16ème législature

Question N° 5407
de M. Adrien Quatennens (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > voirie

Titre > Superprofits des sociétés concessionnaires d'autoroute et pouvoir de négociation

Question publiée au JO le : 07/02/2023 page : 1034
Réponse publiée au JO le : 27/06/2023 page : 5811

Texte de la question

M. Adrien Quatennens interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les superprofits engendrés par les sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) et le renforcement du pouvoir de négociation de l'État. Depuis février 2021, M. le ministre possède le rapport d'une mission menée à sa demande sur le modèle économique des SCA par l'inspection générale des finances (IGF) et le service d'inspection du ministère de l'écologie. C'est ce que révèle le Canard enchaîné dans son édition du 25 janvier 2023. Ce rapport met en évidence « une rentabilité très supérieure à l'attendu », « ce qui va contre le principe de rémunération raisonnable ». Sont notamment ciblées les concessions ASF-Escota (groupe Vinci) et APRR-Area (groupe Eiffage) qui exploitent près des 2/3 du réseau autoroutier. D'après les calculs de ces services, leur rentabilité atteint 12 %, bien loin des 7,7 % attendus lors de la privatisation en 2006. Les profits de ces SCA explosent donc toutes les prévisions. Pour revenir aux objectifs contractualisés les inspecteurs préconisent un « réalignement de la rentabilité » et avancent plusieurs pistes : la fin anticipée des concessions (10 et 9 ans plus tôt) ; la baisse des tarifs des péages (59 et 58 % de baisse) ; le prélèvement par l'État de 63 % de l'excédent brut d'exploitation (55,4 milliards d'euros). Les auteurs de ce rapport soulignent cependant que dans l'état actuel de la législation, seule la première de celles-ci est envisageable. Ils alertent par ailleurs sur la nécessité de renforcer le pouvoir de négociation de l'État vis-à-vis des SCA à l'approche de la fin des concessions (prévues initialement entre 2031 et 2036) qui « demande à être préparée, en particulier en ce qui concerne la remise en état des réseaux ». La révélation de ce rapport resté secret pendant près de 2 ans intervient au moment où les SCA annoncent une augmentation moyenne de 4,8 % des tarifs des péages. Depuis 2006, les SCA ont déjà versé plus de 24 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires et devraient encore leur en verser 40 milliards d'euros d'ici 2036. Leur rentabilité n'est plus à démontrer et il est établi que dans cette affaire les opérateurs privés ont réalisé une bien meilleure opération que l'État concédant. Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour défendre au mieux l'intérêt de l'État, des contribuables et des automobilistes face à la course aux profits effrénée que mènent les sociétés concessionnaires d'autoroute.

Texte de la réponse

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont chargées de l'entretien et de l'exploitation du réseau autoroutier dit « concédé ». Cette gestion est opérée par voie contractuelle selon un mode concessif. Les hausses tarifaires sont inscrites dans les contrats et sont plafonnées, pour les sociétés concessionnaires historiques (SANEF, SAPN, APRR, AREA, ESCOTA, ASF, Cofiroute), à 70 % du niveau d'inflation de l'année précédente hors nouveaux travaux demandés par le concédant au concessionnaire. Ainsi, le niveau des péages évolue moins vite que l'inflation. Ces péages couvrent (i) les coûts d'exploitation et d'entretien du réseau, (ii) le remboursement des dettes contractées par le concessionnaire et les coûts de financement afférents et (iii) la rémunération du concessionnaire au titre du capital investi. Le rapport de l'IGF montre que le TRI projet est proche de celui anticipé par l'État lorsqu'il a cédé le capital qu'il détenait dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes à des acteurs privés. En revanche, s'agissant du TRI actionnaire, qui avait été estimé à 7,7 % pour l'ensemble des sociétés d'autoroutes, l'écart par rapport aux anticipations s'est révélé à ce stade du déroulement de la concession plus significatif, avec une différence allant de 1 à 4 points de pourcentage. Ces chiffres doivent néanmoins être considérés avec beaucoup de précaution. D'une part, il n'était pas possible, au moment de la privatisation, d'anticiper la politique monétaire qui serait menée pendant les années 2010-2020 et qui a eu pour effet de permettre aux concessionnaires de bénéficier de conditions financières particulièrement favorables. D'autre part, le TRI actionnaire ne peut s'apprécier que sur l'ensemble de la durée d'une concession, c'est-à-dire, s'agissant des sociétés concessionnaires historiques, jusqu'à leur date d'échéance, comprise, selon les concessions, entre 2031 et 2036. L'écart actuellement constaté n'est donc pas définitif. L'État n'est pas resté inactif face à l'augmentation de la rentabilité des sociétés concessionnaires d'autoroutes : le rapport que vous mentionnez a été commandé ; la hausse du prix des péages a été contenue à 2 % en 2022 ; enfin, le choix d'indexer la taxe d'aménagement du territoire sur l'inflation a permis de rapporter plus d'un milliard d'euros à l'État. Par ailleurs, j'ai saisi le Conseil d'Etat afin qu'il étudie les voies juridiques permettant d'éviter l'apparition d'une situation de rente. Parmi les pistes étudiées figurent l'augmentation de la fiscalité pesant sur les sociétés concessionnaires détenues par le groupe et la réduction de la durée des contrats de concession autoroutière.