Question orale n°573 : Adaptation de la loi SRU aux réalités des territoires

16ème Législature

Question de : Mme Estelle Folest (Ile-de-France - Démocrate (MoDem et Indépendants))

Mme Estelle Folest interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement, sur les modalités d'adaptation de la loi SRU aux réalités des territoires. Il y a plus de 20 ans, la loi SRU a modifié en profondeur le droit de l'urbanisme et du logement en France. Son article 55 impose à la plupart des communes urbaines de plus de 1 500 habitants de disposer d'au moins 25 % de logements sociaux. Malgré quelques modifications, cette loi reste extrêmement rigide et ne prend pas suffisamment en compte la réalité et les spécificités de certaines communes. Premier exemple : les communes dont la moitié du « territoire urbanisé » est inconstructible sont exemptées de leurs obligations en matière de production de logements sociaux. Une ville comme Deuil-La Barre (95) ne peut donc pas être exemptée parce que seulement 38 %, et non la moitié, de son territoire sont soumis à une interdiction de construire des bâtiments à usage d'habitation en raison des nuisances de l'aéroport de Roissy et d'un plan d'exposition au bruit en vigueur. Pour les communes dont le territoire urbanisé approche la barre des 50 % d'inconstructibilité sans pour autant l'atteindre, aucun régime dérogatoire n'est prévu par la loi. Second exemple : les critères d'exemption au titre de l'inconstructibilité ne sont pas exhaustifs et ne prennent pas en compte l'ensemble des situations. Le « territoire urbanisé » d'une ville comme Enghien-les-Bains (95) n'atteint pas la barre des 50 % d'inconstructibilité au regard de la loi alors qu'en réalité, la surface « non constructible » de la commune constitue plus des deux tiers de son territoire si l'on compte, en plus du lac et de ses abords, les espaces paysagers à protéger, la zone naturelle et forestière et la zone soumise à un plan d'exposition au bruit. Elle lui demande si le Gouvernement pourrait envisager de revoir les modalités d'application du quota de 25 % de logements sociaux en mettant en place un régime dégressif en fonction du taux de constructibilité des territoires ; cela permettrait une appréhension plus fine de la réalité de certaines communes, lesquelles paient aujourd'hui, d'une manière que l'on peut considérer injuste, de très lourdes amendes.

Réponse en séance, et publiée le 28 février 2024

LOI SRU
M. le président . La parole est à Mme Estelle Folest, pour exposer sa question, no 573, relative à la loi SRU.

Mme Estelle Folest . Cela fait maintenant plus de vingt ans que nous avons modifié en profondeur le droit de l'urbanisme et du logement par l'adoption de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. Tout en souscrivant à l'ambition de disposer d'au moins 25 % de logements sociaux au niveau national, nous devons reconnaître que la loi est bien trop rigide à l'échelle des communes, car elle ne prend pas suffisamment en compte la réalité du terrain.

J'en veux pour preuve la commune de Deuil-la-Barre, située dans ma circonscription, dont 38 % du territoire est soumis à l'interdiction de construire des bâtiments à usage d'habitation en raison de nuisances aéroportuaires. Ses obligations en matière de construction de logements sociaux au titre de la loi SRU s'appliquent malgré tout, alors qu'elle en serait totalement exemptée si elle atteignait 50 % d'inconstructibilité. Pour résumer : à 50 %, on ne construit plus rien ; à 38 %, il n'y a aucun régime dérogatoire.

Voici un autre exemple, celui d'Enghien-les-Bains, appartenant aussi à ma circonscription. Son territoire urbanisé n'atteint pas la barre des 50 % d'inconstructibilité au regard de la loi ; pourtant, la surface non constructible de la commune constitue en réalité plus des deux tiers de son territoire si l'on compte, en plus du lac et de ses abords, les espaces paysagers à protéger, la zone naturelle et forestière, et la zone soumise à un plan d'exposition au bruit (PEB).

Monsieur le ministre, il nous faut parvenir à une appréhension plus fine de la réalité des communes. À cette fin, le Gouvernement pourrait-il envisager de revoir les modalités du quota de 25 % de logements sociaux en instaurant un régime dégressif en fonction du taux de constructibilité des territoires ? Vous en conviendrez, le système en vigueur est à la fois injuste et mal calibré.

