16ème législature

Question N° 577
de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - NUPES - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Mer et biodiversité
Ministère attributaire > Mer et biodiversité

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Aides carburants à la pêche

Question publiée au JO le : 20/02/2024
Réponse publiée au JO le : 28/02/2024 page : 1191

Texte de la question

M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité, sur les aides carburants à la pêche : les effets de plafond des aides pour le secteur à 335 000 euros et la mise en œuvre concrète des 13 centimes.

Texte de la réponse

AIDE AUX PÊCHEURS


M. le président . La parole est à M. Sébastien Jumel, pour exposer sa question, no 577, relative aux aides aux pêcheurs.

M. Sébastien Jumel . L'ancien maire de Dieppe s'adresse à l'ancien maire de Dunkerque ; nous avons un point commun : le hareng. (Sourires.)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports. Oui, exactement ! Mais nous, nous les jetons !

M. Sébastien Jumel . Et nous, nous les vendons. Nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux ! (Sourires.)

Depuis des mois, les crises s'additionnent dans la pêche française. La filière, fragilisée, en proie au doute, est bien loin de voir se réaliser les promesses du Président de la République d'assurer notre souveraineté alimentaire. Je ne vous parlerai ni du Brexit, ni des quotas, ni de la pression administrative sur les pêcheurs, ni de la crise du golfe de Gascogne, où 450 navires de plus de 8 mètres ont été punis et mis à quai pendant plus d'un mois – les professionnels ont pourtant pris le problème des cétacés à bras-le-corps –, ni de l'atonie de la demande et des prix du poisson en cette période de pouvoir d'achat en berne.

Je veux revenir sur la question des coûts de l'énergie, centrale aussi bien dans l'immédiat que pour l'avenir. Nos armements structurés – 150 bateaux, près de 2 000 navigants, 40 % de la valeur de la pêche débarquée en France – sont pénalisés, vous le savez, par le fait que le plafonnement de l'aide au carburant s'applique aux entreprises et non aux bateaux. Je pense à l'armement Favrou à Dieppe ou à Sophie Leroy à Cherbourg, mais il y a bien d'autres exemples.

Je veux vous poser trois questions précises, que vous transmettrez, je n'en doute pas, à Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité.

Tout d'abord, quand le règlement sur l'aide aux pêcheurs en matière de carburant sera-t-il modifié, dès lors que cette aide est prolongée au premier semestre ? Il faut supprimer le plafond qui nuit à ces entreprises et les empêche d'investir dans la décarbonation. Il porte préjudice à l'attractivité des métiers de la pêche : sans les armements, bien des criées risquent de dévisser.

Ensuite, quand la réduction de 13 centimes par litre à la pompe sera-t-elle effective ? Selon quelles modalités ? Sera-t-elle accessible dans tous les ports ? J'attends de vous un discours de vérité.

Enfin, la Commission européenne vient d'annoncer un investissement de 2,2 millions pour un appel à projets de recherche sur les navires du futur décarbonés. À qui fera-t-on croire qu'une somme aussi faible peut financer la recherche sur la décarbonation de navires tels que les chalutiers et les coquillards ? Ce n'est évidemment pas à la hauteur des enjeux. Je voudrais savoir concrètement quelle est la feuille de route du Gouvernement sur la décarbonation de la pêche et sur le plafonnement des aides au carburant. À quelle échelle, quand, comment ?

M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . J'évoquerai bien sûr les questions que vous posez avec le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité, Hervé Berville, qui aura l'occasion de vous répondre plus largement dans un autre cadre.

Depuis mars 2022 et le début de la crise en Ukraine, vous le savez, le secteur de la pêche est accompagné par le Gouvernement pour faire face à l'augmentation du prix des carburants. Le dispositif d'aides instauré par la France a été rapide et d'une intensité sans égale en Europe afin de maintenir l'activité des pêcheurs, comme Hervé Berville a déjà eu l'occasion de le souligner.

Cinq phases d'une aide spécifique à la filière pêche ont couvert la période du 17 mars 2022 au 31 décembre 2023. Près de 80 millions d'euros ont été versés à plus de 3 000 bénéficiaires. Ce montant inclut les aides à la pompe, dont ont bénéficié l'ensemble des usagers. Parallèlement, le Gouvernement s'est battu auprès de la Commission européenne pour relever le plafond d'aide, qui était initialement de 30 000 euros et qui est à désormais établi à 335 000 euros. Le Président de la République a annoncé cet automne la prolongation du dispositif d'aide, à hauteur de 20 centimes par litre de carburant jusqu'au 30 juin 2024.

Par ailleurs, l'entreprise TotalEnergies s'est engagée, en signe de solidarité avec le secteur des pêches maritimes, à instaurer une ristourne de 13 centimes par litre de carburant pendant toute l'année 2024. Cette ristourne est effective pour tous les clients des coopératives d'avitaillement qui se fournissent auprès de TotalEnergies. Elle bénéficiera aux entreprises les plus importantes qui ont atteint le plafond d'aide publique.

M. le président . La parole est à M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel . Monsieur le ministre, je ne vous en veux pas de lire une fiche préparée par les services du ministère. Cependant, il y a un problème. Un plafond de 335 000 euros par entreprise, et non par bateau, pénalise les entreprises structurées. Il fragilise, par exemple, l'armement Favrou, qui possède quatorze chalutiers à Dieppe, fait vivre le port et fixe le prix de la coquille Saint-Jacques compte tenu des quantités pêchées.

Ensuite, il ne vous a pas échappé que l'entreprise TotalEnergies n'était pas présente dans tous les ports. Vous savez d'ailleurs que les ports français sont gérés selon différents modes : certains relèvent de la région ou du département, d'autres sont délégués aux chambres de commerce ou autonomes. De ce fait, les distributeurs d'énergie sont différents. Malgré l'effet d'annonce, concrètement, le geste de TotalEnergies ne bénéficie pas aux pêcheurs dans les ports.

Je le dis souvent, monsieur le ministre, les préoccupations des pêcheurs sont les mêmes que celles qui ont conduit les agriculteurs à exprimer une colère légitime ces derniers jours : pression administrative, coût de l'énergie préjudiciable à leur entreprise, absence de perspective pour le renouvellement des générations. Vous devriez prendre au sérieux la colère et l'inquiétude des pêcheurs, qui contribuent pour beaucoup à notre souveraineté alimentaire.