L'avenir du football français
Question de :
Mme Agnès Carel
Seine-Maritime (7e circonscription) - Horizons et apparentés
Mme Agnès Carel appelle l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques sur les conséquences de l'accord conclu entre le fonds d'investissement luxembourgeois CVC Capital Partners et la Ligue de football professionnel (LFP). Le 6 novembre 2023, le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel a décidé de convoquer en toute urgence une assemblée générale. Lors de cette dernière, la direction de la LFP a de nouveau soumis au vote des représentants des clubs de ligue 1 et ligue 2, l'accord conclu avec ledit fonds d'investissement luxembourgeois CVC en avril 2022 ; cet accord veille à lui céder a minima 13,04 % des revenus de l'exploitation commerciale des droits télévisés du championnat. Les préoccupations grandissantes au sein de la communauté sportive, suite à cet accord, soulèvent des questions cruciales quant aux conséquences financières à moyen et long terme pour l'économie des clubs. Au regard notamment des conditions acceptées par le même fonds CVC, dans son partenariat avec La Liga, l'accord conclu entre la LFP et CVC apparaît particulièrement défavorable. Qu'il s'agisse du montant total de la valorisation du championnat de France, du pourcentage de prise de participation ou de la durée du contrat établi, rien ne montre une égalité de traitement. Par ailleurs, se pose également la question de la transparence et de l'équité de la répartition de l'enveloppe budgétaire résultant de cet accord. À titre d'exemple, le club doyen du football français, Le Havre Athlétic Club (HAC), monté en ligue 1 en 2023 ne percevra qu'un million et demi d'euros, soit moins que ce qu'il aurait perçu s'il était resté en ligue 2. Pendant ce temps, les 7 plus gros clubs percevront entre 90 et jusqu'à 200 millions d'euros chacun. Comment expliquer que ce club de L1 ne soit, ni traité comme un club de L1, ni comme un club de L2, voire moins bien traité que s'il était resté en L2 ? Le 28 novembre 2023, une première audience s'est tenue devant le tribunal judiciaire de Paris, faisant suite à l'action en référé engagée par le HAC pour demander la suspension de l'accord voté lors de l'assemblée générale d'avril 2022. Au terme des plaidoiries des deux parties, la décision sera rendue dans les prochaines semaines. Sans préjuger de cette décision, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de garantir la transparence et l'équité de la répartition entre les clubs et de prévenir d'éventuels impacts négatifs sur le sport, les clubs et les intérêts à long terme du football français.
Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2024
AVENIR DU FOOTBALL FRANÇAIS
M. le président. La parole est à Mme Agnès Carel, pour exposer sa question, n° 535, relative à l'avenir du football français.
Mme Agnès Carel. Ma question porte sur les conséquences de l’accord conclu entre le fonds d’investissement luxembourgeois CVC Capital Partners et la Ligue de football professionnel (LFP).
Le 6 novembre 2023, le conseil d’administration de la LFP a décidé de convoquer en urgence une assemblée générale. Lors de celle-ci, la direction a de nouveau soumis au vote des représentants des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 l'accord conclu avec CVC en avril 2022, selon lequel au moins 13,04 % des revenus de l’exploitation commerciale des droits télévisés du championnat lui seront cédés.
Cet accord fait l'objet de préoccupations croissantes au sein de la communauté sportive, s'agissant notamment de ses conséquences financières à moyen et long terme pour l’économie des clubs. Au regard des conditions négociées par CVC dans son partenariat avec la Liga, l’accord conclu par la LFP apparaît particulièrement défavorable. Qu’il s’agisse du montant total de la valorisation du championnat de France, du pourcentage de prise de participation ou de la durée du contrat, aucune égalité de traitement n'est respectée. Par ailleurs, la transparence et l’équité de la répartition de l’enveloppe budgétaire résultant de cet accord posent question.
À titre d’exemple – le meilleur exemple qui soit –, le club doyen du football français, Le Havre Athletic club (HAC), monté en Ligue 1 cette saison, ne percevra que 1,5 million d’euros, soit moins que ce qu’il aurait perçu s’il était resté en Ligue 2. Pendant ce temps, les sept plus gros clubs percevront entre 90 et 200 millions chacun. Comment expliquer que ce club de Ligue 1 ne soit traité ni comme un club de Ligue 1, ni comme un club de Ligue 2, voire moins bien que s'il était resté en Ligue 2 ?
Le 28 novembre 2023, une première audience s'est tenue devant le tribunal judiciaire de Paris, faisant suite à l'action en référé engagée par le HAC pour demander la suspension de l'accord voté lors de l'assemblée générale d'avril 2022. Une décision sera rendue dans les prochaines semaines au terme des plaidoiries. Les Havrais, dont le stade peut accueillir jusqu'à 23 000 supporters au comportement irréprochable, sont dans l'attente.
Sans préjuger de la décision du tribunal judiciaire de Paris, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de garantir la transparence et l'équité de la répartition de l’enveloppe budgétaire résultant de l'accord entre les clubs et de prévenir d'éventuels impacts négatifs sur le sport, les clubs et les intérêts à long terme du football français. L'équipe du HAC, qui a de beaux résultats, se sent fragilisée. Protégeons l'image du football français, qui rayonne sur nos villes de façon saine, au bénéfice des jeunes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré incompétent sur ce dossier par une décision du 16 janvier. Une action sur le fond est toujours en cours. Vous comprendrez donc qu'il ne me soit pas possible de répondre sur le détail de la procédure.
Toutefois, en ce qui concerne l'arrivée du fonds d'investissement CVC dans le capital de la société commerciale détenue par la Ligue de football professionnel, je rappelle que les conséquences de la crise du covid et la résiliation anticipée des contrats audiovisuels avec Mediapro ont plongé le foot français dans une crise financière sans précédent. La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a permis aux ligues professionnelles de créer une société commerciale pour la gestion et la commercialisation des droits d'exploitation des manifestations sportives qu'elles organisent, dans le but de renforcer la robustesse du modèle économique du sport professionnel français. Cette loi, attendue et nécessaire, permet de céder à un ou plusieurs investisseurs jusqu'à 20 % du capital de ladite société, suivant des règles précises, contraintes et complétées au niveau réglementaire.
La LFP a cédé à un fonds d'investissement une partie du capital de sa société commerciale avec l'accord de ses membres réunis en assemblée générale. En novembre dernier, l'assemblée générale de la LFP a réaffirmé les modalités de répartition des fonds apportés par CVC à 97,73 % et approuvé, par 100 % des voix, dont celles du HAC, la modification de ses statuts pour sécuriser la répartition des droits audiovisuels entre la Ligue 1 et la Ligue 2.
Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques est sensible à votre interpellation : il veillera à garantir la transparence et à renforcer l'éthique dans le sport. Je continuerai de prendre toutes les mesures nécessaires pour ancrer et protéger l'éthique du sport français, notamment en matière financière. La position de la justice sur ce contentieux, ainsi que la mission d'information lancée par le Sénat sur la société commerciale de la LFP, nous apporteront aussi des éléments pour apprécier sereinement et objectivement ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Carel.
Mme Agnès Carel. Quid du HAC, qui continue de rayonner sur nos villes et sur la Ligue 1 sans bénéficier d'un financement à la hauteur de ses résultats ? Je le répète, le club percevra 1,5 million d'euros alors que d'autres clubs de Ligue 1 toucheront 33, 90, voire 200 millions. Réfléchissons !
Auteur : Mme Agnès Carel
Type de question : Question orale
Rubrique : Sports
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse, sports, jeux Olympiques et Paralympiques
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse, sports, jeux Olympiques et Paralympiques
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 2024