Question orale n° 510 :
L'UFC-Que Choisir attaque l'État en justice pour inaction sur l'accès aux soins

16e Législature

Question de : Mme Martine Etienne
Meurthe-et-Moselle (3e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Martine Etienne alerte Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la politique de santé et de soins catastrophique menée dans le Grand Est et dans l'ensemble du territoire national. L'UFC-Que Choisir vient d'attaquer l'État en justice pour inaction, dans le but de défendre le droit constitutionnel à la santé. Selon l'UFC-Que Choisir, en France, 2,6 % des patients, soit 1,7 million de personnes, résident dans une diagonale du vide pour l'accès aux soins chez un généraliste. Si l'on ajoute à cela les 21 % de patients dont les communes sont classées en catégorie « accès difficile », c'est au total 23,7 % de la population qui rencontre de fortes difficultés d'accès à un généraliste soit 15,5 millions de personnes. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), les déserts médicaux se situent dans des zones rurales et dans les banlieues lointaines des petites villes et des grandes agglomérations. Ainsi, l'UFC-Que Choisir dénonce un délabrement global de l'accès aux soins dans des régions comme le Grand Est. Ce taux monte ainsi à 24,8 % si l'on rajoute les 7 millions de femmes qui ont des difficultés à accéder à un gynécologue et à 28 % pour les pédiatres 2,2 millions d'enfants. Toujours suivant le rapport de l'UFC, le taux de refus pour une consultation chez un ophtalmologue atteint, dans le Grand Est, les 25 % et les 45 % pour les médecins généralistes. En Meuse, Moselle et Marne, seul un généraliste enquêté sur deux accepte de nouveaux patients. La situation est grave et l'inaction du Gouvernement ne fait que l'amplifier. Il est urgent de mettre tout en œuvre pour combattre les déserts médicaux, créer des centres de santé pluridisciplinaires publics en embauchant des médecins salariés. Il faut augmenter les moyens des facultés de médecine et permettre enfin la suppression du numerus clausus, structurer un système de santé égalitaire et accessible à tous, qui suppose une égalité de l'offre de soins sur le territoire et qui passe par un grand service public de santé et une prise en charge intégrale par l'assurance maladie des dépenses de santé prescrites. Enfin il est nécessaire d'injecter des moyens financiers suffisants dans le système de santé. Les réformes successives et l'assèchement de la sécurité sociale ont vidé les territoires de leur offre de santé. Ainsi, elle lui demande quelles mesures d'urgence, sur le moyen et sur le long terme, elle va mettre en place pour que le droit constitutionnel à la santé soit respecté quel que soit le territoire de résidence.

Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2024

ACCÈS AUX SOINS
M. le président. La parole est à M. Léo Walter, pour exposer la question n°  510 de Mme Martine Etienne, relative à l'accès aux soins.

M. Léo Walter. Je remplace en effet ma collègue Martine Etienne, députée de Meurthe-et-Moselle, qui est souffrante. Je vous présente ses excuses et vous donne lecture de sa question.

M. le président. Nous lui souhaitons un bon rétablissement.

M. Léo Walter. Vous le savez sans doute, madame la ministre : le 21 novembre, dans le but de défendre le droit constitutionnel à la santé, l'UFC-Que choisir a saisi le Conseil d'État en raison de l'inaction gouvernementale devant l'inégalité d'accès aux soins. En Meurthe-et-Moselle, comme dans toute la France, les urgences ferment régulièrement : celles de l'hôpital de Briey, dans le nord du département, ont fermé plusieurs fois en 2023 en raison du manque de moyens et de soignants – ces derniers sont captés par l'attractivité du Luxembourg.

En Moselle, juste à côté, la situation est tellement critique que des plans Blancs sont régulièrement déclenchés, comme en septembre dernier : il n'y avait clairement pas assez de personnel et les urgences rencontraient de grandes difficultés.

Les agences régionales de santé (ARS) répondent que la solution pour pallier ces fermetures consiste à appeler le Samu ou à consulter un médecin généraliste. Mais les services du Samu sont débordés et il devient de plus en plus difficile d'accéder à un médecin généraliste ou spécialiste. À l'échelle nationale, 83 % des Français résident dans un désert médical ; pour ce qui concerne les gynécologues sans dépassement d'honoraires, ce sont près de sept patients sur dix ; s'agissant des pédiatres au tarif conventionné, c'est un enfant sur deux. Les patients doivent choisir entre se priver de soins ou subir des dépassements d'honoraires.

