Situation actuelle de la filière méthanisation en cogénération
Question de :
Mme Laetitia Saint-Paul
Maine-et-Loire (4e circonscription) - Renaissance
Mme Laetitia Saint-Paul appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les inquiétudes et difficultés rencontrées par des associations et fédérations du monde agricole, du secteur de l'énergie et des collectivités territoriales et sur la situation critique que connaît actuellement la filière méthanisation en cogénération, qui produit conjointement de l'électricité et de la chaleur. Un grand nombre de ces unités, dont le but est de produire de l'électricité et de la chaleur renouvelable, sont de vrais projets de territoire dans lesquels se retrouvent les agriculteurs, les élus et le monde économique. Dans un contexte inflationniste qui entraîne une évolution très importante des coûts de production, l'équilibre économique d'un grand nombre de méthaniseurs en cogénération devient de plus en plus critique et met en péril toute une filière. En effet, le tarif d'achat de l'électricité par EDF n'est plus adapté et la sortie de ce contrat de rachat, à l'heure actuelle, n'est pas possible sans pénalités prohibitives. Pourtant, la cogénération représente près des deux tiers des installations de méthanisation sur le territoire. En 2023, près de 1 000 unités ont permis la production de 8 TWh de biogaz. Le projet de stratégie française pour l'énergie et le climat propose un objectif de 50 TWh de production de biogaz en 2030 (cogénération et injection). Afin que ces sites de cogénération en difficultés financières fortes ne soient pas contraints d'arrêter leur activité, il est indispensable de prendre des mesures pour donner la possibilité à ces producteurs de pérenniser leur outil de production d'énergies renouvelables (EnR), en prévoyant des modalités de réindexation de leur tarif de rachat pour rééquilibrer leur modèle économique et en permettant, à quelques années de la fin de leur contrat et au regard de leurs enjeux d'investissement, la possibilité de sortir de ces contrats sans indemnité, pour évoluer vers une solution de valorisation de leur biogaz en biométhane injecté et poursuivre ainsi leur activité de producteur d'énergie renouvelable. Elle lui demande quelles solutions il envisage pour sécuriser efficacement la production de biogaz et permettre au Gouvernement d'atteindre les objectifs de transition énergétique.
Réponse en séance, et publiée le 14 février 2024
ÉNERGIES RENOUVELABLES
Mme la présidente. La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul, pour exposer sa question, n° 563, relative aux énergies renouvelables.
Mme Laetitia Saint-Paul. Alertée par la société Bioénergie Vihiers et par les élus de la commune de Lys-Haut-Layon, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les inquiétudes exprimées par des associations et fédérations du monde agricole ou du secteur de l’énergie, ainsi que par certaines collectivités territoriales, à propos de la situation critique que connaît la filière de méthanisation en cogénération, qui produit de l’électricité et de la chaleur. J'associe à ma question de nombreux collègues, dont la députée du Lot Huguette Tiegna, présente à mes côtés.
Dans un contexte inflationniste qui entraîne une évolution très importante des coûts de production, les méthaniseurs en cogénération ont de plus en plus de mal à atteindre l’équilibre économique. Cela met en péril toute une filière. En effet, le tarif d’achat de l’électricité par EDF n’est plus adapté et la sortie de ces contrats de rachat n’est pas possible sans pénalités prohibitives.
Pourtant, la cogénération représente près des deux tiers des installations de méthanisation en France. En 2022, près de 1 000 unités ont permis la production de 8 térawattheures de biogaz. Le projet de stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) propose un objectif de production de 50 térawattheures en 2030.
Afin que les sites de cogénération en difficulté financière ne soient pas contraints d'arrêter leur activité, il est indispensable de prendre des mesures pour pérenniser ces outils de production d'énergie renouvelable, soit en prévoyant des modalités de réindexation du tarif de rachat d'électricité pour rééquilibrer leur modèle économique, soit en permettant de sortir des contrats EDF sans pénalités, ce qui réduirait les coûts pour l'État – car celui-ci subventionne ces contrats – et permettrait de valoriser un gaz renouvelable au moyen d'un mécanisme de marché sans aucun coût pour les finances publiques.
Madame la ministre déléguée, quelles solutions envisagez-vous pour sécuriser efficacement la production de biogaz et permettre au Gouvernement d'atteindre les objectifs de la transition énergétique tout en soutenant les agriculteurs ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Madame la députée, vous m'interpellez sur les solutions envisagées par le Gouvernement pour sécuriser la production de biogaz. Comme vous l'avez rappelé, nos actions sont nombreuses et massives, notamment grâce au dispositif d'achat à tarif réglementé du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel mis en place en 2011. Le tarif d'achat a été révisé à la hausse en 2023. Par ailleurs, l'obligation d'achat après appel d'offres du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel a été instaurée fin 2023, avec un premier appel d'offres dont l'échéance est le 15 février. Enfin, il existe un soutien extrabudgétaire exceptionnel qui s'apparente à une obligation d'incorporation : pour accélérer la méthanisation, une obligation de restitution de certificats de production de biogaz (CPB) a été imposée aux fournisseurs de gaz naturel.
Vous avez évoqué par ailleurs le cas des producteurs d'électricité à partir de biogaz. Cet usage du biogaz est soutenu depuis 2006, notamment par l'arrêté tarifaire dit BG16, qui fixe les conditions d'achat de l'électricité issue d'installations d'une puissance inférieure à 500 kilowatts utilisant à titre principal du biogaz produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matières végétales brutes. Un nouvel arrêté tarifaire est à l'étude pour en étendre le champ d'application aux projets d'une puissance allant jusqu'à 1 mégawatt. Après notification de ce mécanisme à la Commission européenne, il pourra être mis en place et soutenir nombre de nouvelles installations de production d'électricité à partir de biogaz par méthanisation. Comme vous l'appelez de vos vœux, cela bénéficiera au monde agricole.
Pour les contrats en vigueur, le tarif d'achat de l'électricité a été relevé en décembre dernier pour tenir compte de la hausse des coûts supportée par ses installations et jugée insuffisamment répercutée dans les tarifs de 2023. Un autre arrêté est envisagé pour octroyer à ces installations une prime temporaire tenant compte de la hausse des coûts des intrants, à la différence des tarifs d'achat de 2023.
Le soutien du Gouvernement au biométhane est donc massif, avec un engagement pour les finances publiques qui dépasse la dizaine de milliards d'euros et qui sera complété par le mécanisme des certificats d'incorporation des biogaz. Le ministère de l'économie et des finances, notamment l'administration chargée de l'énergie, demeure à votre disposition, madame la députée, pour échanger dans les prochaines semaines sur ce sujet important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul.
Mme Laetitia Saint-Paul. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre déléguée. Le fait qu'il soit quasiment impossible de sortir des contrats d'EDF alors que cette entreprise a peu investi, voire n'a pas investi du tout, dans le développement des méthaniseurs sous contrat, reste un vrai problème. Quoi qu'il en soit, je salue l'arrivée de Mme Agnès Pannier-Runacher comme ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture, car agriculture et énergie sont des sujets intimement liés.
Auteur : Mme Laetitia Saint-Paul
Type de question : Question orale
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2024