Question orale n° 534 :
Financement des lignes aériennes d'aménagement du territoire

16e Législature

Question de : M. Jean Terlier
Tarn (3e circonscription) - Renaissance

M. Jean Terlier interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le financement des lignes aériennes d'aménagement du territoire (LAT). Un nouvel appel d'offres a permis, début 2023, d'attribuer le désenclavement aérien du Tarn au moyen de la ligne reliant l'aéroport de Castres-Mazamet à Paris-Orly à une nouvelle compagnie pour 3 ans. Boucler le financement de la subvention d'équilibre qui compense les pertes d'exploitation fut complexe. Les collectivités territoriales ont accepté de relever leur participation. L'État, la veille du début de l'exploitation de la ligne par le nouvel opérateur, a consenti une exonération fiscale d'environ 400 000 euros par an à la compagnie, lui donnant les garanties nécessaires à la reprise du service dès le lendemain. À ce jour, le financement par l'État d'une 4e année d'exploitation de la ligne n'est toujours pas assuré. La chambre régionale des comptes vient de publier une enquête sur le maillage aéroportuaire de la région Occitanie. Elle rappelle que 57 % de la population métropolitaine française située à plus de quatre heures de route ou de train de Paris réside en Occitanie. Les liaisons entre Paris et Castres-Mazamet ou Rodez-Aveyron y sont décrites comme correspondant aux impératifs de désenclavement des territoires. Alors que la ligne Castres-Paris est plus empruntée que celles d'Aurillac, Brive ou Rodez, que ce trajet ne peut pas être réalisé via le TGV, comme c'est désormais le cas pour rallier Agen, Quimper ou Lorient, la ligne castraise est moins bien financée par l'État que d'autres lignes sous obligation de service public (OSP). De trop grandes disparités existent entre les financements par l'État alloués aux différentes LAT sans que cela ne fasse l'objet de contractualisation. De 2015 à 2017, la participation de l'État pour l'aéroport de Castres s'élevait à moins de 10 % de la compensation financière totale. De 2020 à 2023, l'État s'est repositionné à hauteur de 31 %. Sur la même période, l'État prenait en charge 55 % de la compensation financière pour la ligne Paris-Rodez. Ainsi, M. le député s'interroge sur la stratégie de financement de l'État de ces lignes LAT et les règles expliquant de telles disparités. Le manque de visibilité sur le positionnement de l'État constitue une contrainte pour les petits aéroports et notamment la plateforme de Castres. Celle-ci ne peut se diversifier via des activités commerciales de prestataires à bas coût, mais elle demeure une infrastructure stratégique pour le premier employeur de la ville, le 8e RPIMa, qui a besoin des pistes et de l'aéroport pour l'entraînement parachutiste. La viabilité des LAT dépend des aides publiques. Le syndicat mixte qui gère l'aéroport demande évidemment plus de moyens à l'État, mais aussi et surtout une clarté, une stabilité et une équité entre les territoires à désenclaver. C'est pourquoi, au-delà de sa pérennisation, il souhaite savoir si une clarification du financement par l'État des lignes aériennes d'aménagement du territoire est à l'étude.

Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2024

FINANCEMENT DES LIGNES AÉRIENNES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
M. le président. La parole est à M. Jean Terlier, pour exposer sa question, n°  534, relative au financement des lignes aériennes d'aménagement du territoire.

M. Jean Terlier. Début 2023, un appel d'offres a attribué pour trois ans l'exploitation de la ligne reliant l'aéroport de Castres-Mazamet à celui de Paris-Orly à la compagnie Chalair, qui se voit ainsi confier le désenclavement aérien du Tarn.

Boucler le financement de la subvention d'équilibre qui compense les pertes d'exploitation fut un casse-tête : les collectivités territoriales, régions, départements et agglomérations concernées ont accepté d'augmenter leur participation. La veille du début de l'exploitation de la ligne par le nouvel opérateur, l'État a consenti une exonération fiscale d'environ 400 000 euros par an à la compagnie, donnant les garanties nécessaires à la reprise du service dès le lendemain.

À ce jour, le financement par l'État pour une quatrième année d'exploitation n'est toujours pas assuré. Un rapport de la chambre régionale des comptes portant sur le maillage aéroportuaire de la région Occitanie, paru fin 2023, rappelle que 57 % de la population française métropolitaine située à plus de quatre heures de route ou de train de la capitale réside dans ma région, en Occitanie. Les liaisons entre Paris et Castres-Mazamet ou Paris et Rodez y sont décrites comme correspondant aux impératifs de désenclavement des territoires.