En Meurthe-et-Moselle, 51 % des médecins généralistes ne peuvent plus prendre en charge de nouveaux patients, alors qu'ils n'étaient que 34 % il y a quatre ans. Les inégalités territoriales sont énormes : dans le nord du Toulois, le Lunévillois ou le Pays-Haut, consulter un médecin généraliste devient extrêmement compliqué, voire impossible en cas d'urgence.

Les territoires frontaliers du département subissent quant à eux de plein fouet l'attractivité du Luxembourg, où de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires sont proposés et qui absorbe de ce fait leur force de travail, leurs compétences et leurs moyens. Madame la ministre, il est urgent d'encadrer l'implantation de nouveaux médecins dans les zones tendues, les déserts médicaux et les zones frontalières.

Pour permettre à chacun d'avoir accès aux soins et à chaque professionnel de santé de subsister sans avoir à pratiquer de dépassements d'honoraires, il faut revaloriser les salaires et les carrières de l'ensemble des soignants. Il est temps de réformer en profondeur le financement du système de santé, en titularisant les contractuels, en affectant plus de moyens aux services des urgences et aux hôpitaux, en créant des centres de santé pluridisciplinaires publics et en sauvant notre système de santé publique dans tous les territoires de la République.

Madame la ministre, ça urge et les moyens manquent. Dites-nous : quand le peuple pourra-t-il enfin se soigner dignement en France et dans nos territoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Permettez-moi de souhaiter à mon tour un prompt rétablissement à la députée Etienne. Je représente la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui m'a chargée de répondre en son nom.

M. le président. Et qui, elle, se porte bien !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Oui, du moins je l'espère ! (Sourires)

La problématique de l'accès aux soins, qui ne concerne pas seulement les territoires ruraux, est, comme vous le soulignez à juste titre, l'une des priorités de ce gouvernement et des députés. Les bénéfices de la suppression du numerus clausus, que nous avons décidée en 2018, ne seront perceptibles que dans une dizaine d'années. Il nous faut donc mobiliser, dès maintenant, tous les leviers existants pour libérer du temps médical et améliorer l'attractivité des territoires.

C'est pourquoi nous avons mis à la disposition des acteurs concernés une large palette de solutions pouvant être adaptées au contexte local. Parmi les leviers que nous actionnons figure la formation des professionnels, avec par exemple le soutien à la réalisation des stages ambulatoires pour faire découvrir la pratique et donner envie d'exercer dans tous les territoires.

L'amélioration des conditions d'exercice, grâce au développement des maisons de santé, des centres de santé pluriprofessionnels et des communautés professionnelles territoriales de santé, constitue un autre levier essentiel, tout comme le développement du recours à la télésanté.

Le déploiement de certaines solutions a été accéléré. Je pense par exemple aux assistants médicaux : grâce au temps médical ainsi libéré, la patientèle des médecins traitants concernés a augmenté en moyenne de 10 %. Alors que 5 355 assistants médicaux, dont 3 136 exercent en zone sous-dense, ont déjà signé leur contrat, notre ambition est que 10 000 contrats aient été signés à la fin de l'année.

L'exercice coordonné, susceptible d'attirer des professionnels de santé dans les zones qui en sont le moins dotées, a également fait l'objet de mesures incitatives. Les communautés professionnelles territoriales de santé devront favoriser en priorité l'accès à un médecin traitant.

Il n'existe pas de solution unique au problème que vous exposez : celle-ci doit être coconstruite dans chaque territoire. C'est en effet tous ensemble que nous construirons des solutions adaptées et locales. Je profite d'ailleurs de ma réponse pour vous remercier de votre implication dans cette démarche.

M. le président. La parole est à M. Léo Walter.

M. Léo Walter. Merci pour cette réponse, que je transmettrai à ma collègue Martine Etienne. J'en profite pour appeler votre attention sur la situation du service des urgences du centre hospitalier de Manosque, dans ma circonscription : nous venons en effet d'apprendre qu'il resterait fermé la nuit jusqu'au 5 février. Ce service a déjà connu plus de 200 nuits de fermeture en 2023 et plus de 700 depuis 2021, sachant que le territoire qu'il couvre compte 60 000 habitants – une population qui double l'été.

Lorsque celui de Manosque est fermé, les patients doivent se rendre à plus de 50 kilomètres pour accéder à un service d'urgences et leur perte de chances est réelle. Il est donc urgent d'agir.

Données clés

Auteur : Mme Martine Etienne

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 janvier 2024

partager