Question de : Mme Clémence Guetté
Val-de-Marne (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Clémence Guetté attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'expansion du tourisme polaire, rendue possible par un code polaire inefficace et sans ambition en pleine urgence climatique. Avec un réchauffement trois à quatre fois plus important que sur le reste de la planète, les pôles se transforment de manière alarmante et indéniable. Avant 2050, la banquise disparaîtra presque totalement en été, avec de lourdes conséquences pour les populations locales et les espèces qui y vivent. Cependant, le tourisme de luxe dans ces régions ne fait que croître. Le groupe Ponant, propriété de la famille Pinault, propose depuis 2021 des croisières en direction du pôle Nord, transportant à chaque fois près de 300 touristes. C'est plus de deux fois par voyage le nombre de passagers des croisières jusqu'alors. Un non-sens à la portée d'une minorité privilégiée, dans lequel les hébergements peuvent atteindre 115 mètres carrés et le coût aller jusqu'à 70 000 euros. Selon une étude parue dans Frontiers in forests and global change, les pôles font partie des 3 % d'endroits encore écologiquement intacts de la planète. Le développement de ce tourisme de luxe dans ces régions comporte donc de grands risques environnementaux. Le groupe Ponant insiste sur le fait que ses navires sont des navires hybrides électriques alimentés au gaz naturel liquéfié (GNL). Cependant, leur carburant principal, le gaz, reste une énergie fossile très émettrice de méthane, qui produit un effet de serre vingt-huit fois plus fort que le CO2. À cela, il convient d'ajouter également l'impact indirect des trajets aller-retour en avion entre les domiciles des passagers et le port d'embarquement. Chaque navire comprendra un laboratoire et accueillera des scientifiques, se défend le groupe. Cependant, l'itinéraire des croisières sera organisé autour du programme annoncé aux touristes. Ainsi, le rythme des voyages et de leurs arrêts ne respectera pas le temps nécessaire aux différents exercices scientifiques. L'expansion de ce tourisme polaire est aujourd'hui rendue possible par l'actuel code polaire, élaboré en 2017 par l'Organisation maritime internationale, dans laquelle la France compte sur une représentation permanente. Elle l'interroge donc sur ce que le Gouvernement compte entreprendre afin de faire adapter ce code polaire aux besoins de l'urgence climatique que l'on connaît et d'empêcher le développement de ce type de tourisme.

