Question orale n° 513 :
Situation des AESH et gestion des accidents de vie dans l'Éducation nationale

16e Législature

Question de : M. Léo Walter
Alpes-de-Haute-Provence (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Léo Walter alerte Mme la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques sur le statut précaire des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Il signale à Mme la ministre un article du Figaro, paru le 22 décembre 2023, qui témoigne de la situation bouleversante de l'une d'entre elles. Diagnostiquée d'un cancer en avril 2023, Clothilde Meyer, AESH dans l'académie de Paris, dépose un premier arrêt maladie en mai. Contractuelle de la fonction publique depuis plus de trois ans, elle avait droit à un congé de maladie grave et à l'intégralité de son salaire sur un an. Cependant, le versement de son salaire est suspendu dès le mois d'août 2022. Elle interpelle le rectorat de Paris à diverses reprises à partir de mars 2023, mais ne reçoit de l'administration que des réponses confuses et contradictoires, voire pas de réponse du tout. Quelques versements sont effectués sur son compte au cours de l'année 2023, mais leurs montants, fort éloignés de ce qui lui est dû, sont de plus irréguliers et incohérents. À partir de son placement en soins palliatifs, c'est la famille de Clothilde Meyer qui prend le relais des démarches administratives puis décide, face à l'inaction du rectorat, de médiatiser sa situation. En janvier 2024, Clothilde Meyer est décédée des suites de sa maladie, sans avoir pu obtenir ses droits. À la lumière de ce dramatique exemple, M. le député souhaite alerter à nouveau Mme la ministre sur la précarité des AESH ; mais également sur la « maltraitance institutionnelle » que constitue le traitement purement administratif trop souvent dénué de toute empathie des situations personnelles parfois douloureuses des agents de l'éducation nationale. M. le député souligne que le salaire moyen des AESH (moins de 900 euros) est inférieur au seuil de pauvreté, que celles-ci (essentiellement des femmes) doivent faire face à l'augmentation du coût de la vie et (en particulier dans les départements ruraux) du coût des déplacements et que la généralisation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) à la rentrée 2021 a encore dégradé leurs conditions de travail. Il rappelle que son groupe parlementaire a porté une proposition de loi mais également de nombreux amendements au projet de loi de finances pour 2024 pour améliorer le statut professionnel, le salaire et les conditions de travail des AESH, sans que ces propositions, pourtant essentielles, ne soient prises en compte par le Gouvernement. Il rappelle également avoir alerté à plusieurs reprises les prédécesseurs de Mme la ministre sur le mépris institutionnel ressenti par de très nombreux agents, fonctionnaires ou contractuels, de l'éducation nationale. C'est pourquoi il interroge Mme la ministre sur ce qui a été fait par le ministère pour répondre à la détresse de la famille de Clothilde Meyer. Et, au-delà de ce cas particulier, sur ce qu'elle compte mettre en place pour améliorer la situation professionnelle des AESH ; mais aussi pour remédier aux lourdeurs administratives et à la gestion trop souvent déshumanisée qui affectent l'ensemble des salariés de son ministère.

Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2024

ACCOMPAGNANTS D'ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
M. le président. La parole est à M. Léo Walter, pour exposer sa question, n°  513, relative aux accompagnants d'élèves en situation de handicap.

M. Léo Walter. Un article du Figaro paru le 22 décembre 2023 témoigne de la situation bouleversante d'une accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH). Diagnostiquée d'un cancer en avril 2022, Clothilde, AESH dans l'académie de Paris, dépose un premier arrêt maladie en mai. Contractuelle de la fonction publique depuis plus de trois ans, elle avait droit à un congé de grave maladie et au versement de l'intégralité de son salaire pendant un an. Cependant, le versement de celui-ci est suspendu dès le mois d'août 2022. Elle interpelle le rectorat de Paris à de nombreuses reprises, mais ne reçoit de l'administration que des réponses confuses et contradictoires, voire pas de réponse du tout. Quelques versements sont effectués sur son compte, mais leurs montants sont fort éloignés de ce qui lui est dû, irréguliers et incohérents. Après son placement en soins palliatifs, sa famille prend le relais des démarches administratives puis, face à l'inaction du rectorat, décide de médiatiser sa situation. Il y a tout juste un mois, Clothilde est décédée des suites de sa maladie, sans être rentrée dans ses droits.

Cet exemple dramatique est symptomatique de la précarité dans laquelle votre ministère maintient les AESH ; il nous alerte également sur la maltraitance institutionnelle que constitue le traitement purement administratif, trop souvent dénué de toute empathie, des situations personnelles parfois douloureuses des agents de l'éducation nationale.

