Question orale n°542 : Désengagement de l'État dans le projet de RHI Sans-Souci à Saint-Paul (Réunion)

16ème Législature

Question de : Mme Karine Lebon (Réunion - Gauche démocrate et républicaine - NUPES)

Mme Karine Lebon alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le désengagement de l'État dans le programme de résorption de l'habitat insalubre (RHI) du quartier de Sans-Souci à Saint-Paul (97460). Lors du lancement du projet, la commune et l'État (via la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement - DEAL) s'était accordés sur un montant prévisionnel de subventions, or l'État a revu son engagement à la baisse de 16 millions d'euros, somme considérable que la ville de Saint-Paul ne pourra pas régler. Le projet est donc à l'heure actuelle en attente, laissant de nombreuses familles dans la précarité d'un logement de transit. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 14 février 2024

RÉSORPTION DE L'HABITAT INSALUBRE À LA RÉUNION
Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Lebon, pour exposer sa question, n°  542, relative à la résorption de l'habitat insalubre à La Réunion.

Mme Karine Lebon. Soixante-dix ans après son appel, les mots de l'abbé Pierre résonnent encore en nous comme une urgence. Une urgence sociale, humaine. Combien de personnes dorment toujours dans la rue ? Combien de femmes, d'hommes et d'enfants vivent dans une pauvreté et une précarité si extrêmes qu’ils doivent se contenter d'un logement complètement insalubre ?

C'est à l'État de mener à bien une politique de protection et de donner les moyens aux différentes parties prenantes de mettre fin au mal-logement. Les collectivités territoriales assument leur part de travail avec volonté et détermination. C'est le cas de la commune de Saint-Paul, dans ma circonscription de La Réunion, qui réalise de nombreux projets de création et de réhabilitation de logements. Cependant, en dépit de l'engagement sans faille des équipes municipales, les services de l'État n'assument pas leurs responsabilités.

En 2011, lorsque la mairie de Saint-Paul a lancé le programme de résorption de l'habitat insalubre (RHI) du quartier de Sans-Souci, la règle d'un financement de 20 % par la commune et de 80 % par l'État a été respectée, du moins les premières années. Depuis 2020, cependant, la position de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) a changé : son investissement dans le projet a reculé et la finalisation de la RHI s'en est trouvée largement retardée. Voilà déjà treize ans que ce projet a éclos. Il est grand temps d'accélérer. Plusieurs dizaines de personnes sont toujours hébergées en zone de transit, attendant désespérément de revenir sur leur terre.

Le désengagement progressif de la Deal, qui avait donné son aval pour un financement de 40 millions d'euros, a fait chuter ce montant à 11 millions, soit seulement un quart de ce qui était initialement prévu. Il y a là de quoi déstabiliser grandement les finances de la collectivité. Car le chantier a bien débuté et la commune a déjà engagé d'importantes dépenses : plus de 11 millions d'euros à ce jour. Ainsi, au lieu de respecter la règle d'un financement à hauteur de 80 %, la participation de l'État a chuté et n'atteint plus que 50 %.

À la demande de l'État et afin de mieux reconstruire, la ville de Saint-Paul a fait détruire certaines habitations insalubres. Une fois la démolition effectuée, l'État a décidé de diminuer sa participation au prétexte que l'insalubrité n'existait plus, puisque les logements insalubres avaient été détruits ! Cette explication scandaleuse laisse plusieurs familles aux oubliettes.

En suivant l'ensemble des nouvelles demandes capricieuses de la Deal, qu'il s'agisse de la division du projet en différents lots ou de la baisse du coût de production par logement, la commune pensait que l'État respecterait les termes de son engagement. Force est de constater qu'elle s'est fourvoyée.

Alors que la situation du logement est très dégradée à La Réunion, différentes instances, telles que le comité d'accélération du logement, présidé par le préfet, se limitent à formuler de bonnes intentions qui ne se traduisent pas dans les faits.

Afin d'achever le projet et de respecter au mieux son objectif initial, la ville de Saint-Paul attend 21 millions d'euros de la part de l'État. Les demandes de la commune ont déjà reçu plusieurs avis défavorables, ce qui est incompréhensible. Pour permettre à 242 familles d'accéder à un logement décent, 7 millions d'euros sont attendus en 2024.

Madame la ministre déléguée, le constat est clair : quand l'État se désengage, les collectivités ne peuvent plus tenir. (M. Jean-Hugues Ratenon applaudit.) Que l'État et votre gouvernement prennent enfin à bras-le-corps la problématique du mal-logement. Ce phénomène, extrêmement grave, n'est pas irréversible. Le courage politique ne doit pas manquer pour conduire une politique du logement juste et efficace. Mais surtout, madame la ministre, faites en sorte que l'État respecte ses engagements, sans quoi rien ne sera plus possible. (Même mouvement.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. À Saint-Paul, depuis 2002, l'opération de résorption de l'habitat insalubre de la ZAC – zone d’aménagement concerté – de Sans-Souci a bénéficié d'un concours financier important de l'État, s'élevant à 20,8 millions d'euros au total, au moyen du Fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le Frafu, et des crédits dédiés à la résorption de l'habitat indigne. À ce jour, un tiers des familles concernées occupent de nouveaux logements.

Je rends d'ailleurs hommage au travail remarquable - je le dis sincèrement - de M. le maire de Saint-Paul au service de sa commune ; il travaille de façon très partenariale avec les services de l'État. Je lui ai rendu visite il y a moins d'un an, avec M. le préfet et tous les élus qui l'accompagnaient. Nous avions consacré une grosse demi-journée à la commune. Vous pourrez le saluer de ma part. (Mme Karine Lebon acquiesce.)

La révision à la baisse de l'engagement financier de l'État, dont vous vous faites l'écho, découle de la disproportion manifeste – relevée à plusieurs reprises par les services de l'État – entre le coût des travaux d'aménagement et le nombre de familles à reloger – au nombre de 416 – du fait de l'insalubrité de leur logement.

Il a été demandé à la commune de Saint-Paul d'explorer des solutions alternatives, en particulier d'examiner des modes d'intervention plus pertinents – et déjà éprouvées en outre-mer – pour extraire les familles de l'insalubrité en fonction de leur profil. Il pourra s'agir par exemple d'opérations groupées de réhabilitation légère (Ogral), incluant des opérations dites d'« autoréhabilitation accompagnée » des logements.

Mme Karine Lebon. Mais ce n'est pas la même chose !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée . Parallèlement, il paraît nécessaire d'optimiser le bilan financier de l'opération, en recherchant des sources de financement plus adaptées, telles qu'un recours accru au Frafu pour les réseaux primaires – quand c'est possible –, ainsi qu'une augmentation des recettes des cessions de charges foncières. Ce sont de vraies solutions, que nous avions évoquées. Rien n'est toutefois définitif. Les échanges avec la ville de Saint-Paul se poursuivent pour examiner la programmation de l'opération sur la période 2024-2026 et s'assurer de sa réussite.

Je tiens enfin à rappeler que les crédits de l'État dédiés à la résorption de l'habitat insalubre en outre-mer sont passés de 24,1 millions d'euros en 2022 à 34,1 millions en 2023, soit une augmentation de 41 %.

Mme Karine Lebon. Ce n'est toujours pas assez !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée . Vous dites que les engagements ne sont pas tenus, je vous indique quant à moi les cheminements à suivre ensemble pour avancer.

Données clés

Auteur : Mme Karine Lebon (Réunion - Gauche démocrate et républicaine - NUPES)

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2024

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