16ème législature

Question N° 5197
de Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > sécurité routière

Titre > Consommation de cannabis thérapeutique et sécurité routière

Question publiée au JO le : 31/01/2023 page : 825
Réponse publiée au JO le : 04/04/2023 page : 3147

Texte de la question

Mme Virginie Duby-Muller interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les sanctions suite aux contrôles routiers qui révèlent une consommation de cannabis thérapeutique (CBD). À ce jour, les tests salivaires amalgament tous les stupéfiants et tous les dosages, alors que les conséquences sur la conduite sont clairement différentes selon le produit et la dose consommés. Si la prohibition de la conduite sous l'emprise réelle de stupéfiants ne saurait être remise en cause, de nombreux patients faisant l'objet d'un traitement à base de cannabis thérapeutique (comprimés, gouttes, tisanes, etc.) se retrouvent parfois privés de permis de conduire, alors même que le produit est en vente légale et promu par de nombreuses marques pour ses vertus, sans forcément prévenir des conséquences qu'il peut engendrer. Dès lors, elle souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et en particulier sur la situation des patients utilisant du CBD contrôlés positifs à la consommation de stupéfiants.

Texte de la réponse

Le cannabidiol (CBD) est une des principales substances actives du cannabis, généralement extraite du « cannabis sativa » ou « chanvre » dans la mesure où cette variété contient naturellement un taux élevé de CBD et un faible taux de tétrahydrocannabinol (THC). L'article R. 5132-86-1 du Code de la santé publique autorise la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation, à des fins industrielles et commerciales, des seules variétés de cannabis sativa L. dépourvues de propriétés stupéfiantes et l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour son application, fixe la teneur maximum en THC de ces variétés à 0,30 %. Les produits extraits de ces variétés de cannabis en application de cette réglementation ne sont pas des médicaments pouvant être prescrits dans le cadre d'un traitement médical et n'entrent pas dans le périmètre de l'expérimentation de l'usage médical du cannabis, dont le régime est fixé par le décret n° 2020-1230 du 7 octobre 2020. En outre, les termes « produits CBD » utilisés dans le langage courant ne traduisent pas la réalité et la complexité de la composition des produits vendus et consommés, qui contiennent principalement du CBD mais aussi du THC qui, même en faible quantité, reste une substance visée dans l'arrêté du 22 février 1990, fixant la liste des substances classées comme stupéfiants. Il en résulte que la prise de ces produits augmente le risque de positivité d'un dépistage lors d'un contrôle routier du fait de la présence systématique de THC, surtout en cas d'usage régulier, notamment sous une forme fumée. Au visa de l'article L. 235-1 du Code de la route, la Cour de cassation rappelle, de jurisprudence constante, qu'est incriminé le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants, dès lors que cet usage a été attesté par une analyse sanguine ou salivaire, sans qu'il soit fait référence à un taux de concentration susceptible de caractériser que le conducteur était sous l'influence de stupéfiants au moment du contrôle. L'article L. 235-2 du Code de la route prévoit, sauf refus ou impossibilité de les subir, la soumission du conducteur à des épreuves de dépistage préalable, consistant à rechercher à partir d'un recueil salivaire ou urinaire, la présence d'une ou plusieurs substances appartenant aux quatre familles suivantes : cannabiniques, amphétaminiques, cocaïniques, opiacés, permettant de présumer un usage de stupéfiants, en application des dispositions de l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le Code de la route. S'agissant des cannabiniques, l'arrêté précité fixe notamment un seuil minimum de détection du THC à 15 ng/ml de salive. Par coordination, il est prévu qu'en cas de dépistage positif, les forces de l'ordre procèdent, par mesure de sureté, à la rétention immédiate du permis de conduire pendant un délai de 120 heures, au cours duquel le préfet compétent peut, si l'analyse biologique de vérification établit un usage de stupéfiants, prendre un arrêté de suspension du permis de conduire pour une durée maximum d'un an, dans l'attente de la décision judiciaire (articles L. 224-1 et L. 224-2 du Code de la route). Si lors d'un contrôle routier, le dépistage est positif, il est en effet procédé à un prélèvement salivaire aux fins d'analyse. A la suite de ce prélèvement, il est demandé au conducteur s'il souhaite se réserver la possibilité de demander une contre-expertise ou la recherche de l'usage de médicaments psychoactifs pouvant avoir des effets sur la capacité de conduire le véhicule, auquel cas, il est procédé à un prélèvement sanguin (articles L. 235-2, R. 235-6 et R. 235-11 du Code de la route). Dès lors que le rapport d'analyse sanguine ou salivaire, dont l'objectif n'est pas de déterminer la nature stupéfiante d'un produit mais de caractériser l'usage de stupéfiants, confirme la présence d'un produit stupéfiant dans l'organisme d'un conducteur de véhicule, l'infraction de conduite après usage de stupéfiants est constituée. Le fait que le produit stupéfiant soit issu d'un produit dont la consommation est autorisée est sans objet, l'article L. 235-1 du Code de la route est rédigé dans un objectif de sécurité routière et non de santé publique, ne faisant aucune référence au caractère licite ou illicite de l'usage du produit stupéfiant. Il convient de préciser que si le CBD n'est pas un produit stupéfiant, il reste tout de même une substance psychoactive, dont les effets relaxants et anxiolytiques recherchés peuvent altérer les capacités de conduite et avoir des interactions avec d'autres molécules, notamment des médicaments.