Question orale n°568 : Natalité et ruralité

16ème Législature

Question de : M. Michel Guiniot (Hauts-de-France - Rassemblement National)

M. Michel Guiniot interroge Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur l'urgence de la politique nataliste française et la nécessité d'aborder la situation de façon particulièrement ambitieuse, tant pour les parents et que la société française. En effet, le bilan démographique de l'INSEE pour 2023 pointe un nombre de décès toujours plus haut et une natalité toujours plus basse, aboutissant à un solde naturel dérisoire. Aujourd'hui, les jeunes parents sont entre le marteau et l'enclume. Leur désir d'enfant est particulièrement marqué, selon une étude récente de l'UNAF. Mais qu'ils souhaitent continuer leur activité ou s'arrêter pour élever leur enfant, les solutions sont insuffisantes. Et les conséquences à long comme court terme sont importantes. Dans l'Oise, un millier d'enfants manquent à l'appel dans le système scolaire, déjà en pénurie d'enseignants. La désertification des territoires ruraux, le manque de solutions de garde du jeune enfant, les fermetures de classes et un accompagnement financier trop faible de la part de l'État n'encouragent pas les parents à avoir des enfants. Il souhaite donc savoir quelles seront les mesures à destination de la ruralité afin d'encourager à la natalité et de maintenir un système scolaire omniprésent.

Réponse en séance, et publiée le 14 février 2024

NATALITÉ ET RURALITÉ
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Guiniot, pour exposer sa question, n°  568, relative à la natalité et à la ruralité.

M. Michel Guiniot. Selon le bilan démographique de l’Insee pour 2023, le nombre de décès ne cesse d’augmenter, tandis que celui des naissances ne cesse de chuter. Le solde naturel est tombé à 47 000 individus pour une population de 68 millions de personnes – un chiffre dérisoire. Quant au solde migratoire, établi provisoirement à 183 000 personnes, il permet de freiner la décrue de la population en France, mais pas celle de la population française. Selon l'Institut Montaigne, 60 % des Français s'inquiéteraient de la baisse de la natalité.

Les jeunes parents se retrouvent entre le marteau et l'enclume. Une étude récente de l'Unaf (Union nationale des associations familiales) fait état d'un fort désir d'enfant mais d'un accompagnement insuffisant après la naissance. En effet, s'ils souhaitent reprendre leur activité professionnelle, ils peuvent en être empêchés du fait de la saturation des modes d'accueil du jeune enfant dans les petites villes et de leur quasi-inexistence à la campagne. Dans ma circonscription du Noyonnais, pas moins de quatre-vingts assistantes maternelles sont parties depuis 2021.

Mais si, d'un autre côté, ils veulent arrêter de travailler pour élever leurs enfants, l'État ne leur verse que 429 euros par mois, ce qui ne leur permet pas d'assurer l'équilibre financier de leur foyer. C'est particulièrement vrai pour les classes moyennes qui ne sont pas assez riches pour vivre bien et pas assez pauvres pour percevoir des aides.

Concrètement, il manque 200 000 places de garde d'enfants, ce qui n'encourage pas les parents à en avoir ! Cette carence a des conséquences directes pour le système scolaire : moins d'enfants, ce sont moins d'élèves, donc moins de classes – chacun comprend la logique. Chaque matin, dans nos campagnes, après les cloches des églises, ce sont celles des écoles qui sonnent. Hélas, dans l'Oise, près de 1 000 élèves manqueront à l'appel lors de la prochaine rentrée, ce qui conduira à fermer soixante-trois classes et à supprimer trente-trois postes d'enseignants, et se traduira par une désertification mortifère de nos petits villages.

Si les parents n'ont pas la garantie de pouvoir scolariser leurs enfants là où ils vivent, ils ne seront pas incités à en avoir – ou alors en cédant à l'appel de la ville, une fois de plus. Le problème touchera bientôt les collèges et les lycées, qui seront à leur tour confrontés à la pénurie d'élèves, en plus de la pénurie de professeurs.

À terme, c'est le marché de l'emploi français qui sera mis à mal, si bien que nous dépendrons encore davantage de la main-d'œuvre étrangère. L'abandon par les services publics des territoires ruraux, les fermetures de classes et la faiblesse de l'accompagnement financier proposé par l'État ne sont pas des signes très engageants pour les parents. Fonder une famille est le choix d'une vie, mais la situation économique et sociale actuelle ne permet pas à tous les parents de le faire.

J'ai beau scruter la feuille verte, madame la ministre déléguée, je ne vois pas les familles françaises à l'ordre du jour. Où sont les enseignements du rapport de la commission des 1 000 premiers jours ? Où est le droit opposable à la garde d'enfants, voulu par M. Macron en 2022 ? Où est le service public de la petite enfance, souhaité par Mme Borne en 2023 ?

Quelles mesures comptez-vous prendre pour favoriser la natalité, y compris pour les classes moyennes et aisées, particulièrement dans les zones rurales ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Vous le savez, ma mission auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, Mme Vautrin, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Mme Belloubet, et du garde des sceaux, M. Dupond-Moretti, consiste précisément à répondre aux angoisses des familles. Vous avez évoqué plusieurs de leurs craintes, que nous devons apaiser. Notre objectif est de rendre confiance aux familles pour qu'elles puissent accueillir des enfants dans de bonnes conditions, car c'est ce qui donne élan, espoir et force à notre pays.

La France accuse en 2023 une baisse de la natalité sans précédent : seules 680 000 naissances ont été enregistrées, soit une baisse de plus de 6 % par rapport à 2022. Le solde démographique n'a jamais été aussi bas. Le Gouvernement est déterminé à prendre des mesures pour relancer la démographie en accompagnant, dans tout le territoire, l'ensemble des familles, qu'elles appartiennent ou non aux classes moyennes.

Les raisons de cette situation sont multiples. La fertilité baisse, du fait de l'arrivée plus tardive du premier enfant. Les parents ont du mal à trouver un mode de garde, en milieu rural comme urbain. La solidarité familiale s'exerce plus difficilement car les familles sont parfois contraintes de changer de région pour des raisons professionnelles, sans parler des incertitudes liées au contexte économique ou écologique. C'est pourquoi le Gouvernement mobilise plusieurs leviers d'action.

Des mesures ont d'ores et déjà été annoncées en 2023 : l'allongement du congé paternité à vingt-cinq jours, l'instauration d'entretiens prénatal et postnatal précoces pour accompagner les parents, ou encore la création de nombreux supports d'information pour répondre à leurs éventuelles angoisses.

Il faudra toutefois aller plus loin dans l'installation d'un service public de la petite enfance. Ce sera l'une de mes priorités. Monsieur le député, la liste de nos actions à venir est encore longue.

Données clés

Auteur : M. Michel Guiniot (Hauts-de-France - Rassemblement National)

Type de question : Question orale

Rubrique : Démographie

Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2024

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