16ème législature

Question N° 564
de M. Philippe Fait (Renaissance - Pas-de-Calais )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Problématiques de la filière pêche suite au Brexit

Question publiée au JO le : 06/02/2024
Réponse publiée au JO le : 14/02/2024 page : 1001
Date de changement d'attribution: 20/02/2024

Texte de la question

M. Philippe Fait appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les inquiétudes exprimées par le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins des Hauts-de-France (CRPMEM). Ces préoccupations soulignent les défis persistants auxquels font face les acteurs de la filière halieutique dans le contexte post-Brexit. Trois ans après le référendum sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, la situation des pêcheurs et de l'ensemble de la profession demeure incertaine. En effet, la façade Manche mer du Nord, du fait de sa proximité avec la frontière britannique, présente des difficultés particulières. Le déplacement de l'effort de pêche des navires européens vers les 6-12 milles nautiques français suite au Brexit a entraîné des démarches considérables pour la réattribution des licences de pêche. Malheureusement, tous les navires n'ont toujours pas obtenu à ce jour ces licences et pour ceux qui les détiennent, des exigences constantes de nouvelles pièces justificatives ainsi que de nouvelles contraintes réglementaires ont été imposées, ajoutant une complexité et une lourdeur administrative inattendue. Aussi, les consultations fréquentes du Marine Management Organisation (MMO), chargé par le Royaume-Uni de réglementer la pêche, soulèvent également des préoccupations. Ces consultations, axées sur l'analyse des caractéristiques des flottilles européennes, semblent se concentrer davantage sur la collecte de données que sur l'amélioration de la cohabitation des flottilles, laissant présager des négociations futures difficiles en 2026. Malgré la coopération des Européens, en particulier de la France, dans ces consultations techniques, le manque d'équité actuel risque de perturber les équilibres économiques et naturels de la façade maritime. La concentration des flottilles dans les eaux françaises risque fortement d'entraîner une surpêche, avec des conséquences économiques graves pour l'ensemble de la filière. Outre les contraintes techniques, de nouvelles zones d'exclusion pour la pêche sont régulièrement introduites, notamment pour la protection des oiseaux et des marsouins. Ces zones, souvent situées aux frontières des eaux européennes, soulèvent des questions quant à la justification écologique de telles mesures. Il est tout de même à noter que le Royaume-Uni, bien qu'étant devenu un pays tiers suite au Brexit, continue de bénéficier du marché européen, tandis que les filières française et européenne font face à des contraintes croissantes. Aucune exigence réglementaire ou technique n'est mise en place envers les Britanniques. Dans ce contexte, le manque de visibilité sur les accès aux zones de pêche affecte moralement les professionnels de la mer et nuit fortement à l'image positive de la filière. Dans un contexte où l'Union européenne importe une part significative de ses produits de la mer, provenant de divers pays aux normes environnementales plus que variables, il est impératif d'agir rapidement pour rétablir l'équilibre et permettre à la filière de négocier d'égal à égal avec les partenaires britanniques. Il semble indispensable à M. le député de porter ces éléments à la connaissance de M. le ministre. La survie de l'ensemble de la filière halieutique et de la souveraineté alimentaire de la France est en jeu et la mobilisation de M. le ministre est vitale. Il s'avère primordial que la Gouvernement interpelle la Commission européenne dans le but d'obtenir des informations sur ses intentions et actions envisagées en vue de réagir et de protéger le secteur économique en question. Cette intervention serait grandement appréciée, car elle contribuerait à clarifier la position de la Commission européenne et à assurer une protection adéquate en faveur de la pêche Française. Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur le sujet.

Texte de la réponse

FILIÈRE HALIEUTIQUE


Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Fait, pour exposer sa question, n°  564, relative à la filière halieutique.

M. Philippe Fait. Tout au long du mois de janvier, les agriculteurs ont fait entendre leur grogne et leurs préoccupations. Le Gouvernement les a entendus et a répondu, à juste titre, à leurs inquiétudes, l'enjeu sous-jacent étant la souveraineté alimentaire de notre pays. Or, lorsque l'on parle de souveraineté alimentaire, il ne faut pas oublier le monde de la pêche et la filière halieutique, filière primordiale qui a toujours fait la fierté de notre pays. Je souhaite porter la voix de cette filière.

