Traitement des demandes de naturalisation par décret
Question de :
Mme Christine Arrighi
Haute-Garonne (9e circonscription) - Écologiste - NUPES
Mme Christine Arrighi interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le traitement des demandes de naturalisation par décret. De nombreuses personnes d'origine étrangère qui vivent en France, travaillent dans le pays depuis plus de cinq ans, font légitimement des demandes de naturalisation par décret. La migration ne doit pas se résumer à des chiffres et des statistiques mais bien à des milliers de trajectoires individuelles qui constituent les parcours migratoires. Ces parcours sont des richesses et les sociétés les plus inclusives sont les plus innovantes et résilientes. Pour être naturalisées, les personnes concernées doivent d'abord remplir un dossier comprenant de nombreux documents administratifs et pièces justificatives. Elles sont ensuite convoquées à un entretien pour vérifier leur assimilation à la communauté française. L'administration a 18 mois au maximum à partir de la délivrance du récépissé pour répondre à une demande de naturalisation. Ce délai est réduit à 12 mois lorsque la personne justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis au moins 10 ans à la date de la remise du récépissé. Les délais de réponse peuvent être prolongés 1 fois pour une période de 3 mois. Dans ce cas, l'administration doit motiver sa décision, c’est-à-dire expliquer pourquoi elle a besoin de plus de temps pour répondre. Or, interpellée par plusieurs habitants de sa circonscription, Mme la députée constate que ces personnes vivent un temps d'attente bien plus long. C'est le cas de M. G, qui a reçu l'accusé de réception de complétude de son dossier le 19 août 2022 et a passé l'entretien d'assimilation le 2 novembre 2022. À ce jour, 18 mois se sont écoulés depuis le récépissé de complétude et M. G. reste dans l'attente. C'est aussi le cas de M. A. qui a reçu lui l'accusé de réception de complétude de son dossier le 14 janvier 2022 et a passé l'entretien d'assimilation le 15 mars 2022. À ce jour, plus de 2 ans se sont écoulés depuis le récépissé et M. A. reste dans l'attente. Ces deux cas, parmi d'autres, concernent des personnes qui vivent et travaillent en France depuis plus de 10 et 20 ans et qui semblent satisfaire en tout point les critères de reconnaissance de naturalisation par décret. Cette attente prolongée, au-delà des délais fixés par l'État lui-même, constitue une situation d'incertitude qui crée un mal être et un handicap pour les projets professionnels et privés de ces personnes. Elle n'est pas à la hauteur non plus des valeurs d'accueil et d'intégration de personnes d'origine étrangère qui font la richesse du pays. Aussi, elle souhaite connaître les actions qu'il compte prendre pour permettre le respect des délais de la procédure de naturalisation par décret aux personnes qui la demandent.
Réponse en séance, et publiée le 14 février 2024
TRAITEMENT DES DEMANDES DE NATURALISATION PAR DÉCRET
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Arrighi, pour exposer sa question, n° 539, relative au traitement des demandes de naturalisation par décret.
Mme Christine Arrighi. Ma question porte sur les demandes de naturalisation par décret, dont le traitement relève du ministère de l'intérieur.
De nombreuses personnes d’origine étrangère qui vivent en France depuis plus de cinq ans, qui y travaillent, y paient des impôts et des cotisations sociales et participent à la vie de leur quartier demandent, et c'est légitime, leur naturalisation par décret. Pour être naturalisées, elles doivent d’abord remplir un dossier comprenant de nombreux documents administratifs et pièces justificatives. Elles sont ensuite convoquées à un entretien pour vérifier leur assimilation à la communauté française. L’administration a dix-huit mois au plus à compter de la délivrance du récépissé pour répondre à leur demande. Ce délai est réduit à douze mois lorsque la personne justifie d'avoir sa résidence habituelle en France depuis au moins dix ans à la date de la remise du récépissé.
Les délais de réponse peuvent être prolongés une fois pour une période de trois mois. Dans ce cas, l'administration doit motiver sa décision, c'est-à-dire expliquer pourquoi elle a besoin de plus de temps pour répondre. Or, interpellée par plusieurs habitants de ma circonscription, je constate que les personnes concernées attendent bien plus longtemps que les délais prévus, bien trop longtemps.