M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . Vous savez que je suis très attaché à la loi SRU.

Mme Estelle Folest . Moi aussi !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Dans le cadre des obligations de production de logements sociaux issues de l'article 55 de cette loi, le mécanisme d'exemption des communes connaissant un régime d'inconstructibilité sur la majeure partie de leur territoire urbanisé vise à prendre en compte la situation particulière de certains territoires soumis à d'importantes contraintes, sans renoncer à l'ambition d'une répartition équilibrée de l'offre sociale à l'échelle nationale. Je crois que nous souscrivons tous deux à cet objectif.

Si le législateur a fixé un seuil de 50 % de surfaces inconstructibles, cela ne signifie pas pour autant qu'une commune le dépassant serait exonérée de toute obligation de production d'une offre sociale. En effet, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, a imposé une servitude de mixité sociale à l'ensemble des communes exemptées au titre de l'inconstructibilité : toute opération de construction d'immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher sur leur territoire doit comprendre au moins 25 % de logements sociaux. L'équilibre ainsi trouvé par le législateur consiste donc à substituer une obligation en flux à l'obligation en stock lorsqu'une commune, du fait des contraintes de son territoire, dispose d'une marge de manœuvre trop limitée pour rattraper son déficit de logements sociaux. Cette évolution me semble pertinente.

Par ailleurs, la loi dite 3DS a permis de prendre en considération la réalité de certains territoires en renforçant le panel des motifs pris en compte pour caractériser l'inconstructibilité, auxquels ont été intégrés, par exemple, les zones de recul de trait de côte et les périmètres de protection immédiats des points de captage.

Les communes rencontrant des difficultés à respecter leurs obligations peuvent également signer un contrat de mixité sociale (CMS) leur permettant, sur la base d'engagements précis et ambitieux et d'un constat partagé avec les services de l'État, d'aménager leurs objectifs de rattrapage. Elles ne doivent pas hésiter à y recourir. En effet, un régime de taux dégressifs définis en fonction du taux de constructibilité du territoire pourrait être créateur de complexités importantes, mais les contrats de mixité sociale permettent déjà de prendre en compte plus finement les besoins des communes concernées.

Enfin, je tiens à vous sensibiliser à la nécessité de la loi SRU. On parle aujourd'hui de crise du logement à l'échelle nationale, et on insiste sur la production de logements. Or un logement social sur deux est construit grâce à la loi SRU. Plus nous allégerons cette loi, moins nous construirons de logements sociaux et de logements tout court.

M. le président . La parole est à Mme Estelle Folest.

Mme Estelle Folest . Je comprends l'objectif de construction de 25 % de logements sociaux et je sais que nos compatriotes y sont attachés. Loin de moi l'idée de le remettre en cause ; je souhaite simplement l'adapter à la réalité des communes.

Je connais bien les contrats de mixité sociale – je pense notamment à une des communes de ma circonscription qui s'est engagée dans ce processus – et suis donc consciente de leurs avantages. Toutefois, je trouve qu'on demande beaucoup aux maires, étant donné le prix du foncier et la présence de zones inconstructibles. Ils sont soumis à des injonctions contradictoires : on leur demande de construire, mais de ne pas artificialiser, ou encore de bâtir à tout va alors qu'ils ne maîtrisent pas le niveau de peuplement de leur commune. Il convient donc de faire preuve d'une certaine souplesse. J'insiste notamment sur les notions de proportionnalité et de dégressivité ; même si la loi 3DS a connu des aménagements pour encourager la construction de logements sociaux au-delà du seuil de 50 % d'inconstructibilité, la différence entre une commune à 38 % d'inconstructibilité et une commune à 50 % reste majeure. Il y a deux types de communes : celles qui construisent et celles qui ne construisent pas. Une dégressivité des obligations – à partir de 38 ou 40 % d'inconstructibilité, par exemple – serait bienvenue.

Données clés

Auteur : Mme Estelle Folest (Ile-de-France - Démocrate (MoDem et Indépendants))

Type de question : Question orale

Rubrique : Urbanisme

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2024

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