Les pêcheurs de la coopérative maritime étaploise et du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) des Hauts-de-France m'ont fait part de leur quotidien dans le contexte post-Brexit : l'incertitude règne. Boulogne-sur-Mer est le port le plus important d'Europe ; Étaples-sur-Mer abrite également une grande communauté de pêcheurs. Leur déclin est préoccupant pour toute la filière, donc pour tout le pays.

À ces professionnels, les restrictions que les Britanniques imposent aux pêcheurs français et européens semblent illégitimes et, surtout, asymétriques. Il en découle un fort sentiment d'injustice. Au large du Royaume-Uni, les zones de pêche accessibles aux Européens s'amenuisent, en raison de l'augmentation du nombre d'aires marines protégées. Si la protection des écosystèmes est, bien entendu, essentielle et pertinente, ces mesures sont contre-productives, car elles entraînent une surpêche localisée dans les zones autorisées.

C'est pourquoi je me tourne vers le Gouvernement, en particulier vers le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité. Les pêcheurs vous demandent de négocier avec les Britanniques ou, à défaut, de leur imposer, au large de l'Europe, des contraintes similaires à celles qu'ils nous imposent.

À ces difficultés post-Brexit s'ajoute la politique commune de la pêche (PCP) européenne, qui impose contrôles, quotas et règles pour préserver les écosystèmes marins. Là encore, les mesures n'atteignent pas leur objectif, puisque, faute de pouvoir satisfaire la demande, le marché se tourne vers l'importation de produits de pêche à partir de pays extracommunautaires moins regardants sur leurs pratiques.

La survie de l'ensemble de la filière halieutique et notre souveraineté alimentaire sont en jeu. La mobilisation du Gouvernement est vitale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je vous réponds au nom de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et d'Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité.

Depuis l'adoption du Fisheries Act, en janvier 2021, le gouvernement britannique s'est lancé, par l'intermédiaire de la Marine Management Organisation, dans un projet de réglementation des activités de pêche dans les aires marines protégées (AMP) qui relèvent de son autorité. Plusieurs consultations publiques ont été lancées à ce sujet, auxquelles la France a activement répondu. L'une d'elles a donné lieu à la publication par le gouvernement britannique d'une réglementation restreignant la pêche de fond, à compter du 22 mars prochain, dans treize AMP des eaux britanniques.

La Commission européenne est informée de ces mesures. La France demande une analyse précise de leur conformité à l'accord de commerce et de coopération (ACC) qui régit les relations entre les deux parties.

Des échanges ont eu lieu avec les professionnels concernés, afin d'identifier les restrictions qui en découleraient, ainsi que leurs impacts sur l'activité de pêche française. Une réponse à cette consultation sera transmise aux autorités britanniques, rappelant la nécessité d'une concertation et d'un dialogue permanents.

Face à la multiplication des mesures unilatérales britanniques, la France est pleinement mobilisée et demande qu'une position plus forte soit prise par l'Union européenne vis-à-vis de toute réglementation susceptible d'affecter l'activité des navires européens et en particulier français dans les eaux britanniques.

Depuis le 1er janvier 2021 et la fin de la période de transition, le Royaume-Uni est considéré comme un État tiers à l'Union européenne, auquel s'applique l'ensemble des règles européennes relatives aux importations en provenance de tels pays, y compris les positions tarifaires. Le droit européen et international ne permet pas d'imposer au Royaume-Uni des contraintes supplémentaires qui ne s'appliqueraient pas à d'autres États tiers.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Fait.

M. Philippe Fait. Pour rappel, Hervé Berville s'était déplacé à Boulogne-sur-Mer dès juillet 2022, dans les premiers jours suivant sa nomination en tant que secrétaire d'État, afin de rencontrer des pêcheurs. La filière, dont je me fais le porte-voix, l'invite à revenir à Étaples-sur-Mer, dans le Montreuillois, dès que son agenda le permettra.