C’est le cas de M. G., qui a reçu l’accusé de réception de complétude de son dossier le 19 août 2022 et a passé l’entretien d’assimilation le 2 novembre 2022. À ce jour, dix-huit mois se sont écoulés depuis la délivrance du récépissé, et il reste dans l’attente d'une réponse. C’est également le cas de M. A., qui a reçu, quant à lui, l’accusé de réception de complétude de son dossier le 14 janvier 2022 et a passé l’entretien d’assimilation le 15 mars 2022. À ce jour, plus de deux ans se sont écoulés depuis la délivrance du récépissé, et il reste également dans l’attente d'une réponse.
Il s'agit de deux personnes, parmi d’autres, qui vivent et travaillent en France depuis respectivement plus de dix et vingt ans et qui semblent satisfaire en tout point les critères de reconnaissance de naturalisation par décret. Cette attente prolongée au-delà des délais fixés par l’État lui-même crée une situation d’incertitude qui suscite un mal-être et constitue un handicap pour les projets professionnels et privés de ces personnes. Elle n’est pas digne de nos valeurs d’accueil et d’intégration des personnes d’origine étrangère, qui font la richesse de notre pays.
La migration ne doit pas se résumer à des chiffres et à des statistiques : ce sont des milliers de trajectoires individuelles qui constituent les parcours migratoires. Ces parcours sont une richesse ; les sociétés les plus inclusives sont les plus innovantes et les plus résilientes.
Je vous vois acquiescer, madame la ministre déléguée, mais les délais sont bien ceux que je viens de décrire. C'est pourquoi je vous demande quelles actions le ministère de l'intérieur compte entreprendre pour garantir le respect des délais de la procédure de naturalisation par décret.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. J'acquiesce, en effet, car nous sommes bien conscients de la nécessité de réduire les délais.
La maîtrise des délais et la résorption des stocks sont un enjeu prioritaire pour les services du ministère de l'intérieur. Le plein engagement de ces derniers a permis, au cours des deux dernières années écoulées, de réduire sensiblement – de 30 % – le délai moyen national entre la délivrance du récépissé et l'inscription dans un décret de naturalisation : 323 jours en 2023, contre 464 jours en 2020. Il faut poursuivre dans cette voie.
S'agissant des décisions défavorables, le délai moyen national entre la délivrance du récépissé et la signature par le préfet territorialement compétent a été ramené de 153 jours à 133 jours entre 2020 et 2023.
Ces délais moyens, calculés à partir des données enregistrées dans l'application informatique de gestion des procédures d'accès à la nationalité française, restent inférieurs aux délais fixés par les dispositions de l'article 21-25-1 du code civil – cela ne signifie pas pour autant que nous devons nous en satisfaire. Pour maintenir cette dynamique, un accompagnement individualisé des plateformes d'instruction a été mis en œuvre, avec la réalisation d'audits sur site, suivis de plans d'action triennaux, eux-mêmes accompagnés d'objectifs de réduction des délais et des stocks auxquels les préfets ont été sensibilisés.
Par ailleurs, la dématérialisation de la procédure de naturalisation au moyen du téléservice Natali a été généralisée le 6 février 2023. Avec près de 200 000 demandes déposées à ce jour, cet outil suscite un engouement réel auprès des usagers, dont la démarche d'accès à la nationalité est ainsi considérablement simplifiée. S'agissant plus particulièrement de la plateforme toulousaine, expérimentatrice dès 2021 de ce téléservice, je souligne qu'elle s'est emparée de cet outil avec succès et qu'elle a d'ores et déjà traité 46 % de l'ensemble des dossiers déposés en ligne, soit 4 765 dossiers sur un total de 10 291 dossiers. La mobilisation se poursuit afin de surmonter, en 2024, les situations locales qui demeurent difficiles et l'afflux de demandes provoqué par l'ouverture de ce téléservice.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi. Espérons qu'à Toulouse, comme partout ailleurs en France, la plateforme aura un effet positif, car les situations que j'ai décrites ne sont pas inventées : il s'agit de destinées humaines singulières qu'il faut prendre en considération. On ne peut pas dire à des personnes qui sont en France depuis dix ou vingt ans qu'il est impossible d'accéder à la demande faute de personnels en nombre suffisant dans les préfectures. Ces situations sont intolérables.
Alors que cette assemblée a, hélas ! adopté le projet de loi « immigration », il convient de consentir un effort particulier en faveur des personnes qui demandent leur naturalisation.
Auteur : Mme Christine Arrighi
Type de question : Question orale
Rubrique : Nationalité
Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer
Ministère répondant : Intérieur et outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2024