Travail dissimulé à La Poste
Question de :
Mme Martine Etienne
Meurthe-et-Moselle (3e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
Mme Martine Etienne interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les conditions de travail au sein du groupe La Poste et de sa filière Stuart. Ce 12 janvier 2023, le groupe La Poste a été condamné à 50 000 euros d'amende par le tribunal de Paris pour « prêt de main-d'œuvre illicite ». En effet, la plateforme de livraison française Stuart, rachetée par La Poste en 2017, emploierait illégalement des milliers de livreurs sans contrat et sans protection sociale. La filiale de livraison de proximité a été rachetée par le groupe Geopost, groupe appartenant à La Poste, en 2017. Or, depuis 2015, des enquêtes ciblent Stuart pour travail dissimulé et contournement du droit du travail. En effet, l'entreprise Stuart utilise le statut d'autoentrepreneur pour ne pas payer de cotisations sociales à ses livreurs à vélo. Certains n'ont pas de contrat et travaillent totalement illégalement pour le compte de l'entreprise, qui se sert de cette précarité imposée pour augmenter ses commissions et forcer les livreurs à travailler toujours plus, pour moins d'argent. La filiale de distribution a mis en place un système d'intermédiaires entre elle et ses livreurs, appelés « les artisans ». Elle verse de l'argent directement à ses intermédiaires qui s'en servent pour rémunérer les livreurs, sans respect du droit du travail et sans les déclarer à l'URSSAF. De nombreuses fois, La Poste a été mise au courant des agissements de sa filiale. Plusieurs anciens livreurs affirment avoir prévenu la direction par mail au moment de leur départ. Dans le même sens, en 2022, Mme la députée Danielle Simonet interpelait le PDG de La Poste sur le travail dissimulé au sein du groupe. Philippe Wahl affirmait alors que les allégations contre Stuart ne concernaient pas La Poste et qu'elle était étrangère à ces activités illégales. Or il est difficile de croire qu'après plusieurs interpellations et le rachat de la filiale en 2017, rachat qui impose de fortes vérifications notamment concernant le statut des salariés, La Poste n'en ait pas été informée. Un système de dissimulation interne de la fraude a été mis en place au sein du groupe, tant et si bien qu'elle a finalement été condamnée à verser 50 000 euros d'amende pour prêt de main d'œuvre illicite. Plusieurs procédures judiciaires contre La Poste concernant le système des artisans sont en cours. Des enquêtes approfondies doivent être menées et tout doit être mis en œuvre pour empêcher ce type de filiale de contourner ainsi le droit du travail. Alors que la commission d'enquête relative aux révélations d'Uber Files s'attachera notamment à déterminer le rôle joué par M. le Président de la République en œuvrant pour assouplir le droit du travail, elle lui demande comment le Gouvernement compte lutter contre ces pratiques illégales et quand il s'assurera réellement que chaque travailleur ait droit à un contrat de travail et à une protection sociale.
Réponse publiée le 18 juillet 2023
La lutte contre le travail illégal est une priorité majeure du Gouvernement, mobilisant l'ensemble des corps de contrôle. Le recours croissant à de faux statuts contraires à la réalité des relations de travail et portant préjudice aux droits des travailleurs fait partie des priorités de contrôle, qui sont reprises dans le Plan national de lutte contre le travail illégal 2023-2027. Ces actions de contrôle prennent en compte le développement de nouvelles formes de relations de travail et d'emploi, dont les modèles peuvent, le cas échéant, présenter des risques au regard de la légalité. Concernant le jugement du 12 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Paris, s'il n'appartient pas au Gouvernement de commenter les décisions de justice, il peut être néanmoins précisé que la juridiction a relaxé l'entreprise Stuart des faits de travail dissimulé, estimant que les éléments en sa possession « étaient insuffisants pour acquérir la conviction qu'une relation de salariat unissait les livreurs aux plateformes ». La plateforme a été en revanche condamnée pour prêt de main-d'œuvre illicite, dans la mesure où l'existence de l'un de ses sous-traitants était « purement théorique », car la plateforme représentait l'intégralité de l'activité des employés du sous-traitant. Cette jurisprudence d'espèce n'a pas pour effet de remettre en cause le modèle économique des plateformes de livraison ni le principe de la sous-traitance. Des dispositifs spécifiques ont été mis en place depuis 2015 afin d'accompagner le développement du travail via les plateformes numériques, tout en garantissant des droits et protections au bénéfice des travailleurs indépendants des plateformes. Le Gouvernement a fait le choix de fonder l'ensemble de ces droits et garanties sur la notion de « responsabilité sociale » des plateformes exerçant un fort degré de contrôle sur les conditions de réalisation de la prestation, sans enfermer les travailleurs dans un statut d'emploi fixé au niveau législatif. En vertu de cette responsabilité sociale, les travailleurs indépendants qui prestent auprès de ces plateformes bénéficient de droits renforcés, en matière notamment de protection sociale et d'accès à la formation professionnelle. Les plateformes de la mobilité (VTC, livraison) exerçant une responsabilité sociale sont désormais tenues de communiquer la distance, le prix minimal garanti et la destination à chaque proposition de prestation soumise à un travailleur. De manière plus générale, la loi prohibe les pratiques ayant pour effet de limiter l'indépendance effective des travailleurs, et oblige les plateformes de la mobilité à davantage de transparence. Par ailleurs, ce cadre juridique a permis d'assurer, de manière inédite, une représentation et un dialogue social entre les plateformes de la mobilité et les organisations de travailleurs indépendants, avec l'appui de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi. Des négociations entre les organisations représentatives ont commencé à émerger des accords prévoyant des droits nouveaux, notamment en ce qui concerne la définition d'un revenu minimal par course, permettant de conjuguer les enjeux économiques et organisationnels de ces secteurs de l'économie et l'exigence de protection sociale.
Auteur : Mme Martine Etienne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Postes
Ministère interrogé : Travail, plein emploi et insertion
Ministère répondant : Travail, plein emploi et insertion
Dates :
Question publiée le 31 janvier 2023
Réponse publiée le 18 juillet 2023