier 2023, le déclenchement d'une clause de sauvegarde permettant d'interdire l'importation de produits traités avec des néonicotinoïdes. En outre, ce plan d'actions vise à déployer rapidement des mesures de protection des cultures. À cette fin, de nouveaux itinéraires techniques ont été élaborés en liaison avec les professionnels et selon les recommandations du PNRI. Ils seront mis à disposition des producteurs via l'institut technique de la betterave et pourront être utilisés en cas de jaunisse dès le printemps 2023. En parallèle, toutes les solutions immédiatement disponibles, issues du PNRI, concernant notamment l'utilisation des plantes compagnes sont mises en œuvre par la profession. À des fins préventives, des mesures ambitieuses de gestion des réservoirs viraux sont à l'étude et un plan d'actions et de surveillance sur la gestion de ces réservoirs sera présenté prochainement. Les modèles de prévision des vols de pucerons issus des travaux du PNRI seront déployés prochainement. Enfin, une aide sera accessible aux planteurs en cas de pertes liées à un épisode de la jaunisse au cours de l'année 2023. Le Gouvernement a demandé l'activation d'une mesure de crise européenne et engagé le travail de construction du dispositif, en lien avec la Commission européenne.