Question orale n°554 : Conséquences de la loi « Rist » dans les centres hospitaliers

16ème Législature

Question de : M. Marc Le Fur (Bretagne - Les Républicains)

M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur les conséquences de l'application de loi « Rist » du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé sur le recrutement des personnels médicaux et singulièrement des médecins dans les centres hospitaliers en milieu rural. Dans un souci de moindre coût du système hospitalier, la loi « Rist » prévoit le plafonnement des salaires des médecins intérimaires à l'hôpital. Si cela est compréhensible en matière de bonne gestion, cette mesure provoque concrètement une grave pénurie de médecins hospitaliers dans les hôpitaux des secteurs ruraux. Il est devenu impossible de trouver des médecins intérimaires qui acceptent de pratiquer leur spécialité en milieu hospitalier. Les centres hospitaliers en milieu rural sont les plus grands consommateurs de médecins intérimaires, les médecins hospitaliers préférant être titulaires dans les grandes villes. L'hôpital qui dessert la 3e circonscription des Côtes d'Armor, le centre hospitalier du Centre Bretagne Loudéac-Pontivy, dont le siège est à Kerio, est dans cette situation. Dans l'impossibilité de recruter, il a dû fermer tout ou partie des services tels que les urgences ou les soins de suite. Il souhaite savoir ce qu'elle va mettre en place pour pallier les conséquences néfastes de la loi Rist.

Réponse en séance, et publiée le 14 février 2024

CONSÉQUENCES DE LA LOI RIST
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour exposer sa question, n°  554, relative aux conséquences de la loi Rist.

M. Marc Le Fur. J'adresse à mon tour tous mes vœux de succès au Gouvernement en matière de politique sanitaire : beaucoup reste à faire, la situation devenant, à bien des égards, dramatique.

Ma question concerne le service des urgences du site du centre hospitalier du Centre Bretagne situé à Kério, entre Loudéac et Pontivy, aux confins du Morbihan et des Côtes-d'Armor. La situation s'y est très sensiblement dégradée à cause de la funeste loi Rist du 19 mai 2023, dont les auteurs étaient, comme souvent, pleins de bonnes intentions, mais dont l'application s'est révélée catastrophique. Ce texte interdit en effet le recrutement des médecins intérimaires, ce qui n'affecte peut-être pas fortement les grands hôpitaux mais revêt des conséquences dramatiques pour les hôpitaux ruraux, en particulier pour celui auquel je fais référence.

Le recrutement des intérimaires n'étant plus possible, les urgentistes viennent à manquer. Pour tenir un poste d'urgentiste en permanence – vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept –, six personnes sont nécessaires. Or l'hôpital de Kério n'en compte plus que quatre. Le service des urgences ne peut donc pas fonctionner à plein temps, malgré le recours occasionnel à des médecins généralistes. De ce fait, dans bien des cas, les ambulances qui arrivent à Kério doivent repartir, qui à Saint-Brieuc, qui à Lorient, qui à Vannes, occasionnant des temps de latence considérables, donc des pertes de chance – car c'est bien de cela qu'il s'agit : la vie des gens est en jeu !

Que se passe-t-il alors ? Ne pouvant plus recourir à des médecins intérimaires, l'hôpital sollicite des boîtes d'intérim – c'est le terme qui convient – qu'il doit payer en s'acquittant de la TVA, ce qui n'était pas le cas précédemment. Le paradoxe est là : ce mode de fonctionnement est plus onéreux pour l'hôpital. Telle est la situation à laquelle nous sommes confrontés : la baisse de la qualité de service ne s'accompagne pas d'économies mais, au contraire, de coûts supplémentaires.

Je demande des réponses claires et rapides. Il n'est pas possible d'interrompre le service des urgences dans une structure de ce type. Cet hôpital, construit il y a maintenant plus de dix ans – à une époque où on se préoccupait un peu de santé, puisqu'il a coûté 127 millions d'euros – était censé offrir un véritable service, comparable à ceux fournis dans les autres établissements ou dans les centres hospitaliers universitaires (CHU). À cause de la loi Rist, ce n'est plus le cas. Je souhaite qu'on en finisse avec les bonnes intentions qui se traduisent par une défaillance du service et qu'on mette fin aux absurdités liées à l'application de cette loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Le ministre de la santé est très attentif à cette question. Lors des débats ayant précédé le vote de la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist, chacun est convenu de la nécessité de réguler les conditions d'intervention des médecins intérimaires dans les établissements de santé, compte tenu des dérives financières constatées et de la désorganisation engendrée. Il convient en effet d'être attentif aux difficultés de planning dont souffrent certains services. Pour cette raison, les ARS et le ministère travaillent à l'élaboration d'outils susceptibles de garantir la continuité des plannings et de répondre aux besoins qui, du fait du faible nombre de médecins, concernent l'ensemble des services. Le Gouvernement travaille également avec les organisations représentatives de médecins sur la question cruciale de la permanence des soins en établissement.

Vous le savez, le Gouvernement s'est engagé à garantir un accès à des soins de qualité dans le territoire, ce qui permettra de lutter contre les pertes de chance que vous avez évoquées. Tous les moyens nécessaires seront réunis pour y parvenir.

J'ajoute enfin que nous prendrons soin de transmettre votre requête plus spécifique au ministre de la santé à l'issue de cette séance.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je veux bien entendre tous les arguments que vous voulez – il est vrai que ce Gouvernement débute. Cependant, ce que j'attends, ce n'est pas que mon message soit transmis mais bien que le problème que je soulève soit résolu. Il y va de la vie des gens. Les responsables de l'hôpital me disent que les choses fonctionnaient mieux avant la loi Rist, qu'elles progressaient. Depuis l'adoption de cette loi, ils assistent à un effondrement.

Je suis terrorisé lorsque, le soir, l'ARS me contacte – c'est arrivé en particulier l'été dernier – pour m'informer que le service des urgences ne pourra pas être assuré dans cet hôpital durant la nuit ou le week-end. Voilà quelle est ma crainte : un tel appel signifie forcément une perte de chance – vous l'avez parfaitement dit.

Finissons-en avec la loi Rist. J'en conviens, il y a eu des excès. Toutefois, l'objectif n'est pas de combattre des excès mais d'assurer un service de proximité – car les patients que l'hôpital de Kério ne peut pas prendre en charge doivent faire 50 à 60 kilomètres supplémentaires pour rejoindre un service d'urgences.

J'attends de vous non pas une transmission mais des solutions.

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur (Bretagne - Les Républicains)

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2024

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