16ème législature

Question N° 572
de M. Philippe Latombe (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Vendée )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > propriété intellectuelle

Titre > Locations saisonnières et droits de propriété intellectuelle

Question publiée au JO le : 02/08/2022 page : 3604
Réponse publiée au JO le : 06/09/2022 page : 3954

Texte de la question

M. Philippe Latombe rappelle à Mme la ministre de la culture que, selon une jurisprudence constante de la CJUE (la plus récente du 2 avril 2020, Affaire C-753/18) que ni les services du ministère ni la Sacem ne sauraient ignorer, cette société civile n'est pas fondée à réclamer le paiement de droits de propriété intellectuelle pour la seule mise à disposition d'un poste de radio, d'une télévision ou d'un lecteur CD dans une location saisonnière. Or la presse s'est récemment fait l'écho de manœuvres et de courriers menaçants de la Sacem à l'encontre des propriétaires concernés pour leur réclamer le paiement de droits de propriété intellectuelle. N'ayant aucune prérogative de puissance publique, les agents de la Sacem n'ont pourtant aucunement le droit de pénétrer de leur propre initiative dans des lieux privés non ouverts au public et de tels comportements pourraient donc relever de la violation de domicile par manœuvres, délit réprimé par l'article 226-4 du code pénal. Il rappelle à Mme la ministre que les propriétaires de locations saisonnières sortent de deux années difficiles et souhaite donc savoir si, contrairement à ses prédécesseurs, elle se propose de prendre tout arrêté, circulaire, règlement, instruction écrite ou orale à ses services ou à la Sacem pour faire cesser ces troubles à l'état de droit et d'en assurer une publicité adéquate par un communiqué officiel. La prescription civile étant de cinq ans, il lui demande si elle envisage également d'organiser les modalités d'un remboursement automatique de tous les propriétaires indûment prélevés depuis cinq ans et de signaler à l'autorité judiciaire les faits délictueux dont elle aurait à prendre connaissance sur ce sujet, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Texte de la réponse

Le code de la propriété intellectuelle (CPI) reconnaît aux titulaires de droits de la musique des droits patrimoniaux sur leurs œuvres, prestations ou phonogrammes. Les sommes dont le paiement est aujourd'hui réclamé par la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) aux exploitants d'hébergements touristiques (hôtels, résidences de tourisme, chambres d'hôtes, gîtes et meublés de tourisme) qui procèdent à des diffusions musicales dans leurs parties communes ou leurs chambres couvrent non seulement la rémunération due aux auteurs et compositeurs mais aussi la rémunération, dite « rémunération équitable », due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes au titre de la diffusion publique des phonogrammes du commerce. L'intervention de la SACEM est juridiquement fondée, s'agissant des droits d'auteur, sur l'article L. 122-2 du CPI qui soumet à l'autorisation de l'auteur la représentation de son œuvre, laquelle consiste dans la « communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque ». La Cour de cassation a précisé que l'hôtelier qui met à la disposition de ses clients un appareil permettant la réception de programmes de télévision réalise un acte de communication au public soumis à autorisation des auteurs et partant, au paiement de redevance y afférente (Civ. 1ère, 14 janvier 2010). De même, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la distribution d'un signal au moyen d'appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication soumis au droit d'auteur (CJUE, 7 décembre 2006, C 306/05). Les rémunérations versées aux auteurs ne constituent en aucun cas une taxe ou une redevance de nature fiscale et les organismes de gestion collective chargés de percevoir ces rémunérations, dont la SACEM, constituent des entités de droit privé et non des établissements placés sous la tutelle du ministère de la culture. Si ce dernier dispose d'un pouvoir de contrôle sur ces organismes, il ne lui appartient pas de se prononcer sur le bien-fondé de leur politique de gestion des droits. Le ministère de la culture est néanmoins attentif à ce que ces organismes prennent en compte les préoccupations exprimées par les utilisateurs de son répertoire, notamment au regard de l'économie des exploitations modestes. À cet égard, la SACEM a introduit en 2014 un système de tarification simplifié réservé aux petits établissements d'hébergement touristique disposant de 10 chambres ou moins, ainsi qu'aux chambres d'hôtes et gîtes. Le montant de ce forfait annuel, soit 120,11 € HT en 2022 au titre des droits d'auteur, tend à harmoniser le traitement de ces petites structures. Ce forfait a été établi par référence au minimum applicable aux établissements hôteliers. Il convient en effet de s'assurer que le traitement spécifique accordé aux établissements d'hébergement touristique n'induise pas de distorsion de concurrence au détriment des exploitants d'établissements hôteliers. Il apparait souhaitable que la SACEM poursuive ses efforts de simplification des modalités d'accès aux œuvres et de partenariat avec les exploitants du secteur touristique, sans pour autant priver les auteurs de leurs droits et de la juste rémunération de leur activité créatrice. À cet égard, la SACEM poursuit actuellement des discussions avec les principales fédérations et associations représentant les acteurs de l'hébergement touristique en vue d'adapter les conditions de son intervention à la réalité des exploitations les plus modestes. Ces échanges portent également sur les voies possibles d'une centralisation des démarches et du paiement des redevances de droits d'auteur via ces fédérations ou associations.