16ème législature

Question N° 544
de Mme Anne-Cécile Violland (Horizons et apparentés - Haute-Savoie )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, santé et solidarités
Ministère attributaire > Travail, santé et solidarités

Rubrique > personnes handicapées

Titre > Situation financière des ESAT

Question publiée au JO le : 06/02/2024
Réponse publiée au JO le : 14/02/2024 page : 993

Texte de la question

Mme Anne-Cécile Violland appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur le financement des nouveaux droits des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et sur les difficultés que traversent actuellement ces ESAT. Ces structures médico-sociales proposent des activités professionnelles rémunérées et un suivi médico-social et éducatif en accueillant des personnes dont les capacités de travail ne leur permettent pas d'exercer un emploi en milieu ordinaire, ni dans une entreprise adaptée. La France compte aujourd'hui près de 1 400 ESAT qui accueillent environ 120 000 travailleurs en situation de handicap orientés par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces établissements fournissent une activité professionnelle à une population particulièrement exposée à l'inactivité et au chômage. Si la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a fait évoluer favorablement le statut des travailleurs d'ESAT, elle s'accompagne de mesures, non financées, qui impactent très lourdement les budgets de ces établissements. À titre d'exemple, dans la 5e circonscription de Haute-Savoie, l'ESAT de Thonon-les-Bains, accompagne 171 travailleurs. La réforme envisagée aurait un impact de 90 314 euros (prise en charge des frais de transport, participation à une mutuelle obligatoire), auxquels pourraient s'ajouter 399 556 euros (affiliation au régime chômage - alors que les travailleurs handicapés ne peuvent être licenciés en ESAT -, augmentation de la rémunération). C'est ainsi près de 490 000 euros qui pèseraient sur le budget de cet ESAT. Il convient de préciser que, fin 2022, le budget de celui-ci était tout juste à l'équilibre et que ce dernier finalise actuellement un chantier de mise aux normes de deux ateliers. À Thonon-les-Bains, l'ESAT emploie 47 salariés qui accompagnent, au quotidien, les 171 travailleurs en situation de handicap. La loi pour le plein emploi apporte des avancées concrètes en ce qui concerne le rapprochement des droits des travailleurs en situation de handicap avec ceux des salariés. Le remboursement des frais de transports publics, l'accès aux titres restaurants, aux chèques-vacances et la prise en charge de la couverture complémentaire collective vont améliorer la situation de ces travailleurs. L'augmentation de la rémunération directe à hauteur de 15 % du Smic qui est envisagée devrait également contribuer à l'amélioration de leur statut. Mais ces nouveaux droits représentent des coûts supplémentaires pour les ESAT dont la situation financière est déjà particulièrement complexe. En octobre 2023, le réseau Unapei, en lien avec d'autres organisations, a mené une enquête flash à laquelle près de 500 structures ont répondu : 27,5 % des ESAT du réseau Unapei sont en déficit net. Avec le financement de ces nouveaux droits, la majorité des ESAT risque de se retrouver en situation de déficit, alors que ce modèle est le seul qui permette l'emploi des personnes avec d'importants besoins d'accompagnement. Il est primordial que les mesures faisant évoluer favorablement le statut des travailleurs d'ESAT, leur garantissant par là-même de nouveaux droits, soient accompagnées de moyens financiers compensateurs pour être pleinement effectifs. Les ESAT dépendent indéniablement du soutien financier de l'État. Ainsi, elle partage ses inquiétudes concernant le devenir de ce modèle et souhaite connaître les actions que le Gouvernement compte prendre pour compenser ces nouvelles dépenses.

Texte de la réponse

ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES D'AIDE PAR LE TRAVAIL


Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour exposer sa question, n°  544, relative aux établissements et services d'aide par le travail.

Mme Anne-Cécile Violland. Je veux vous alerter sur la situation préoccupante des établissements et services d'aide par le travail, dits Esat – plus précisément, sur leur financement et les difficultés qu'ils traversent actuellement.

Ces structures proposent des activités professionnelles rémunérées ainsi qu'un suivi médico-social et éducatif, en accueillant des personnes qui, compte tenu de leurs capacités de travail, ne peuvent pas exercer un emploi en milieu ordinaire ni dans une entreprise non adaptée. Notre pays compte près de 1 400 Esat qui accueillent environ 120 000 travailleurs en situation de handicap orientés par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces établissements fournissent une activité professionnelle à une population particulièrement exposée à l'inactivité et au chômage.

