16ème législature

Question N° 574
de Mme Maud Petit (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Val-de-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Outre-mer
Ministère attributaire > Outre-mer

Rubrique > santé

Titre > Problématiques sanitaires liées au pesticide chlordécone

Question publiée au JO le : 20/02/2024
Réponse publiée au JO le : 28/02/2024 page : 1194

Texte de la question

Mme Maud Petit appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer, sur la problématique sanitaire du chlordécone. Entre 1972 et 1993, le chlordécone a été utilisé dans la lutte contre le charançon de la banane, aux Antilles. Reconnu dangereux, le pesticide avait pourtant été interdit aux États-Unis d'Amérique, puis en France dès 1990. De nombreuses plaintes ont été déposées pour empoisonnement et mise en danger de la vie d'autrui. Malgré l'ordonnance de non-lieu, il existe une reconnaissance d'un scandale sanitaire ayant un impact humain, sanitaire, environnemental et économique. La pollution des sols et des eaux, qui perdure, provoque encore aujourd'hui une augmentation significative des cancers de la prostate, des malformations congénitales, du taux de naissances prématurées, des cas d'infertilité. Il faut saluer les différents plans qui ont été mis en œuvre par l'État et qui s'attachent à en atténuer les conséquences, ainsi qu'à prévenir et mesurer les risques à venir. Cette année, une nouvelle étude de biosurveillance, Kannari2, suit l'évolution de l'exposition au chlordécone dans le temps. Mme la députée interroge ainsi Mme la ministre sur deux points. Premièrement, la stratégie d'information des populations concernant les tests sanguins mis à leur disposition, sans prescription en Guadeloupe et sur prescription en Martinique. Elle souhaite savoir si une campagne d'information ciblée pourrait être envisagée, à l'instar de ce qui est réalisé pour d'autres types d'examen, comme le dépistage du cancer du col de l'utérus. Elle souhaite également l'interroger sur le soutien et l'accompagnement par l'État des innovations et de la recherche, afin de lutter contre les effets du chlordécone. Actuellement, le laboratoire de l'université des Antilles travaille sur la transformation des algues sargasses, un autre fléau aux Antilles, en charbon actif aux propriétés de filtre. Ce charbon actif pourrait être efficace pour fixer les molécules de chlordécone et, ainsi, dépolluer les sols antillais.

Texte de la réponse

EFFETS DU CHLORDÉCONE


M. le président . La parole est à Mme Maud Petit, pour exposer sa question, no 574, relative aux effets du chlordécone.

Mme Maud Petit . Entre 1972 et 1993, le chlordécone a été utilisé dans la lutte contre le charançon de la banane aux Antilles. Reconnu dangereux, ce pesticide avait pourtant été interdit aux États-Unis, puis en France en 1990.

Je ne reviendrai pas sur les dérogations obtenues pour la poursuite de son utilisation au-delà de cette date, ni sur les nombreuses plaintes pour empoisonnement ou mise en danger de la vie d'autrui ; elles ont abouti à un non-lieu en 2023, malgré la reconnaissance d'un scandale sanitaire ayant un impact humain, sanitaire, environnemental et économique.

Cette pollution des sols et des eaux perdure et provoque encore une augmentation significative des cancers de la prostate et des malformations congénitales, ainsi qu'un taux élevé de naissances prématurées et de cas d'infertilité.

Il faut saluer les différents plans mis en œuvre par l'État, qui s'attachent à en atténuer les conséquences ainsi qu'à prévenir et à mesurer les risques à venir. Je salue l'annonce récente du lancement d'une nouvelle étude de biosurveillance, appelée Kannari 2, qui suivra l'évolution de l'exposition au chlordécone dans le temps.

J'ai deux questions, monsieur le ministre. En premier lieu, des tests sanguins sont mis à disposition de la population antillaise, sur prescription en Guadeloupe, sans prescription en Martinique. Or beaucoup de nos concitoyens m'ont dit qu'ils ne connaissaient pas l'existence de ces tests. Peut-on envisager une campagne d'information ciblée, par l'envoi de courriers à domicile, par exemple, afin que les Antillais puissent procéder, s'ils le souhaitent, à ces tests, pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie ? Ces courriers sont déjà utilisés pour d'autres types d'examen, comme l'incitation au dépistage du cancer du col de l'utérus.

En second lieu, le laboratoire de l'université des Antilles travaille sur la transformation des algues sargasses, autre fléau aux Antilles, en charbon actif aux propriétés de filtre. Ce charbon actif pourrait être efficace pour fixer les molécules de chlordécone et, ainsi, dépolluer les sols antillais. Personne n'en parle jamais. Comment accompagner et soutenir la recherche et l'industrie locales, à travers cet exemple d'innovation qui résoudrait simultanément deux problèmes majeurs pour ces territoires ?

Mme Clémence Guetté. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports. Les actions déployées par l'État et ses partenaires concernent tous les publics touchés par cette pollution, et le budget mobilisé est inédit sur la période 2021-2027. Initialement fixé à 92 millions d'euros, il atteint aujourd'hui 130 millions d'euros. En trois ans, plus de 28 millions d'euros ont été consommés dans le cadre du plan Chlordécone.

Les travaux de recherche financés par l'État sont amplifiés et une large communauté scientifique est mobilisée dans tous les domaines, que ce soit la santé des travailleurs, des femmes et des enfants, ou la dépollution des sols.

En ce qui concerne la dépollution des sols, vous évoquez un projet de l'université des Antilles, visant à utiliser les biochars de sargasses pour séquestrer le chlordécone dans les sols ; ce projet est soutenu par le plan Chlordécone.

Sans attendre, des solutions sont à portée de main pour stopper l'exposition au chlordécone. En effet, les travaux scientifiques nous ont appris deux choses. D'abord, le fait d'avoir de la chlordécone dans le sang ne signifie pas que l'on est malade ou que l'on risque de tomber malade ; la chlordécone s'élimine naturellement de l'organisme en stoppant les sources d'exposition. En l'absence d'exposition, le taux de chlordécone dans le sang est divisé par deux en moins de six mois. La priorité est donc d'agir sur l'alimentation, sans tourner le dos aux productions locales. Ensuite, tous les sols ne sont pas contaminés ; il est possible de cultiver des produits sains non sensibles, même quand il y a du chlordécone dans le sol.

Le Gouvernement agit, et la mobilisation de tous est nécessaire pour que, à terme, les populations antillaises puissent vivre sans « risque chlordécone ».

Pour finir, je rejoins votre proposition de campagne de communication, action qu'on pourrait imaginer tous ensemble.

Mme Clémence Guetté. Vous n'avez pas répondu à la question !