Question de : M. Vincent Ledoux (Hauts-de-France - Renaissance)

M. Vincent Ledoux appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la coopération patrimoniale avec l'Afrique, à la suite de l'approche courageuse du Président de la République pour répondre mais surtout aller au-devant de demandes de restitution d'éléments du patrimoine culturel africain. M. Franck Riester, le prédécesseur de Mme la ministre, a insisté, lors du forum du 4 juillet 2019 sur la coopération patrimoniale organisée conjointement par le ministère de la culture et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, sur la façon dont la question des restitutions est l'occasion de repenser de façon plus large la relation culturelle de la France avec le continent africain et notamment la question des transferts d'expertise dans le champ patrimonial : « C'est bien la question globale de la coopération patrimoniale avec l'Afrique que nous souhaitons poser en termes nouveaux ». La restitution d'œuvres d'art africaines constitue une opportunité majeure pour accroître l'enseignement de l'histoire de l'Afrique en Europe et sur le continent africain. Il s'agit de la preuve tangible qu'en Afrique il a existé des royaumes et des empires et qu'il ne s'agit plus seulement de ces « statues (qui) meurent aussi » évoquées dès 1953 par Chris Marker et Alain Resnais. Dans son rapport remis en 2019 au Premier ministre et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères - Ouvrir nos territoires à la priorité africaine de la France du citoyen au Chef de l'État - il indique que ce « processus de restitution n'a pas vocation à se cantonner au seul périmètre du dialogue d'État à État, pour les territoires où se trouvent actuellement des œuvres susceptibles d'être restituées, il s'agit d'une opportunité pour entamer une relation avec le pays de retour des œuvres ! Cette nouvelle politique de coopération patrimoniale devra être construite avec les partenaires africains et sera ainsi représentative de la nouvelle relation d'échanges que la France souhaite bâtir avec le continent en l'ouvrant sur des échanges humains, en l'occurrence en matière de conservation et de la recherche scientifique. Ainsi, les musées de France, souvent municipaux, départementaux ou régionaux, doivent y prendre leur part en identifiant des partenaires africains pour organiser d'éventuelles restitutions et la circulation et la diffusion des œuvres pour entreprendre l'établissement et la mise en ligne d'un inventaire des collections africaines qu'ils conserveraient ». Il lui demande donc de bien vouloir lui dresser le bilan des premières opérations de restitution, de lui indiquer les perspectives d'avenir et de répondre à la proposition formulée dans son rapport de « faire du processus de restitution des œuvres d'art africaines une opportunité de mise en relation des territoires en France et en Afrique ».

Réponse publiée le 21 mars 2023

Dans son discours prononcé le 28 novembre 2017 à Ouagadougou, le Président de la République a indiqué qu il ne pouvait pas « accepter qu'une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France » et, dans cette perspective, qu il voulait que « d ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique », avec l objectif prioritaire de permettre à la jeunesse africaine d accéder à son patrimoine. Ce discours invitait aussi à ce que toutes les formes possibles de circulation des uvres soient considérées, certes des restitutions, mais aussi des expositions, des échanges et des coopérations afin de conduire une « politique nouvelle d échanges » entre la France et certains pays africains concernant le patrimoine. La loi du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal a rendu possible les premiers transferts de propriété concernant vingt-sept biens : le « Trésor de Behanzin » et le sabre attribué à El Hadj Omar Tall, au bénéfice de ces deux pays. Le Président de la République a annoncé en octobre 2021 qu une des prochaines restitutions porterait sur un tambour parleur Ebrié réclamé par la Côte d'Ivoire et conservé au Musée du quai Branly-Jacques Chirac (MQB-JC). D autres demandes sont en cours d examen de manière partenariale avec des scientifiques des pays d origine et pourraient également aboutir à des restitutions, une fois une loi cadre adoptée par le Parlement. Si ces restitutions représentent un acte symbolique fort, elles ne constituent qu une partie des actions mises en place comme le montrent les exemples suivants : renforcement de la visibilité des collections extra-occidentales, en particulier africaines, conservées dans les collections publiques françaises (comme la cartographie des objets d Afrique et d Océanie en France, « Le monde en musée », réalisée avec les musées d Angoulême et mise en ligne par l institut national d histoire de l art) ; intensification de la circulation des uvres des collections publiques françaises en Afrique : le projet emblématique en la matière est celui de l exposition Picasso à Dakar (1972-2022), élaborée avec le MQB JC et le musée national Picasso, qui s est tenue en 2022 au musée des civilisations noires de Dakar ; développement de programmes d accueil de professionnels africains dans des musées en France (« Parcours de collections », lancé par le ministère de la culture en 2022, a été ainsi conçu pour leur permettre de mener avec leurs collègues français des recherches de provenances sur des collections issues de leur pays d origine se trouvant dans les institutions françaises) ; lancement de projets de recherche partenariaux tels que celui initié par le MQB-JC et intitulé « Mission Dakar-Djibouti » : contre-enquête portant sur cette célèbre expédition ethnographique de 1931 à 1933, qui associe notamment des chercheurs et conservateurs issus de près de la moitié des 17 pays africains qu elle a traversés. Plusieurs musées de France territoriaux, conservant des collections africaines, comme le musée des Confluences à Lyon ou le muséum d histoire naturelle du Havre, ont créé des liens pérennes de travail commun avec leurs homologues des pays d origine. Des actions de coopération étroite avec les pays demandeurs se sont donc développées. En ce qui concerne le Bénin, pays avec lequel elle est particulièrement exemplaire, cela se traduit, à la suite de la signature d un programme de travail commun en décembre 2019, par un accompagnement fort en expertise et en financement : accueil de deux conservateurs béninois au MQB-JC pour préparer le départ des uvres restituées, soutien à la création d un musée de l épopée des Amazones et des Rois du Dahomey à Abomey, qui accueillera in fine les uvres restituées, participation à la formation des futures équipes du musée d Abomey et à l élaboration de l offre de formation patrimoniale au Bénin plus largement, notamment en soutenant l École du patrimoine africain, dont le rayonnement dépasse ce seul pays, etc. La dynamique insufflée par le discours de Ouagadougou pour allier circulation temporaire ou définitive d uvres et coopérations approfondies avec l Afrique continue donc de produire ses effets et est appelée à s amplifier par de futurs projets communs.

Données clés

Auteur : M. Vincent Ledoux (Hauts-de-France - Renaissance)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Patrimoine culturel

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 14 février 2023
Réponse publiée le 21 mars 2023

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