Réponse publiée le 18 avril 2023

Le Code polaire, appellation usuelle du Recueil de règles obligatoires pour les navires exploités dans les eaux polaires, est entré en vigueur le 1er janvier 2017. Il a été élaboré par l'Organisation maritime internationale (OMI), institution des Nations unies chargée d'assurer la sécurité et la sûreté des transports maritimes, seule enceinte compétente pour adopter des normes internationales obligatoires de navigation, afin de « renforcer la sécurité de l'exploitation des navires et d'atténuer son impact sur les gens et l'environnement dans les eaux polaires, qui sont éloignées, vulnérables et peuvent être inhospitalières » dans un contexte d'augmentation continue du nombre de navires exploités, les zones de l'Arctique et de l'Antarctique devenant des destinations de plus en plus prisées des touristes. La France a activement participé à son élaboration. Il contient un ensemble de règles rendues juridiquement obligatoires, conformément aux attentes de la France, par les amendements à la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS) adoptés en novembre 2014 et ceux apportés à la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Convention MARPOL) adoptés en mai 2015. Les amendements à la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW), adoptés en novembre 2017 sont, quant à eux, entrés en vigueur le 1er juillet 2018. Les prescriptions du Code polaire sont relatives à la sécurité des navires (mesures SOLAS : conception, construction, équipement de sécurité, exploitation, formation, recherche et sauvetage) et à la protection de l'environnement (mesures MARPOL : prévention des pollutions : interdiction ou stricte limitation des rejets d'hydrocarbures, de produits chimiques, d'eaux usées, d'ordures, de déchets alimentaires et de nombreuses autres substances). Elles s'appliquent à tous navires de commerce et à passagers de plus de 500 UMS (équivalent à 200 tonneaux), sauf pour les navires de pêche et les navires armés à la plaisance pour lesquels des discussions sont toujours en cours à l'OMI. L'entrée en vigueur d'un instrument de l'OMI a marqué un véritable tournant pour la protection du milieu polaire : il s'agit du premier règlement contraignant conçu spécialement pour la navigation en environnement glaciaire. Ce faisant, le Code polaire contribue directement à la sécurité de la navigation dans les eaux couvertes par les glaces en protégeant notamment la vie des équipages et des passagers. Il instaure également un régime solide visant à minimiser l'incidence de l'exploitation des navires sur l'environnement polaire. Concernant spécifiquement l'Antarctique, il convient de rappeler que le « Système du Traité sur l'Antarctique » (STA), fondé sur le Traité sur l'Antarctique du 1er décembre 1959 ("Traité de Washington"), s'applique au moins jusqu'à 60° de latitude Sud - ce qui correspond à la zone d'application du Code polaire. Or, si l'application du Code polaire est de la responsabilité des États du pavillon (et également des États du port dans certaines circonstances), l'Antarctique obéit à des spécificités techniques, tenant à l'absence d'infrastructures portuaires, et juridiques puisqu'il ne dispose pas, au sens strict, d'État du port au sens de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) pour appliquer les normes de navigation (principe selon lequel il revient à l'État de pavillon de faire respecter le droit national et international). Par ailleurs le STA instaure, à la différence des autres organisations régionales, un régime juridique propre et complet sui generis, extérieur au système des Nations unies (« gel » des droits de souveraineté territoriale et des revendications territoriales des sept « États possessionnés » dont la France, interdiction des activités militaires, liberté de la recherche scientifique et de la promotion de la coopération internationale scientifique, gestion des activités de pêche, création d'aires marines protégées, interdiction de toute activité relative aux ressources minérales, gestion de la collecte et de l'utilisation des ressources génétiques marines). Enfin, le STA recouvre la gestion des activités humaines, dont les activités touristiques qui sont soumises à autorisation et études d'impact environnemental préalables (art. 8 du Protocole au Traité sur l'Antarctique dit « Protocole de Madrid » relatif à la protection de l'environnement de 1991 et Annexe I au protocole). À cet égard, malgré les travaux en cours, les États parties consultatives (pouvoir décisionnel) au Traité de l'Antarctique n'ont pas réussi à obtenir un consensus permettant d'adopter une réglementation et une régulation des activités touristiques en Antarctique. En attendant un consensus devenu indispensable, la France, qui est engagée depuis plusieurs années au sein de la Réunion consultative du Traité sur l'Antarctique (RCTA) au renforcement de la régulation du tourisme en Antarctique, accentue ses efforts en faveur de l'adoption dans un avenir proche par les États parties au Traité d'une réglementation la plus ambitieuse et protectrice possible en la matière. La délégation française à la RCTA a ainsi organisé et accueilli, du 8 au 10 mars 2023 à Paris, un atelier informel dédié au tourisme en Antarctique (regroupant 38 participants représentant 19 Parties au Traité sur l'Antarctique - 17 Parties consultatives et 2 Parties non consultatives -, 4 observateurs et experts, ainsi qu'un expert extérieur), avec pour objectif d'encadrer davantage ce phénomène. Cet atelier visait l'adoption, par la 45e RCTA qui se tiendra à Helsinki du 28 mai au 8 juin 2023, d'une vision stratégique du tourisme en Antarctique ainsi que du programme de travail pour y parvenir. Il s'agit de pouvoir, à terme, disposer d'un arsenal de mesures permettant le respect, dans le cadre des activités touristiques, des principes et des règles adoptées dans le cadre du système du Traité sur l'Antarctique, principalement en matière de sécurité et de protection de l'environnement. À cet égard, la France agit en faveur d'un tourisme de croisière responsable : elle soutient la présence d'un observateur habilité par le Comité scientifique de la recherche antarctique (SCAR) à bord de chaque navire de croisière et travaille au plus près avec l'Association internationale des voyagistes en Antarctique (IAATO) pour en faire la règle. De même, elle encourage ses opérateurs touristiques nationaux travaillant en Antarctique - dont la compagnie du Ponant qui opère dans les eaux arctiques et antarctiques grâce à son navire à passagers Commandant Charcot et dont la coque de classe polaire lui permet de naviguer toute l'année dans des glaces pluriannuelles modérées - à adopter les approches les plus vertueuses possibles afin de réduire au maximum l'impact de leurs activités.

Données clés

Auteur : Mme Clémence Guetté

Type de question : Question écrite

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 21 février 2023
Réponse publiée le 18 avril 2023

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