ACCÈS AUX TRAINS DE NUIT EUROPÉENS
M. le président. La parole est à M. Frédéric Petit, pour exposer sa question, n° 503, relative aux trains de nuit européens.
M. Frédéric Petit. Nous allons effectivement continuer à parler de trains, plus précisément du développement des lignes européennes de trains de nuit et de la création d'une billetterie commune.
Les trains de nuit complètent avantageusement les trains de jour et les trains à grande vitesse et sont tout à fait adaptés aux déplacements internationaux à travers l'Europe. Les habitudes des citoyens, qu'il s'agisse des jeunes, des travailleurs, ou encore des députés, montrent que nous pouvons nous en sortir grâce au train et de moins en moins voyager par avion. Je ne prends en effet que très rarement l'avion quand je me déplace dans ma circonscription.
Il demeure cependant deux freins majeurs au développement des lignes européennes.
Premièrement, les services ferroviaires souffrent de pénuries. En effet, l'industrie des wagons ne dispose pas d'une visibilité suffisante pour en produire suffisamment et les adapter aux nouvelles demandes. Que prévoit donc le Gouvernement, en lien avec ses partenaires européens, pour donner une telle visibilité à l'industrie ferroviaire roulante, afin de non seulement construire les rails nécessaires, mais développer de nouveaux services ? Il faut des trains qui arrivent à l'heure, où on peut embarquer son vélo, où on peut travailler, où on peut manger, où on peut dormir.
Deuxièmement, il faut réussir à vendre les billets aux gens qui souhaitent en acheter. C'est un enjeu qu'on aborde rarement. Actuellement, les quatre grandes entreprises ferroviaires auxquelles j'ai affaire, c'est-à-dire Polskie Koleje Panstwowe (PKP) en Pologne, la Deutsche Bahn en Allemagne, l'Österreichische Bundesbahnen (OBB) en Autriche et la SNCF en France, refusent de travailler ensemble sur la billetterie – que l'on appelle aussi
ticketing.
Il faut ainsi parfois repayer un billet parce qu'on franchit une frontière, quand il n'est pas simplement impossible d'en acheter un au motif qu'on n'est pas domicilié dans le bon pays. Les compagnies ferroviaires ne donnent accès qu'à un nombre restreint de billets à leurs homologues européens, aux entreprises de vente de billets et aux agences de voyages. J'insiste, un même billet ne sera pas disponible dans tous les pays et il ne sera donc pas toujours possible de l'acheter. Preuve en est : j'ai encore eu du mal à me déplacer à Berlin la semaine dernière.
Il s'agit pour ainsi dire d'un cas de concurrence déloyale et je prétends que ce troisième secteur de la billetterie est celui qui bloquera le développement des lignes européennes. Le Gouvernement prévoit-il donc d'avancer dans ce domaine, afin d'instaurer les règles et directives européennes qui obligeraient enfin les compagnies à utiliser un même cadre ? Une fois les rails installés et les wagons construits, il permettrait aux usagers d'acheter leur billet, où qu'ils se trouvent sur le trajet.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui vous prie de l'excuser de son absence, m'a chargée de vous répondre. Le Gouvernement partage la conviction selon laquelle le train de nuit constitue une offre de transport nécessaire pour répondre à de forts enjeux d'aménagement du territoire, ainsi qu'une solution écologique et sociale pour parcourir de longues distances, notamment à l'international. Ainsi, la ligne de nuit Paris-Berlin, relancée en décembre 2023, et exploitée en commun avec la ligne de nuit Paris-Vienne, relancée en décembre 2021, est conventionnée pour sa partie française. D'autres projets, conduits par de nouveaux opérateurs, pourraient également émerger.
Le Gouvernement est attentif et favorable à de telles initiatives, mais ne peut intervenir dans les choix stratégiques et économiques des opérateurs. Il soutient les propositions qui permettent de lever les freins au développement de services, à l'instar de la proposition de règlement européen sur l'utilisation des capacités de l'infrastructure ferroviaire dans l'espace ferroviaire unique européen, dont les négociations sont en cours. Cette proposition de règlement a notamment pour but de mieux répartir les capacités entre le fret, dont les trains roulent majoritairement la nuit, et le transport de voyageurs.
La question de la billetterie ferroviaire européenne est également un point auquel le Gouvernement est attentif. Comme vous l'avez très justement souligné, le développement du transport ferroviaire de voyageurs nécessite d'améliorer la comparaison, la réservation et le paiement des trajets, en particulier lorsqu'ils sont assurés par plusieurs compagnies.
Des solutions, à l'initiative du secteur ferroviaire et des vendeurs de billets, sont déjà disponibles au niveau européen, à l'instar de l'
Open Sales and Distribution Model (OSDM), qui est une plateforme d'échange de données pour la vente de billets, les réservations et l'évaluation de l'échelle des prix. À cet égard, le Gouvernement espère la publication, par la Commission européenne, d'une initiative législative relative aux services numériques de mobilité multimodale, qui pourrait notamment traiter cette question.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit. Il faut garder à l'esprit deux choses. D'abord, c'est la demande de la société qui entraînera le développement des services. Aujourd'hui, le stock de wagons dont nous disposons est insuffisant ; nous devons œuvrer au développement d'une base industrielle européenne adaptée. Ce n'est qu'à cette échelle qu'un industriel pourrait lancer une ligne de nouveaux wagons, car les investissements requis ne s'amortissent que sur dix ou vingt ans.
Ensuite, les compagnies, vous l'avez précisé, ne travaillent que sur les parties des trajets qui les concernent. Cela signifie qu'il faut se réveiller à minuit parce qu'on franchit une frontière et qu'il faut présenter un autre billet. Comme vous, je soutiens la proposition de règlement européen, mais si, en matière en billetterie, nous n'avançons pas aussi vite que dans les autres domaines, nous nous retrouverons avec des trains que nous ne pourrons pas utiliser.