Si la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a fait évoluer favorablement le statut des travailleurs d'Esat, elle s'accompagne de mesures non financées qui ont un impact très lourd sur les budgets de ces établissements. Très concrètement, dans ma circonscription, l'Esat de Thonon-les-Bains, dans le Chablais, emploie 47 salariés qui accompagnent 171 travailleurs en situation de handicap. L'application de la réforme envisagée entraînerait un coût de 490 000 euros qui pèserait sur son budget. Précisons que fin 2022, celui-ci était tout juste à l'équilibre et que l'établissement finalise actuellement un chantier de mise aux normes de ses deux ateliers.

Encore une fois, la loi sur le plein emploi apporte des avancées concrètes en rapprochant les droits des travailleurs en situation de handicap de ceux des salariés : le remboursement des frais de transports publics, l'accès aux titres-restaurant et aux chèques-vacances et la prise en charge de la couverture complémentaire santé collective amélioreront la situation de ces travailleurs. L'augmentation envisagée de la rémunération directe, à hauteur de 15 % du Smic, devrait également contribuer à l'amélioration de leur statut.

Toutefois, ces nouveaux droits représentent des coûts supplémentaires pour les Esat alors que leur situation financière est déjà particulièrement délicate. En octobre 2023, l'Unapei – l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis –, en lien avec d'autres organisations, a mené une enquête flash à laquelle près de 500 structures ont répondu. Il en ressort que 27,5 % des Esat de ce réseau affichent un déficit net.

Avec le financement des nouveaux droits, la majorité des Esat risque de se retrouver en situation de déficit alors que ce modèle est le seul qui permette d'employer des personnes ayant d'importants besoins d'accompagnement. Il est primordial que les mesures qui font évoluer favorablement le statut des travailleurs d'Esat, leur garantissant par là même de nouveaux droits, soient accompagnées de moyens financiers compensateurs pour être pleinement effectives.

Les Esat dépendent indéniablement du soutien financier de l'État. Ainsi, je m'inquiète du devenir de ce modèle et souhaite connaître les actions que le Gouvernement pourrait mener pour compenser ces nouvelles dépenses.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la députée, je sais à quel point vous êtes attachée à l'aide par le travail et à l'accompagnement des plus fragiles. Vous avez, chevillée au corps, la conviction qu'il faut accompagner ceux qui accompagnent. C'est en effet ainsi que, non seulement nous garantirons la solidarité dans nos territoires, mais aussi que nous porterons un regard beaucoup plus confiant sur l'ensemble de nos concitoyens.

Vous évoquez plus spécifiquement la situation des Esat. Ces établissements accueillent en effet plus de 120 000 travailleurs, qui accomplissent d'ailleurs des tâches et des missions de plus en plus qualifiées, à tel point que les partenariats connaissent de vraies évolutions. Il n'était pas concevable de laisser ces usagers du secteur médico-social exercer une activité professionnelle dans un statut précaire devenu désuet.

Conformément au souhait du Président de la République et aux conclusions de la Conférence nationale du handicap, les personnes employées en Esat doivent pouvoir bénéficier rapidement de toutes les garanties des travailleurs salariés de droit commun. Comme vous l'avez d'ailleurs souligné, la loi pour le plein emploi, pendant l'examen de laquelle vous vous êtes fortement mobilisée, prévoit déjà d'étendre plusieurs droits à ces travailleurs : la couverture complémentaire santé, le remboursement des frais de transport, ou encore – point important – l'accès aux chèques-vacances et aux titres-restaurant. Par ailleurs, je rappelle que l'obligation préalable d'orientation par la MDPH pour le couplage entre le travail à temps partiel en Esat et en milieu ordinaire va disparaître. Enfin, il est prévu que la rémunération de ces travailleurs ne soit plus liée à l'AAH – l'allocation aux adultes handicapés –, qui représente aujourd'hui 40 % du total, mais soit assurée pleinement par l'établissement.

Une telle évolution pose bien la question de l'évolution du modèle économique des Esat, qui, à l'heure actuelle, repose principalement sur les produits tirés de l'activité des établissements, sur des dotations sociales versées par les ARS dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) médico-social – notamment pour financer les personnels sociaux d'accompagnement – et sur un complément de subvention de l'État couvrant le déficit résiduel. L'enjeu sur lequel vous alertez le ministère est réel et nous serons à vos côtés. Nous attendons d'ailleurs un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le sujet ce mois-ci. Plus que jamais, nous souhaitons trouver un maximum de réponses pour assurer la continuité du fonctionnement des Esat.

Au vu de votre mobilisation pleine et entière en faveur de l'insertion professionnelle et plus spécifiquement en faveur de l'accompagnement de l'évolution du modèle économique de ces établissements, je suis convaincue, madame la députée, que nous trouverons ensemble des solutions pour que ce modèle perdure, et même pour qu'il accueille encore mieux ces hommes et ces femmes qui contribuent autant à la solidarité qu'au tissu économique de nos territoires.