Question orale n° 565 :
Privatisations d'hôpitaux et désertification médicale au sein de l'Aube

16e Législature

Question de : M. Jordan Guitton
Aube (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Jordan Guitton interroge Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la privatisation de nombreux parkings d'hôpitaux publics et sur la désertification médicale dans le département de l'Aube. Depuis des mois, de plus en plus de parkings d'hôpitaux publics sont privatisés au détriment de l'accès au service public de santé à cause de prix élevés de stationnement. Pour de nombreux hôpitaux, à l'instar de celui de Troyes, le stationnement est devenu payant et les prix s'accentuent année après année. Il est nécessaire d'agir sur cette problématique qui impacte l'accès aux soins pour de nombreux Français. De surcroît, les Français font face à une perte de leur pouvoir d'achat, notamment à cause de l'augmentation de la facture énergétique et de la hausse des prix alimentaires. En plus de cette situation, la désertification médicale de l'Aube s'intensifie, sur les trois dernières années, le département a perdu plus de dix généralistes dont la moyenne d'âge est de 52 ans. Le temps moyen d'attente à l'hôpital de Troyes est 2 h 30, soit plus que la moyenne régionale. Face à cette attente, 16 patients par jour sont repartis des urgences sans avoir de soins en 2022. M. le député souhaiterait savoir si Mme la ministre compte agir sur ces privatisations qui empêchent l'accès aux soins pour certaines personnes. Il souhaiterait également connaître les mesures qui seront prises afin de lutter contre la désertification médicale au sein du département de l'Aube.

Réponse en séance, et publiée le 14 février 2024

DÉSERTIFICATION MÉDICALE DANS L'AUBE
Mme la présidente. La parole est à M. Jordan Guitton, pour exposer sa question, n°  565, relative à la désertification médicale dans l'Aube.

M. Jordan Guitton. Je tiens à faire part à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités des remontées de terrain et des nombreux témoignages que je reçois, dans ma circonscription de l'Aube, concernant la désertification médicale. C'est un sujet prioritaire. Depuis des mois, voire des années, de plus en plus de parkings d'hôpitaux publics sont privatisés et des tarifs de stationnement élevés y sont pratiqués, au détriment de l'accès au service public de la santé. Dans de nombreux hôpitaux, comme celui de Troyes, le stationnement est devenu payant et les prix s'accroissent année après année. Le temps d'attente dans les hôpitaux étant par ailleurs toujours plus long, le coût du stationnement augmente en conséquence.

Les Français font face à une perte de pouvoir d'achat, notamment à cause de l'augmentation de la facture énergétique et des prix alimentaires. Comment comptez-vous agir sur cette difficulté qui affecte l'accès aux soins pour de nombreux Français ?

Au-delà de cette situation, la désertification médicale s'intensifie depuis des années en France et dans l'Aube. Ces trois dernières années, ce département a perdu plus de dix médecins généralistes, et la moyenne d'âge de ceux qui restent est de 52 ans. À Troyes, le temps moyen d'attente à l'hôpital est de deux heures trente, davantage que la moyenne régionale. De ce fait, en 2022, seize patients sont repartis des urgences chaque jour sans avoir reçu de soins.

Dans ce contexte, de nombreux Aubois sont contraints de se rendre dans les hôpitaux de Reims ou de Dijon, à 150 ou 200 kilomètres – alors que le temps d'attente moyen aux urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims est de cinq heures quinze. Qu'allez-vous faire pour agir efficacement et lutter contre la désertification médicale dans l'Aube ? Face au manque de médecins, ferez-vous évoluer le numerus apertus, afin de former davantage de professionnels ?

Permettez-moi de poser une dernière question propre à ma circonscription – j'espère que vos services en prendront note. Je me suis rendu la semaine dernière dans une école maternelle d'Essoyes où, si la fermeture programmée d'une classe devait effectivement advenir, une institutrice se trouverait chargée d'une classe de vingt-six élèves, dont deux sont handicapés ; cela soulève évidemment des enjeux de solidarité et de santé. J'invite vos services à se rapprocher de ceux du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, pour revenir sur la décision de fermer une classe à Essoyes.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Je prends bonne note de votre question relative à l'école d'Essoyes ; nous vous apporterons une réponse, en concertation avec la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et avec le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Par ailleurs, nous entendons les angoisses qui s'expriment au sujet des déserts médicaux ; c'est là une difficulté réelle, qui touche toutes les familles et tous les territoires. De nombreux professionnels de santé se mobilisent avec détermination, aux côtés des élus locaux, pour lutter contre ce phénomène.

Nous devons tenir un discours de vérité : oui, nous manquons de professionnels de santé, et nous en manquerons encore pendant plusieurs années. Il n'y a pas de solution miracle. Pour autant, la formation est déjà en augmentation : entre 2021 et 2025, nous aurons formé en moyenne 10 300 nouveaux médecins chaque année, soit trois fois plus que sur la période 1993-1997, quand à peine 3 500 places étaient ouvertes par an.

Ce n'est toutefois pas suffisant. C'est pourquoi le Gouvernement, en partenariat avec les élus locaux – car rien ne se fait sans eux –, déploie de nouvelles organisations de soins, en ville et à l'hôpital. Du temps médical est libéré grâce à un meilleur partage des tâches, ce à quoi s'ajoutent des innovations numériques, quand elles sont possibles et nécessaires.

Le métier des médecins est d’être auprès de leurs patients et notre responsabilité est de leur donner davantage de moyens. C'est à cet effet que le nouveau métier d’assistant médical a été créé en 2019 ; depuis, 4 000 contrats d’assistants médicaux ont été signés pour apporter un soutien aux médecins. Nous accélérerons le recours à ce dispositif pour atteindre 10 000 assistants médicaux à la fin de l'année 2024. Grâce à eux, les médecins sont déchargés de tâches administratives qui ne constituent pas leur cœur de métier. Plus de 500 000 patients ont déjà trouvé un médecin traitant grâce à ce dispositif. Nous continuerons en outre à renforcer les exercices coordonnés.

Nous entendons donc lutter résolument contre les déserts médicaux : il y va de l'égalité entre nos concitoyens dans tous les territoires. Toutes les forces et les énergies sont les bienvenues pour combattre ce fléau.

Mme la présidente. La parole est à M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton. Merci pour vos réponses, madame la ministre déléguée, mais je suis un jeune député – j'ai été élu en juin 2022 – et je ne saurais m'en satisfaire. En septembre 2022, M. Braun, alors ministre de la santé et de la prévention, s'était rendu à Troyes et avait tenu exactement le même discours. Deux ans plus tard, nous n'avons vu aucune solution se concrétiser sur le terrain. Comme de coutume, nous entendons de belles paroles, mais elles ne se traduisent pas dans les actes.

Les habitants de ma circonscription s'inquiètent du vieillissement de leurs médecins. Quand des territoires de 20, 30 ou 40 kilomètres carrés ne comptent plus qu'un, deux ou trois généralistes âgés de plus de 50 ans, il y a lieu de s'interroger sur leur remplacement et sur le renouvellement des générations. Or les décisions que nous prenons aujourd'hui n'auront d'effet que dans dix ou quinze ans, le temps de former de nouveaux médecins – les députés du groupe Rassemblement national ont d'ailleurs voté la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, qui élargit les compétences des pharmaciens et des kinésithérapeutes, et qui institue la pratique avancée pour les infirmières.

J'attends enfin des réponses concernant l'hôpital public, et en particulier le prix du stationnement sur les parkings.

Données clés

Auteur : M. Jordan Guitton

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2024

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