Alors que la ligne Castres-Paris est plus empruntée que celle reliant la capitale à Aurillac, Brive ou Rodez et que ce trajet ne peut être effectué en TGV, comme c'est désormais le cas pour rallier Agen, Quimper ou Lorient, la ligne castraise est moins bien financée par l'État que d'autres lignes sous obligation de service public (OSP).

De trop grandes disparités existent entre les financements alloués aux lignes aériennes d'aménagement du territoire (Laat) par l'État, sans que cela fasse l'objet de contractualisation. Entre 2015 et 2017, la participation de l'État au financement de l'aéroport de Castres ne dépassait pas 10 % de la compensation financière totale. Entre 2020 et 2023, l'État s'est repositionné à hauteur de 31 %. Mais sur la même période, il prenait en charge 55 % de la compensation financière de la ligne Paris-Rodez. Quelle est donc sa stratégie en la matière ? Quelles règles expliquent de telles disparités ? Quelle visibilité donner aux petits aéroports ?

La plateforme de Castres ne peut se diversifier en encourageant les activités commerciales de prestataires à bas coût, mais demeure une infrastructure stratégique pour le premier employeur de la ville, le huitième régiment de parachutistes d'infanterie de marine, qui a besoin de pistes et de l'aéroport pour l'entraînement parachutiste des militaires.

La viabilité des Laat dépend des aides publiques : le syndicat mixte qui gère l'aéroport réclame plus de moyens à l'État, mais surtout plus de clarté, de stabilité et d'équité entre les territoires à désenclaver. Pensez-vous pérenniser et surtout clarifier le financement par l'État de ces lignes aériennes d'aménagement du territoire ? Si oui, comment ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Je vous prie d'excuser l'absence de Christophe Béchu : retenu à Marseille, il m'a chargée de vous transmettre ses éléments de réponse.

Je vous rejoins parfaitement sur l'importance du maintien de la connectivité des territoires les plus enclavés. Depuis la crise sanitaire, le trafic aérien du marché domestique, et des liaisons d'aménagement du territoire en particulier, a connu des évolutions structurelles. Les nouveaux moyens de communication ont bouleversé les habitudes de travail en entraînant la baisse du trafic lié aux voyages d'affaires, surtout sur les liaisons radiales. Alors qu'en novembre dernier, le trafic aérien en France a rejoint son niveau de 2019, la fréquentation sur ces lignes dépassait à peine 75 % de son niveau d'avant la crise sanitaire.

Ce contexte bouleverse l'équilibre économique de toutes les lignes aériennes subventionnées. La baisse constatée du trafic et l'augmentation importante de certains postes de dépenses, comme ceux du carburant, de l'entretien des avions ou des pièces détachées, ont conduit les compagnies aériennes intéressées à exiger des compensations financières.

Face à cette situation, l'État demeure aux côtés des collectivités qui renouvellent les contrats de délégation de service public. En 2023, 22 millions d'euros y ont été consacrés, dont plus de la moitié pour les liaisons d'aménagement du territoire métropolitain. Pour chaque liaison, la participation financière de l'État est définie dans le respect des critères réglementaires relatifs au niveau d'enclavement de la région concernée et en fonction de l'offre de services qui aura été sélectionnée au niveau local. Cette participation restera proportionnelle aux recettes de chaque ligne : vous conviendrez qu'on ne peut subventionner des avions vides.

Sur la ligne Castres-Paris, l'État a porté son engagement à près de 1,45 million d'euros par an dans le cadre de la convention triennale en cours, soit une augmentation de 40 % par rapport à la convention précédente. Permettez-moi de vous remercier à nouveau de cette question, mais surtout de votre mobilisation en faveur du désenclavement des territoires que vous représentez.

M. le président. La parole est à M. Jean Terlier.

M. Jean Terlier. Je souhaite à mon tour vous remercier, madame la ministre, d'avoir rappelé l'impérieuse nécessité, pour ces territoires ruraux enclavés, d'être desservis par des aéroports de petite taille ; cela permet aux habitants de ma circonscription du Tarn de rejoindre Paris.

Votre réponse confirme la nécessité d'une meilleure lisibilité pour les opérateurs et les collectivités territoriales – régions, départements et communautés d'agglomération. Il serait souhaitable de ne pas se trouver, au moment du renouvellement et de la formalisation de ces conventions, dans une urgence qui cristallise de nombreux désagréments.

Il me semble nécessaire de mobiliser des critères plus objectifs, tenant véritablement compte du besoin de désenclavement de ces territoires ruraux et de leur volonté de renforcer leur attractivité. Nos concitoyens ne souhaitent pas être déconsidérés sous prétexte qu'ils habitent des territoires ruraux.

Données clés

Auteur : M. Jean Terlier

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 janvier 2024

partager