Je ne pense pas devoir vous rappeler que le salaire moyen des AESH, à moins de 900 euros, est inférieur au seuil de pauvreté ; que ces accompagnantes – ce sont essentiellement des femmes – doivent faire face à l'augmentation du coût de la vie, en particulier du coût des déplacements dans les départements ruraux ; et que la généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) à la rentrée de 2021 a encore dégradé leurs conditions de travail.

Vous le savez : le groupe La France insoumise-NUPES a déposé une proposition de loi, ainsi que de nombreux amendements au projet de loi de finances pour 2024, visant à améliorer le statut professionnel, le salaire et les conditions de travail des AESH ; malheureusement, ces propositions pourtant essentielles n'ont pas été prises en considération par le Gouvernement. J'ai moi-même alerté à plusieurs reprises vos prédécesseurs sur le mépris institutionnel ressenti par de très nombreux agents fonctionnaires ou contractuels de l'éducation nationale.

Mes questions sont donc les suivantes. Qu'a fait votre ministère pour répondre à la détresse de la famille de Clothilde ? Au-delà de ce cas particulier, que comptez-vous accomplir pour améliorer réellement la situation professionnelle des AESH ? Enfin, comment comptez-vous remédier aux lourdeurs administratives et à la gestion trop souvent déshumanisée qui affectent l'ensemble des salariés de votre ministère ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Les AESH jouent un rôle essentiel dans la scolarisation des élèves en situation de handicap dans les écoles et les établissements, partout sur le territoire. À la rentrée de 2024, 3 000 postes d'AESH supplémentaires seront créés, s'ajoutant aux 4 000 postes qui l'ont été lors des rentrées scolaires de 2022 et 2023. Cela témoigne d'une mobilisation soutenue et durable des moyens de l'État pour faire de l'inclusion une réalité.

Face à la diversité des situations, dont chacune nécessite une réponse adaptée, d'autres leviers qualitatifs doivent être mobilisés, touchant tant à l'organisation qu'aux ressources humaines. La création des pôles inclusifs d'accompagnement localisés – vous les avez évoqués – en 2019, et leur généralisation progressive achevée en 2022, offrent une plus grande souplesse d'organisation, au plus près des besoins quotidiens de chaque élève.

De nombreuses mesures ont été prises récemment pour revaloriser les AESH. Depuis la rentrée de 2023, une enveloppe de 240 millions d'euros est ainsi mobilisée pour revaloriser la grille indiciaire et majorer de 10 % l'indemnité versée aux AESH référents qui apportent un appui méthodologique et un soutien spécifique aux AESH nouvellement nommés. Depuis la rentrée de 2023, les AESH peuvent en outre accéder à un CDI à l'issue d'un premier contrat de trois ans en cette qualité, contre six ans auparavant. Le ministère est déterminé à poursuivre dans la voie de la professionnalisation et de l'amélioration des conditions de rémunération des AESH, en permettant à celles et ceux qui le souhaitent de bénéficier d'un contrat à temps complet.

S'agissant de la situation particulière que vous avez évoquée, mes pensées vont bien évidemment à la famille de Clothilde. Le ministère est en lien avec l'académie de Paris pour apporter une réponse à ses attentes légitimes.

M. le président. La parole est à M. Léo Walter.

M. Léo Walter. Je vous remercie pour ces explications, madame la ministre, même si elles ne répondent pas véritablement à ma question. Vous vous décernez un satisfecit pour le travail accompli, comme le Gouvernement a l'habitude de le faire. Or je vous parle de situations de détresse et de difficultés qui touchent tous les agents de votre ministère. Nous avons appris il y a quelques jours que ce dernier avait rendu 285 618 151,23 euros à Bercy, ce qui correspond peu ou prou à 10 000 postes. Comment l'expliquez-vous ? Alors que vous rendez de l'argent à Bercy, pourquoi n'est-il pas possible de revaloriser réellement les AESH et les enseignants ?

Permettez-moi de rappeler les propos que vous avez tenus devant les députés lors d'une audition : « Le sujet, c’est la passion, c'est l’investissement. Si je rapporte ma rémunération actuelle au volume d'heures que, chaque semaine, je m'enfourne […], je ne suis pas bien payée. » Vous avez également dit avoir voulu « prioriser le bien-être de [votre] enfant », et avez reconnu que la réalité vous donnait tort. Oui, madame la ministre, la réalité vous donne tort ! « Ce n'est pas moi qui compte, c'est l'école », avez-vous affirmé. Je suis bien d'accord ! Puisque vous dites croire en l'école publique, s'il vous plaît, apportez-lui de vraies réponses, ou partez.

Données clés

Auteur : M. Léo Walter

Type de question : Question orale

Rubrique : Fonctionnaires et agents publics

Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse, sports, jeux Olympiques et Paralympiques

Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse, sports, jeux Olympiques et Paralympiques

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 janvier 2024

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