Question orale n° 545 :
Délais anormaux de prise en charge des personnes dans le cadre d'une AMP

16e Législature

Question de : Mme Ségolène Amiot
Loire-Atlantique (3e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Ségolène Amiot interroge Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur les délais anormaux de prise en charge des personnes dans le cadre d'une AMP, le problème de la disponibilité des gamètes dans certains territoires et sur la discrimination dans la prise en charge des femmes s'approchant de l'âge légal pour donner leurs gamètes et pour prétendre à une insémination artificielle. En effet, depuis la loi bioéthique de 2021, les délais d'attente pour une assistance médicale à la procréation (AMP) ont explosé (x7,5) alors que le temps est compté dans cette procédure médicale. Cela est dû à un manque d'anticipation et un manque de moyens alloués aux centres, tant au niveau du personnel que des infrastructures. Concernant l'inégalité territoriale de la disponibilité des gamètes, on peut observer dans certains centres de France une pénurie de spermatozoïdes ou d'ovocytes alors que, dans d'autres, il y a des stocks suffisants. Les transferts ne sont pas automatiques et s'ils se font, ce n'est qu'au compte-goutte. Pour ce qui est de la discrimination des femmes s'approchant de l'âge légal pour un don de gamète ou une insémination artificielle, il arrive que dans certains centres l'accès à l'AMP soit entravé par des procédures administratives plus compliquées ou par des refus de prise en charge ou de réorientation. Elle l'interroge donc sur les solutions que le ministère compte mettre en place pour revenir à des délais normaux de prise en charge de l'AMP, pour nationaliser la base de données des gamètes (à l'image de l'EFS) et pour interdire les discriminations liées à l'âge et au genre dans le cas de l'accès à l'AMP.

Réponse en séance, et publiée le 14 février 2024

ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour exposer la question n°  545, de Mme Ségolène Amiot, relative à l'assistance médicale à la procréation.

M. Jean-Hugues Ratenon. La question concerne les délais anormaux de prise en charge des personnes sollicitant une assistance médicale à la procréation (AMP), l'indisponibilité des gamètes dans certains territoires et la discrimination dont sont victimes les personnes approchant de l'âge maximal légal pour recourir à l'AMP.

Depuis la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, les délais d'attente ont bondi alors que le temps est compté pour qui s'engage dans ce parcours. Selon la publication de l'Agence de la biomédecine du 14 décembre 2023, il faut attendre presque seize mois pour une AMP avec don de spermatozoïdes et vingt-quatre mois pour une AMP avec don d'ovocytes. La demande reste forte et ne fait qu'augmenter.

À ces délais trop longs s'ajoute une forte inégalité territoriale dans la disponibilité des gamètes. La pénurie d'ovocytes est avérée depuis des années dans tous les centres, tandis que la pénurie de spermatozoïdes menace cette année trois quarts d'entre eux. Pourtant, certains, fort peu nombreux, sont très bien pourvus et largement excédentaires. Il semblerait que la Fédération française des Cecos (centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains) ne gère pas convenablement cette activité. Le recrutement de nouveaux donneurs assorti d'un accès aux origines permettrait de répondre partiellement à cette carence.

D'autre part, la personne ayant vocation à porter l'enfant peut recourir à une AMP jusqu'à son quarante-cinquième anniversaire. Malheureusement, certains centres discriminent celles qui approchent de cet âge et les empêchent d'accéder à la procédure dès 40 ans, voire 39 ans – en les dissuadant d'y avoir recours, en refusant de les prendre en charge ou en les orientant vers l'étranger. Alors que le législateur a donné le droit à ces femmes de recourir à l'AMP, elles en sont exclues par les professionnels.

Voilà deux ans que l'AMP est ouverte à toutes les femmes ou aux personnes transgenres. Pourtant, l'efficacité n'est toujours pas au rendez-vous. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Le ministère de la santé doit entendre les plaintes des professionnels et des associations de patients et s'interroger sur l'organisation du don de gamètes en France – sans parler du manque de moyens alloués aux centres d'AMP et aux Cecos, tant pour ce qui concerne le personnel que les infrastructures.

Que comptez-vous faire pour revenir à des délais de prise en charge acceptables, nationaliser la base de données des gamètes et interdire les discriminations liées à l'âge ou au genre ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Je suis particulièrement attachée au respect de la loi qui a élargi le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. La limitation du délai d'accès aux techniques de l'AMP est l'une des priorités du Gouvernement. Nous devrons faire respecter l'égalité d'accès. Rappelons en effet que la discrimination est un délit ; nous ne fermerons pas les yeux sur les pratiques illégales. J'en profite pour saluer les professionnels qui accompagnent avec une rare abnégation ceux qui s'engagent dans ces parcours longs et difficiles.

Afin d'assurer la pleine effectivité de ce nouveau droit ouvert à toutes les femmes par la loi relative à la bioéthique, qui représente une avancée majeure, sur le plan juridique comme sociétal, un comité national de suivi, associant l'ensemble des parties prenantes, a été institué en novembre 2021 au sein du ministère de la santé. Il assure un suivi au plus près de l'application de la loi sur le terrain et identifie toutes les difficultés afin que des mesures correctrices puissent être prises. Pour mesurer les effets de la loi sur l'activité des centres, il s'appuie notamment sur les enquêtes réalisées régulièrement par l'Agence de la biomédecine.

Des financements exceptionnels, à hauteur de 7,3 millions d'euros en 2021 et de 5,5 millions d'euros en 2022, ont été fléchés vers les centres responsables des procédures de PMA afin d'assurer l'acquisition de matériel et le recrutement de personnels. Ce soutien financier et la mobilisation des centres ont permis de limiter l'augmentation des délais, conséquence de l'ouverture de la PMA à toutes les femmes – dans le respect du cadre réglementaire et des conditions d'âge déjà évoquées. En outre, de nouveaux centres seront autorisés à pratiquer l'autoconservation des ovocytes, afin de libérer du temps pour les parcours de PMA.

Vous pourrez donc assurer Mme la députée Amiot de la pleine mobilisation du Gouvernement en faveur de l'accès de toutes les femmes à cette procédure, qui constitue un droit.

Données clés

Auteur : Mme Ségolène Amiot

Type de question : Question orale

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2024

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